Jean-Marc Jancovici : « Les Français aiment les agriculteurs mais pas l’agriculture »
Le président du Shift project Jean-Marc Jancovici estime que pour que l’agriculture puisse se décarboner les Français vont devoir accepter de payer plus cher leur alimentation. Il s’exprimait le 11 février, comme grand témoin, lors des controverses de l’agriculture et l’alimentation, organisées par le groupe Réussir-Agra.
Le président du Shift project Jean-Marc Jancovici estime que pour que l’agriculture puisse se décarboner les Français vont devoir accepter de payer plus cher leur alimentation. Il s’exprimait le 11 février, comme grand témoin, lors des controverses de l’agriculture et l’alimentation, organisées par le groupe Réussir-Agra.
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« Les agriculteurs sont prêts à agir en faveur de la décarbonation mais 87% y posent une condition économique », rappelle Jean-Marc Jancovici, fondateur du Think Tank de décarbonation le Shift project et invité pour la deuxième année comme grand témoin des controverses de l’agriculture et de l’alimentation organisées le 11 février par le groupe Réussir-Agra à Paris.
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Quel scénario pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère ?
Venu présenter les grandes lignes du rapport « Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère » publié en novembre 2024, le médiatique expert en énergie pointe ainsi l’enseignement principal de la grande consultation réalisée par le Think Tank en 2024 auprès de plus de 8000 agriculteurs.
Le scénario proposé par le Shift project vise à atteindre 48 MtCO2 éq d’émissions directes pour le secteur agricole à horizon 2050 avec une baisse de consommation des énergies fossiles de 21% tout en essayant de préserver la souveraineté alimentaire de la France, sa capacité d’exportation et l’environnement, résume le président du Think Tank.
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Se décarboner sans produire trop d’énergie renouvelable
Dans le scénario qu’il propose le Shift Project ne met pas l’accent sur la production d’énergie renouvelable par les agriculteurs. « Les énergéticiens veulent de la biomasse agricole pour faire tourner des camions, pour faire du matériau, de la chimique organique, mais il n’y en aura pas pour tout le monde », estime Jean-Marc Jancovici. Selon lui « les biocarburants doivent être réservés au matériel agricole ». Quant à la méthanisation ? « On n’y est pas favorables si c’est pour maintenir un réseau de gaz à toute force, car nous préconisons à terme la suppression du chauffage au gaz », tranche l’expert en énergie.
La seule solution pour encourager les agriculteurs à se décarboner via une valorisation économique (qui ne passera pas par la production d’énergie pour le Shift Project) est, selon Jean-Marc Jancovici, que « le consommateur et le citoyen se mettent d’accord ».
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Les prix agricoles doivent augmenter selon Jean-Marc Jancovici
« Les gens dépensent aujourd’hui 12% de ce qu’ils gagnent dans leur alimentation et là-dessus seuls 7% vont à l’agriculture. Il y a un siècle c’était 20 plus », rappelle-t-il, soulignant que c’est grâce à l’explosion de la compétitivité de l’agriculture. « Il va falloir assumer de dire que les produits valent plus cher en fin de chaîne de production », estime Jean-Marc Jancovici.
Si le coût de production des denrées agricoles doit passer de 1 à 2% de ce que l’on gagne je ne sais pas si cela va nous tuer
« Si le coût de production des denrées agricoles doit passer de 1 à 2% de ce que l’on gagne je ne sais pas si cela va nous tuer », lance-t-il.
Mais attention toutefois à ce que tous les maillons de la chaîne ne procèdent pas à des « augmentations proportionnelles de prix », souligne le président du Shift Project.
« Nous sommes dans un monde soumis à des injonctions contradictoires avec les Français qui disent « je veux manger pour pas cher mais que ça préserve l’environnement ». Les Françaises disent qu’ils aiment les agriculteurs mais ils n’aiment pas l’agriculture, il va falloir absolument réconcilier les deux ». Ainsi Jean-Marc Jancovici conclut son intervention aux 7e controverses de l’agriculture et de l’alimentation.
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