Installation des étrangers
La France séduit toujours les agriculteurs européens
Installation des étrangers
Attirés par un foncier plus accessible, des agriculteurs étrangers continuent à s´installer en France. La langue et la complexité du système agricole français restent néanmoins des freins.
Plus la réalité est incertaine, plus la rumeur galope, c´est bien connu. Il en est ainsi de l´installation des ressortissants étrangers dans les campagnes françaises. Qu´il s´agisse d´achats résidentiels ou de reprises d´exploitations, leur arrivée agite souvent les esprits et déclenche ici ou là des hostilités. Moins sans doute aujourd´hui qu´au début des années 80. Phénomène d´autant plus sensible à la rumeur qu´aucun chiffre ne le cerne précisément. Il faut se contenter de données partielles et pas toujours fiables. En 2002, l´Insee chiffrait le nombre d´agriculteurs étrangers à environ 9000, soit 1,2 % du total des chefs d´exploitations. Issues d´enquêtes et non d´un recensement, ces données sont approximatives car extrapolées à partir d´un nombre trop faible de cas.
L´installation d´agriculteurs étrangers se poursuit-il au même rythme que dans la décennie précédente ? Tout aussi difficile à dire. Le Cnasea donne un « nombre d´étrangers installés avec aides de 180 par an, soit environ 3 % des installations avec aides ». Et d´estimer qu´au moins autant s´installeraient sans aides. D´autres spécialistes de la question évaluent le nombre total d´installations d´agriculteurs étrangers à moins de 200 par an. L´incertitude reste donc de mise. Quant à détailler combien d´éleveurs allaitants n´ont pas la nationalité française, nous serions bien en peine de le dire. En tout état de cause, les agriculteurs étrangers n´exploitent qu´une part infime du foncier. Même si dans certaines régions comme le Limousin, les achats des étrangers représentaient il y a quelques années 16 à 17 % (en nombre) de la totalité des achats enregistrés par les Safer, leur concentration est un peu plus importante.
60% des surfaces acquises par les étrangers sont destinées à un usage agricole. ©Source : Terres d´Europe - SCAFR |
Moitié de jeunes, moitié de réinstallations
Terres d´Europe SCAFR (Société de conseil pour l´aménagement foncier et rural), émanation des Safer, indique que, dans les années 1998 à 2000, les étrangers intervenaient pour près de 7 % (en valeur) sur le marché strictement agricole, mais n´achetaient que 3,2 % de la surface mise en vente. Ils acquièrent donc des terres de valeur supérieure à la moyenne. A noter que 60 % seulement de la surface achetée par des étrangers sur le marché rural est destinée à un usage agricole. Le reste est lié à l´acquisition de résidences secondaires ou de loisirs dont la demande grimpe en flèche.
D´où viennent-ils ? A 90 % de l´Union européenne et de Suisse. Selon les chiffres de Terres d´Europe SCAFR concernant le marché agricole en 2000, les Suisses et les Néerlandais acquièrent 45 % des surfaces (respectivement 11 % et 25 % en valeur) et les émigrants du Royaume-Uni (Anglais et Irlandais) près de 30 % des surfaces (35 % en valeur). S´installent aussi en France, en moins grand nombre, des Allemands, des Belges, des Italiens.
Qui sont-ils ? « Moins de la moitié des ressortissants étrangers sont de jeunes agriculteurs de moins de 40 ans. L´autre moitié concerne des agriculteurs qui effectuent une réinstallation suite à la revente de leur exploitation dans leur pays d´origine », répondait Stéphanie Lesage, dans un récent mémoire d´ingénieur, après avoir interrogé un certain nombre d´opérateurs installant des agriculteurs étrangers. A noter aussi quelques installations de non agriculteurs et quelques achats par des investisseurs n´exploitant pas eux-mêmes.
Qu´est-ce qui les motive à quitter leur pays ? En premier lieu, s´accordent à dire tous les experts de la question : le foncier, dont le prix est de six à dix fois plus cher qu´en France. C´est particulièrement vrai pour les Pays-Bas, même si le prix a baissé ces dernières années, où la forte concentration de hors-sols donne une valeur élevée aux exploitations et génère une forte demande en terres pour les besoins d´épandage, alors que la pénurie est la règle.
A cela s´ajoutent une urbanisation grandissante qui engloutit beaucoup d´espace et la mise en réserve de terres agricoles à des fins environnementales. Parfois influencés par des compatriotes qui ont déjà tenté leur chance avec succès, ces agriculteurs choisissent d´émigrer vers des cieux qui leur paraissent plus favorables, où ils peuvent trouver des fermes sans successeur pour réaliser leur projet professionnel. Ce sont soit des jeunes qui ne pouvaient s´installer chez eux, soit des candidats à une réinstallation sur des structures plus spacieuses et plus viables. Certains, plus âgés, se réorientent vers des productions moins contraignantes, par exemple du lait à la viande.
©Source : Terres d´Europe - SCAFER. |
Surpris par la complexité du système agricole français
La contrepartie de ce départ forcé, notamment quand il revendent leurs biens antérieurs à bon prix, c´est une certaine aisance financière. Ils arrivent souvent en France avec un bon pactole qui peut parfois conduire à des surenchères. Toutefois, les cas de figure sont très variables, certains migrants ayant des moyens bien plus limités, notamment les jeunes. Le recours aux emprunts reste souvent nécessaire. Les ressortissants de l´Union européenne, ainsi que les Suisses, ont accès aux mêmes aides que les agriculteurs français : DJA, prêts à taux réduits. Des conditions de financement plus avantageuses qui sont une motivation supplémentaire. « Les migrants sont attirés aussi par une qualité de vie réputée meilleure en France, par la reconnaissance sociale dont bénéficie encore notre agriculture, par le soutien dont elle fait l´objet et par tout le réseau de services, les Cuma, etc, complète Christelle Brosset de Terres d´Europe SCAFR. Les agriculteurs du Royaume-Uni sont sensibles aussi à la qualité des services publics d´éducation et de santé. »
Habitués à un système économique plus libéral, les agriculteurs étrangers sont souvent surpris par la complexité du système agricole français, par le maquis des organisations agricoles et le « parcours du combattant » qu´est l´installation avec aides. Ils ont du mal souvent à se plier aux obligations liées aux groupements de producteurs. Parfois au point de remettre en cause leur projet après avoir décrypté le système français. « Avec ses structures figées, son contrôle des structures, ses droits à produire peu élevés par rapport à d´autres pays plus libéraux, l´agriculture française convient mieux aux étrangers désirant s´installer sur une exploitation de taille moyenne et de bonne viabilité mais dont les projets d´agrandissements ne doivent pas être conséquents », analysait Stéphanie Lesage. Les aventuriers, âpres au gain, visent des horizons plus lointains. Quoi qu´il en soit, les possibilités d´installation en France pour des agriculteurs étrangers sont plus limitées qu´auparavant car les disponibilités foncières sont moins importantes. Globalement, la demande semble donc supérieure à l´offre même si localement parfois des fermes ne trouvent pas preneur.