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Marchés de bétail vif
Le cadran résiste mieux que le gré à gré

Pour enrayer le déclin des marchés de gré à gré, certains n’hésitent pas à regarder vers les marchés au cadran, qui tirent mieux leur épingle du jeu, malgré leurs règles de fonctionnement plus strictes.

© B. Griffoul

Le déclin n’en finit pas. En 2009, les apports sur les marchés aux bestiaux ont encore baissé de 3,3 %, toutes catégories d’animaux confondues, après les forts reculs de 2007 (13 %) et 2 008 (11 %). Certes, les effectifs des animaux qui fréquentent le carreau suivent les courbes de production. Le marasme de la filière ovine explique l’essentiel de la baisse de 2009. En bovins, ils sont légèrement repartis à la hausse (1 %), surtout dans les animaux maigres, les veaux ayant continué à céder du terrain. Certes, la fièvre catarrhale ovine, et les restrictions de mouvements qui en ont résulté, sont à l’origine des chiffres catastrophiques de 2007 et 2008. Les marchés spécialisés en petits veaux ont été particulièrement affectés. Et en 2009, la baisse et le décalage des naissances ont forcément eu un impact sur les apports. Cependant, si chaque crise porte un sévère coup aux marchés, l’après crise ne leur permet jamais de retrouver les effectifs perdus. Les apports sur les marchés aux bestiaux sont tombés de plus de quatre millions de têtes dans les années quatre-vingt à moins d’un million et demi en 2009. La survie de bon nombre de marchés est aujourd’hui en question.

Risque pour les cotations

Cependant, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Des marchés de gré à gré, plutôt spécialisés en gros bovins de boucherie et animaux maigres, comme Cholet (Maine-et-Loire), Châteaubriant (Loire-Atlantique), Rethel (Ardennes) ou Arras (Pas-de-Calais), ont vu leurs effectifs au fil des années s’éroder moins que les autres. Bourg-en-Bresse, premier marché de France en 2009, résiste bien également malgré une part importante de veaux. A l’opposé, Sancoins, longtemps reconnu comme le fleuron des marchés aux bestiaux français, a vu ses apports divisés par deux en cinq ans. Et les moutons ne sont pas seuls en cause car les effectifs d’animaux maigres ont également fondu comme neige au soleil. De leur côté, les marchés au cadran se stabilisent ou continuent leur progression, notamment ceux du Centre et du Massif central : Moulins-Engilbert (Nièvre), Châteaumeillant (Cher), Saint-Christophe-en-Brionnais (Saône-et-Loire), Ussel (Corrèze) La conjoncture n’explique donc pas tout et la tentation est grande de comparer les deux formes de marchés. « Nos apporteurs sont des négociants pour les marchés de gré à gré et des éleveurs pour les marchés aux cadran. Ces derniers représentent une forme moderne des marchés avec, malgré tout, leurs défauts, en particulier la lenteur des transactions. Mais, ils sont gérés par des équipes d’éleveurs motivés, qui disposent d’un chef des ventes à temps complet et de commerciaux, analyse Gilles Rousseau, président de la Fédération française des marchés de bétail vif (FMBV). De l’autre côté, nous avons des négociants qui sont des gens opportunistes et très personnels, qui veulent jouer à part. Pourtant, les marchés, c’est leur outil de cotation, leur centre d’allotement… C’est à eux de jouer le jeu. »

« Ce qui nous fait beaucoup de tort aussi, ce sont les grosses boîtes qui font du direct abattoir, regrette Christian Goury, PDG du marché de Rethel et président délégué de la FMBV. Ils vont chez les commerçants les veilles de marché et ils trient les animaux dont ils ont besoin ». Il dénonce aussi les achats opportunistes des grands abatteurs : « Le jour où ils n’ont pas assez de bêtes, ils viennent sur le marché et ils mettent le feu pour approvisionner leurs usines. Les habitués ne peuvent plus acheter. Puis, on passe 15 jours sans les voir ou juste pour un camion. » Il constate aussi l’inverse: des commerçants qui font du direct abattoir, mais amène des bêtes lorsqu’ils les ont sur les bras. « Quand les marchés auront disparu, on pleurera parce qu’il n’y aura plus de cotation. Les grandes surfaces et les gros faiseurs feront ce qu’ils voudront. » Jean-Claude Crassat, président de la commission import-export de la fédération des commerçants en bestiaux (FFCB), n’hésite pas, lui non plus, à tourner son regard vers les marchés au cadran pour mieux pointer du doigt les faiblesses des marchés de gré à gré et par voie de conséquence les évolutions indispensables.

