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Jouer sur la complémentarité de deux troupeaux charolais et angus

Sébastien et Laura Baladier, installés à Néris-les-Bains dans l’Allier, élèvent des vaches charolaises et angus selon deux conduites bien distinctes. Ils misent sur les atouts propres à chaque race pour diversifier leurs débouchés.

« Nous jouons autant sur la complémentarité de conduite d’élevage que de commercialisation », souligne Sébastien Baladier. D’abord ouvrier agricole puis salarié en charge du classement des carcasses en abattoir, l’éleveur trouve finalement l’opportunité de reprendre une exploitation avec sa compagne, Laura, à Néris-les-Bains, dans l’Allier. Ils s’installent tous deux hors cadre familial en 2013, à la tête d’un troupeau de 130 vaches charolaises.

Si les exploitants suivent d’abord le modèle préexistant établi par leur prédécesseur en système naisseur engraisseur, ils décident très rapidement de reprendre la main sur la commercialisation de leurs animaux et lancent leur atelier de transformation et leur magasin à la ferme. C’est là que l’idée leur vient d’introduire progressivement une seconde race allaitante : l’angus. « En 2018, le cheptel était devenu trop important par rapport à nos capacités de logement pour abriter l’ensemble des vaches à vêler pendant l’hiver », explique Sébastien Baladier. Plutôt que d’investir dans un nouveau bâtiment d’élevage, le couple d’éleveurs réfléchit alors à l’achat de bovins d’une autre race suffisamment rustique pour passer l’année dehors.

Un positionnement haut de gamme

« Notre choix s’est porté sur l’angus car, si cette race est réputée pour sa rusticité et sa robustesse, ses qualités de viande très tendre et persillée nous permettent aussi de nous différencier sur le créneau haut de gamme pour la vente directe », détaille l’éleveur. Ce dernier a également été séduit par sa facilité de conduite. « On parle souvent du bien-être animal, mais jamais de celui de l’éleveur », relève Sébastien, qui souhaitait de ne pas alourdir sa charge de travail dans la surveillance et les soins apportés aux bêtes. Aujourd’hui, Sébastien et Laura Baladier mènent un cheptel de 100 vaches charolaises et 60 angus, mais le couple d’éleveurs souhaite arriver en vitesse de croisière à 80 charolaises et 100 angus.

Une casquette d’engraisseurs…

Sur l’exploitation, les deux troupeaux sont conduits de façon séparée. Pendant la saison de pâturage, 75 hectares sont réservés aux charolaises. Ces dernières sont réparties par lot de 25 avec les taureaux sur les parcelles. Les vaches sont rentrées avec leur suite en stabulation sur aire paillée pendant l’hiver. Les vêlages courent de la fin octobre à la mi-avril. « Nous avons fait le choix d’une période de vêlage plutôt étalée, puisque 85 % de nos produits charolais passent en vente directe, explique Sébastien. La moindre concentration des naissances a aussi l’avantage de réduire la pression sanitaire en bâtiment. » Sur l’année, le Gaec de l’Eden valorise environ 35 veaux sous la mère abattus entre 5 et 7 mois, pour un poids carcasse de 170 kg. Toutes les génisses sont conservées pour le renouvellement et les mâles restants sont vendus en maigre à la coopérative Sicagieb.

Trente-cinq vaches de réforme viennent compléter les ventes en circuit court chaque année. Les éleveurs sont en train de réajuster leur conduite d’élevage pour obtenir des carcasses plus légères et ainsi mieux coller aux attentes de leur clientèle. Actuellement, les poids de carcasse des femelles oscillent entre 400 et 470 kg, pour une note d’état comprise entre R = 3 et U-. Les femelles sont engraissées quatre à six mois avant l’abattage. En bâtiment, elles reçoivent quotidiennement 42 kg d’ensilage de luzerne, 4 kg de foin de luzerne, 4 kg de céréales autoproduites sur l’exploitation, complétés par 100 grammes de carbonate de calcium. Au printemps, le lot est fini à l’herbe, avec une complémentation à l’auge. « La viande issue du troupeau charolais, proposée au détail sur la ferme et les marchés, a toute sa place dans notre modèle économique. Elle reste plus attractive en termes de prix pour les consommateurs », souligne Sébastien.

