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La décapitalisation s’accélère

Le recul du troupeau allaitant, engagé depuis 2016, se poursuit et s’accentue. Et ce n’est pas la sécheresse de cet été qui va enrayer le processus dans les mois à venir.

Le cheptel de vaches allaitantes comptait 3,78 millions de têtes le 1er septembre 2019, soit 2 % de moins qu'il y a un an. © C. Delisle
Le cheptel de vaches allaitantes comptait 3,78 millions de têtes le 1er septembre 2019, soit 2 % de moins qu'il y a un an.
© C. Delisle

Dans un contexte difficile, les effectifs du cheptel allaitant français continuent de régresser. Les statistiques de la Base de données nationale de l’identification (BDNI) sont formelles. Depuis 2008, une décapitalisation rapide du troupeau allaitant est en cours. Ce phénomène avait été momentanément masqué entre décembre 2013 et décembre 2016, période où le cheptel avait progressé de 114 000 vaches (+ 3 % en trois ans). Cette hausse concernait de nombreuses exploitations cherchant à agrandir leur troupeau, encouragées par les incertitudes vis-à-vis des nouvelles modalités d’application de la PAC et dans un souci de réajuster leur cheptel, suite à la sécheresse de 2011. Depuis, la chute est brutale avec - 151 000 têtes (-4 %) entre décembre 2016 et décembre 2018. On a perdu en deux ans plus de vaches que l’on en avait gagnées au cours des trois années précédentes. Et la chute se poursuit en 2019.

Un doublement du recul de détenteurs

Cette forte décapitalisation du cheptel s’accompagne d’une accélération des cessations d’activité, en quantité et en nombre de vaches. Depuis 2007, le nombre de détenteurs de plus de 20 vaches allaitantes (58 400 en 2018) est en diminution régulière. « Depuis 2016, elle a soudainement doublé passant de - 800 à - 1 500 détenteurs par an. Cette érosion brutale s’explique majoritairement par le vieillissement des chefs d’exploitations. Environ 55 % d’entre eux ont entre 50 et 60 ans et possèdent 49 % des vaches allaitantes. Les conversions d’ateliers lait en viande ont par ailleurs un impact très limité sur le nombre de détenteurs et les créations d’ateliers allaitants (spécialisés ou mixtes) s’érodent ce qui conduit à un bilan négatif de - 1 896 ateliers allaitants en 2018 par rapport à l’année précédente », observe Hélène Fuchey du département économie de l’élevage de l’Institut de l’élevage.
Si les créations d’ateliers allaitants sont moindres, elles restent globalement stables en nombres de vaches (taille des créations plus grande) mais insuffisantes pour compenser les arrêts d’ateliers. Dans le même temps, le nombre de vaches présentes dans les ateliers diminue en lien avec des évolutions de systèmes de production.

Des créations stables en nombre de vaches

Les élevages allaitants qui le restent d’une année sur l’autre, perdent des vaches alors qu’ils en gagnaient en 2016. « Dans une optique de départ à la retraite, sans reprise de l’atelier allaitant et avec peu de main-d’œuvre, les éleveurs commencent à réduire leur cheptel. » De plus, les exploitations mixtes gagnent moins de vaches qu’avant. Les conversions du lait vers la viande, peuvent peser localement mais génèrent au global un faible gain de vaches. Les petits élevages, quant à eux, en perdent de plus en plus. Soit un bilan négatif de plus en plus important en nombre de vaches depuis 2018 (- 83 571 vaches allaitantes en 2018 par rapport à 2017).
Globalement au fil des années, la courbe des naissances suit celle du nombre de vaches, hors épisodes d’accidents (sanitaires, climatiques…). En 2019, les naissances de veaux allaitants restent limitées (- 7 % en cumul sur 9 mois par rapport à 2018). La mise à la reproduction des femelles semble moindre. Les interrogations portent sur les vêlages de cet hiver, suite à la canicule et à la sécheresse de cet été. Et les incertitudes liées à la nouvelle réforme de la PAC suscitent bien des questions sur le terrain. « On ne sait pas où l’on va. Dans l’attente, les agriculteurs préfèrent ne rien changer », estime Emmanuel Bernard, éleveur dans la Nièvre et président du comité de filière viande bovine de l’Institut de l’élevage.
« La démographie est un facteur clé. Il est ainsi prévu en 2020 de relier les données MSA à celles de la BDNI sur cet aspect. Quelques nouveaux profils d’éleveurs font par ailleurs leur apparition mais restent encore marginaux », conclut Hélène Fuchey.