Paiement à huit jours

« Si on veut les revitaliser, il faut prendre les bonnes choses des marchés au cadran, c’est-à-dire la discipline de fer et le paiement à huit jours. J’ai lancé le débat au niveau de notre fédération parce que si on ne fait pas ça, il n’y aura plus de marché d’ici peu. Il n ‘y a pas besoin de monter des usines à gaz. Avec un paiement à huit jours, automatiquement, vous n’avez plus besoin de la garantie de paiement parce que vous n’avez qu’une semaine d’encours. Je pense que c’est la seule voie pour faire revenir les apporteurs sur les marchés. » Gilles Rousseau souscrit pleinement à cette proposition : « C’est quelque chose qu’il faut absolument mettre en place. » Christian Goury s’interroge néanmoins sur la faisabilité d’un délai aussi court pour les animaux de boucherie vendus au poids de viande : « Le temps de rentrer les poids, de facturer, ça demande largement huit jours. Et, avec un paiement à huit jours, certains négociants ne pourront plus venir sur les marchés. » Jean- Claude Crassat en convient : « Le médicament va être dur et tout le monde ne pourra pas le supporter. Pour le mettre en application, il faut faire une loi interprofessionnelle et impliquer les pouvoirs publics parce que si des gens doivent rester sur le bord de la route, il faudra les aider à arrêter. »

Instaurer une discipline de fer

Christian Goury, PDG du marché de Rethel, géré par une SA, ne craint pas de se faire traiter de « dictateur ». « J’ai mis en place une discipline de fer. Les horaires sont respectés. Le marché ouvre à 15 heures. Cinq minutes avant, aucune bête n’est vendue. Pour faire respecter la règle, j’inflige des amendes. Et ceux qui ne veulent pas payer, je les mets à la porte. Tous les marchés qui ont chuté, ce sont ceux où il n’y avait pas de discipline. » Aujourd’hui, les amendes (86€ pour la première, le double en cas de récidive) se font rares. Il fait lui-même la police entre les barres. Un autre marché est unanimement cité comme étant la » rence « en matière de discipline, celui de Laissac (voir page 28).

Beaucoup de responsables de marchés sont conscients que la discipline est indispensable pour attirer les acheteurs, mais souvent ils reconnaissent qu’elle est difficile à faire respecter. « Nous avons beaucoup amélioré la discipline. Mais, nous avons beau nous employer à la faire respecter, nous n’y arrivons pas toujours, reconnaît Francis Martin, président du marché de Châteaubriant. Et, la plupart des commerçants nous disent qu’ils sont pour les transactions avant l’heure, c’està- dire la liberté du commerce. Certains mettent aussi des gros bovins avec les broutards, dont la vente démarre trois quarts d’heure avant. Par contre, nous avons mis en place un système pour contrôler ceux qui trichent sur le nombre d’animaux qu’ils amènent sur le marché. Ils payent une amende de 130 euros plus dix fois le droit d’entrée par bête non déclarée. »

Regrouper des marchés et annoncer les volumes d’animaux

Pour enrayer le déclin des marchés de gré à gré, Gilles Rousseau prône également le regroupement de certains d’entre eux proches géographiquement afin d’atteindre une taille critique de l’ordre de 500 à 700 bêtes par semaine. « Les grosses structures comme Bigard ne sont pas contre les marchés. Mais, elles rêvent d’avoir des grands marchés pour s’assurer un approvisionnement régulier à un endroit donné et rentabiliser leur déplacement. » Et de citer en exemple quatre marchés – Château-Gontier (Mayenne), Châteaubriant (Loire-Atlantique), Laval (Mayenne) et Fougères (Ille-et-Vilaine) – qui, selon lui, auraient intérêt à se regrouper. Des contacts ont été pris, mais il semble difficile pour une ville de saborder son propre marché au profit d’un autre. Dans le même ordre d’idée, afin de mieux s’organiser, les grands groupes réclament que les volumes d’animaux présentés soient annoncés quelques jours avant la tenue du marché. Comme dans les marchés au cadran, rappelle encore Jean-Claude Crassat : « Cela nous permettrait d’organiser le transport en fonction du nombre de bêtes qu’il va y avoir. Si une partie des marchés se mettait d’accord pour le faire, cela ferait boule de neige. » Avec sans doute une « carotte » à la clé, style droits de place réduits, pour inciter les apporteurs à s’y soumettre. Les responsables de marchés reconnaissent l’utilité d’une telle mesure, mais beaucoup estiment que c’est trop lourd à mettre en oeuvre, en terme de personnel et de moyens informatiques.

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