Le Gaec de l’Eden frôle les 95 % d’autonomie alimentaire, notamment permis grâce à la culture de luzerne irriguée sur 30 hectares, où sont réalisées cinq à six coupes chaque saison. Ce niveau d’autonomie garantit une très bonne maîtrise du coût alimentaire. Pour l’ensemble des animaux engraissés, il ne dépasse pas 3,50 euros par jour et par tête de moyenne, selon les éleveurs.

…et de sélectionneurs

S’agissant du troupeau angus, si le système est avant tout orienté vers la vente de génétique, le débouché en viande n’en est pas moins important. Les premiers animaux à la robe noire sont arrivés sur l’exploitation en 2018. Les éleveurs ont démarré avec dix vaches inscrites pleines achetées au Luxembourg. « Le lot s’est très bien acclimaté à son nouvel environnement, mais la qualité de viande des produits abattus n’était pas au rendez-vous », se souvient Sébastien. À la fin de l’année 2019, les éleveurs partent alors en Écosse, le berceau d’origine de la race, où ils acquièrent 35 femelles de 8 mois. C’est à partir de ce lot à fort potentiel que les exploitants étoffent leurs effectifs. Le cheptel est divisé en deux lots de 35 et de 25 têtes et conduit en plein air intégral sur une quarantaine d’hectares d’un seul tenant, avec un changement de parcelles tous les quinze jours. Lorsque l’herbe vient à manquer, un fourrage grossier leur est distribué.

Après quelques essais, Sébastien et Laura ont fixé leur période de vêlages entre la mi-janvier et le 20 mars. « Les animaux peuvent ainsi bien profiter de la pousse de l’herbe de printemps à la mise au taureau. » Les génisses sont mises à la reproduction dès l’âge de 13 mois, en vue d’un vêlage à 21 mois. Les poids des veaux à la naissance, qui avoisinent les 30 kg, permettent des vêlages faciles. « Nous sommes proches des 98 % de vêlages sans assistance et en plein air. Le taux de perte est infime, évalue Sébastien. Sur les trois dernières campagnes, le seul cas de mortalité a été des jumeaux mis bas sans surveillance. »

Lancement de deux ateliers complémentaires

Le Gaec de l’Eden dispose par ailleurs d’un laboratoire de transformation à la ferme depuis 2016. La structure comprend une salle de découpe et une chambre froide, où un boucher travaille à temps plein. La viande est découpée et valorisée sous forme de colis de 5, 10 ou 20 kg, mais aussi en individuel sous vide pour un écoulement principalement sur les marchés. Le couple d’éleveurs a également monté en 2018 un atelier de porcs en plein air qui assure la commercialisation de 350 porcs en vente directe par an et compte, dès le mois de mars, se lancer dans la production de volailles. « Nos clients souhaitaient profiter d’une plus large gamme de produits issus de notre ferme et ces deux ateliers complémentaires valorisent des surfaces boisées plus éloignées du siège de l’exploitation, et peu accessibles par les bovins », indique Sébastien.

Passage au vêlage précoce à 24 mois et croisement terminal

Pour limiter le nombre d’UBG improductifs, Sébastien et Laura Baladier testent pour la deuxième année consécutive le vêlage précoce à 24 mois pour leurs génisses charolaises. Elles sont mises à la reproduction en monte naturelle avec un taureau de race angus entre 13 et 14 mois. Les nouveau-nés, qui sont plus légers, limitent les facteurs de risque de complications au vêlage. Tous les produits issus du croisement sont, soit valorisés en direct sur la ferme, soit auprès d’abattoirs et de bouchers aux alentours. Avec l’avancement de l’âge au premier vêlage, le poids moyen des vaches charolaises à maturité est passé de 480 kg de carcasse à 430 kgc de moyenne. Une tendance dont les éleveurs sont satisfaits. « Notre clientèle est à la recherche de carcasses plus légères », confirment-ils.