(1) Cette étude a été cofinancée par Interbev et CNE, valorisant ainsi les données SPIE et Normabev.

Les créations d’ateliers stables en nombre de vaches ne compensent pas les cessations d’activité.

Manque de rentabilité, premier facteur à l’œuvre

Des focus groupes ont été réalisés afin de recueillir les facteurs à l’œuvre de ces évolutions en cours. Les installations familiales restent majoritaires malgré un développement d’installations hors cadre familial. Dans le cas des exploitations allaitantes qui poursuivent leur activité, différentes situations se profilent. À côté des élevages en statu quo (rythme de croisière, fin de carrière), on retrouve de plus en plus de changements d’équilibre économique avec soit une réduction des charges (réduction du chargement, spécialisation naissage), soit un développement du produit viande (finition des femelles, transformation, SIQO) ou encore un investissement sur d’autres activités (volailles, végétal, énergie) qui pose à terme la question du recul de l’atelier bovin. Les arrêts restent majoritairement liés au départ à la retraite. Changement d’activité, choisi ou subi selon le contexte d’emploi local et changement de production représentent les deux autres raisons de cessations.

« Ce qui ressort des entretiens, c’est la forte inertie du capital nécessaire à la production. Le manque de rentabilité des ateliers allaitants constitue le premier motif de création ou de cessation d’activité. Cumulée à l’aspect main-d’œuvre (quantité, qualification et charge mentale) qu’il génère, la passion semble essentielle à l’installé et à la poursuite du métier et ce, d’autant plus si des alternatives pédoclimatiques permettent de faire d’autres choix que l’élevage. S’ajoutent ensuite d’autres variables. À savoir, l’impact des politiques publiques, les contraintes géographiques et climatiques, le tissu local (patrimoine, filière, marchés…), ainsi que l’image du métier », conclut Hélène Fuchey.

Des disparités régionales

Des focus ont été réalisés dans quatre bassins de production pour visualiser les différences de trajectoire selon les régions.

Les évolutions de cheptels sont très contrastées selon les régions françaises. Alors que certaines zones géographiques (Pays de la Loire, Limousin, Charolais, Ardennes, Meuse) subissent de fortes baisses tant en cheptels qu’en ateliers, d’autres voient des augmentations du nombre de vaches (Lozère, Cantal).
Dans la Haute-Vienne, le nombre de vaches allaitantes suit la tendance nationale. Dans les Ardennes, après une forte chute du cheptel de vaches en 2017-2018, il se stabilise. La Vendée voit, quant à elle, son cheptel de vaches s’éroder depuis le début des années 2000 avec une forte accélération de ce phénomène ces deux dernières années. À l’inverse, la Lozère continue de gagner des vaches allaitantes, même si cette progression ne compense pas le recul des effectifs laitiers.

 

 

Vendée et Haute-Vienne très impactées

En Haute-Vienne et en Vendée, le nombre de détenteurs diminue de façon linéaire depuis de nombreuses années (respectivement - 41 ateliers par an et - 64 ateliers par an). « Le dynamisme de l’emploi vendéen, détourne les jeunes de l’élevage allaitant. Ils préfèrent faire autre chose que de s’installer. Dans les Ardennes, la baisse est récente (- 4 ateliers par an). En Lozère, l’évolution du nombre d’ateliers allaitants est stable. Elle reste croissante (+ 2 ateliers par an). La bonne santé des installations dans ce département peut s’expliquer par le manque d’alternatives en termes d’activités », souligne Hélène Fuchey.

 

 

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