Chiffres clés

100 ha de prairies permanentes et 100 de prairies temporaires dont 30 de luzerne
100 ha de céréales dont 60 de blé, 11 d’orge, 11 de triticale, 15 de tournesol et 3 d’épeautre
100 vaches charolaises et 60 vaches angus
180 places de stabulation libre et une étable entravée de 30 places
3,5 UMO

Avis d’expert : Marc Didienne, consultant en nutrition et fondateur du réseau De Meuh En Mieux

« Gagner en autonomie alimentaire à travers une meilleure gestion des ressources disponibles »

« Afin de tirer profit au maximum des ressources produites sur la ferme, un suivi approfondi a été entamé en début d’année sur le type de cultures implantées, le stade de récolte et les rations distribuées. Avec une bonne autonomie alimentaire de base, l’exploitation dispose déjà de tous les ingrédients nécessaires pour formuler des rations simples, équilibrées et peu coûteuses. Il suffit de mieux les répartir. En ce qui concerne les génisses d’élevage et les vaches à veaux, le niveau protéique de la ration a été relevé à 13 % de MAT mais la base a été diluée avec du foin pour apporter de la fibrosité. Ainsi, le bol quotidien par animal se compose de 30 kg d’ensilage de moha et de luzerne et de 3 kg de foin. Pour les veaux, la ration a été simplifiée de sorte à supprimer les achats extérieurs de tourteaux. Ces derniers reçoivent un aliment distribué à volonté composé de 50,5 % de foin de luzerne, 44 % de mélange maïs blé, 2,5 % de minéraux et 3 % de mélasse de canne. Sur la partie engraissement, la base d’ensilage de luzerne - à hauteur de 20 % de MAT -, à laquelle s’ajoute foin, céréales et minéraux, constitue une ration simple mais très riche à 0,94 UF et 16,7 de MAT. »

 

 

Des embryons achetés aux États-Unis

Pour enrichir la génétique de leur troupeau, Sébastien et Laura Baladier vont puiser dans du matériel bien au-delà des frontières de l’Hexagone.

Chaque année, les éleveurs achètent chaque année quinze embryons issus de l’élite américaine, en provenance d’un élevage de l’État de Virginie, via Gènes Diffusion. « Les États-Unis ont pris beaucoup d’avance dans l’évaluation génétique. L’indexation des animaux est réalisée de façon très fine pour tendre vers une prise de poids constante des animaux et un marbling irréprochable », soutient Sébastien, avant d’évoquer un index de prédiction à venir sur la tendreté de la viande.

Pour le renouvellement, seules les femelles supérieures descendantes d’embryons et nées sur la ferme ainsi que les meilleures vaches sur le critère de persillé sont gardées. Sinon, 85 % des mâles et femelles sont vendus comme reproducteurs à l’âge de 7 mois, après le sevrage. Tous sont soumis à la certification de parenté des bovins et inscrits au contrôle de performances avec Bovins croissance. Sur la campagne 2021, les veaux affichaient à 210 jours un poids moyen de 326 kg et un GMQ de 1,550 kg, sans complémentation. Un mois avant leur départ de la ferme, les jeunes reproducteurs restent à l’attache dans une petite étable entravée pour les habituer au contact et les rendre dociles.

Depuis 2019, Sébastien, aussi administrateur à l’association Aberdeen angus France, réserve quelques taureaux et génisses de 8 mois à 1 an pour les concours. Cette année, il prévoit de présenter à la prochaine édition du Sommet de l’élevage des taureaux adultes et deux vaches suitées à taureaux.

Le reste des animaux angus non valorisés pour la génétique sont vendus en direct sur la ferme ou à des bouchers de la région. Il s’agit surtout de vaches de réforme finies, ayant un poids carcasse moyen de 420 à 450 kgc, une conformation de R = à R + et une note d’état de 4.

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