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Innover en santé des broutards

Des travaux récents sur les pistes de réflexion explorées en vue d’améliorer la santé des animaux, dès leur entrée en atelier d’engraissement ont été présentés au Space.

Les récents programmes lancés cherchent à optimiser la santé des jeunes bovins à l’engraissement, fortement touchés par des problèmes respiratoires.
© Oniris

La majorité des problèmes sanitaires dans les ateliers d’engraissement de taurillons est liée à des pathologies respiratoires (78 % des troubles de santé). Ces affections relèvent de causes multiples. Souvent difficiles à maîtriser pour les éleveurs, elles engendrent des pertes économiques et de moindres performances techniques. Plusieurs pistes de réflexion ont récemment été engagées pour améliorer la santé des animaux dès leur entrée en atelier d’engraissement.
C’est le cas notamment du projet Sant’Innov dont l’enjeu est de diminuer les traitements antibiotiques collectifs et systématiques contre les maladies respiratoires qui concernent encore 40 % des lots en début d’engraissement, tout en maintenant les performances animales.
Aussi, le programme s’attache à réduire l’incidence et la prévalence des maladies respiratoires grâce à une meilleure compréhension de leur lien avec l’état des animaux à leur entrée en engraissement.

Un manque d’échanges d’informations

« Une étude récente montre que l’hétérogénéité dans la provenance des broutards augmente à la fois le risque de maladies respiratoires et la variabilité des performances de croissance des jeunes bovins. On a constaté par ailleurs que la composition du lot n’intervenait que peu dans la décision de traiter », précise Nathalie Bareille, enseignant-chercheur à l’école nationale vétérinaire de Nantes (Oniris) et coordinatrice de Sant’Innov.

C’est pourquoi, entre mars et novembre 2017, un travail pour une meilleure compréhension de l’organisation de la filière et sur la prise en compte de l’aspect sanitaire par les différents acteurs lors d’achat de broutards, a été conduit auprès de 225 éleveurs (96 naisseurs, 54 engraisseurs et 75 naisseurs-engraisseurs). « Il en ressort un fort manque d’échanges d’informations entre le naisseur et l’engraisseur ce qui implique une non prise en compte des critères sanitaires, augmentant ainsi le risque de maladies respiratoires mais également un non suivi de la vaccination entre l’élevage naisseur et l’élevage engraisseur d’où une possible double vaccination, souligne Florence Beaugrand, enseignant-chercheur Inra-Oniris, avant de poursuivre, ce manque de communication pousse à des objectifs différents sur la commercialisation des broutards. » En effet, seuls 7 % des naisseurs cherchent à faire des gros lots pour la vente de leurs broutards, alors que ces gros lots permettraient de diminuer le nombre d’origines en centre de tri et par conséquent les problèmes respiratoires en engraissement. En ce qui concerne les engraisseurs, 14 % d’entre eux recherchent un lot homogène au niveau du poids, ce qui augmente le mélange des origines. Enfin, seulement 1 % des engraisseurs demandent des broutards vaccinés chez les naisseurs.

Vers une information circulante entre naisseurs et engraisseurs

« On essaie de développer trois pistes pour réduire l’usage des antibiotiques dans la filière jeunes bovins. La première concerne l’amélioration de la transmission de l’information sanitaire. Ceci passe par une information circulante du naisseur à l’engraisseur et inversement. Il est très difficile de prendre en compte l’historique des broutards. L’engraisseur pourrait ainsi connaître l’origine du broutard, les maladies subies, les vaccinations réalisées, la ration avant la vente chez le naisseur. Ce dernier, quant à lui, pourrait obtenir en retour des informations sur la destination de son broutard et ses performances en engraissement. Le naisseur pourrait ainsi disposer d’une meilleure connaissance du potentiel génétique de ses animaux et bénéficier d’un meilleur prix de vente. Quant à l’engraisseur, les avantages seraient également réels : broutards démarrant plus vite, moins de problèmes sanitaires en début d’engraissement et économie d’antibiotiques », note Florence Beaugrand.
L’évaluation du risque pour traiter sélectivement représente la seconde piste de travail. Ceci passerait par une grille d’évaluation des risques comme cela existe dans d’autres pays (États-Unis, Italie). En France, un outil est en cours de mise au point. Il se nomme Atless et a été développé par Ter’élevage avec l’école vétérinaire Oniris. Il s’agit d’une note de sécurité par rapport au risque de maladies respiratoires (lire Réussir Bovins viande, n° 263, d’octobre 2018).
Dernière possibilité envisagée : imaginer de nouvelles pistes d’échanges à l’échelle de la France. Revoir la logistique représente une autre voie pour limiter les mélanges d’animaux.

Tout au long du programme Sant’Innov, différentes voies d’innovation organisationnelle seront explorées et leurs résultats, en termes de gains de productivité et de baisse de consommation d’antibiotiques, estimés. Ceci permettra d’évaluer un niveau de risque pour chaque lot mis en place afin de réserver la prescription de traitements collectifs à des lots à risque élevé ou encore, de modifier des circuits d’animaux pour l’engraissement pour diminuer le risque infectieux. L’idée est aussi de limiter les risques par une vaccination en amont de la mise en lots et réduire l’asymétrie d’informations entre vendeurs et acheteurs.

« Le rapport coût-bénéfice et la pénibilité d’une charge de travail supplémentaire à chaque étage de la filière seront considérés de façon à évaluer la production de valeur de chaque innovation, au niveau du territoire et sa répartition entre acteurs (incitation financière pour le naisseur qui vaccine ses animaux par exemple). Ce travail s’effectue de façon participative pour étudier les meilleurs leviers. Enfin, l’hypothèse que des indicateurs immunitaires de l’exposition à des agents pathogènes et que la réponse de l’hôte puisse être identifiée, de façon à mieux caractériser les risques de survenue de maladies infectieuses, sera étudiée », conclut Nathalie Bareille.

Le projet Sant’Innov mobilise cinquante personnes

Sant’Innov vise à proposer et à évaluer des innovations managériales, organisationnelles et techniques pour faire évoluer les filières animales (bovines et porcines) vers des pratiques agroécologiques, tout en identifiant des gains de compétitivité pour les filières via le recours au pâturage dans les systèmes de production bovins laitiers et la réduction d’usage des antibiotiques dans les systèmes de production bovins lait, bovins viande et porcins.

Sant’Innov mobilise une cinquantaine de personnes depuis fin 2015 jusqu’en 2019. Il a été conçu en partenariat avec la coopérative Terrena et ses filiales, l’Institut de l’élevage, l’Institut du porc et l’Association des vétérinaires en productions organisées.

Sant’Innov est financé par le programme PSDR du Grand Ouest, porté par l’Inra et l’Irstea, en collaboration avec les quatre régions du Grand Ouest.

WelHBeef pour mieux préparer les broutards

WelHBeef (1), un autre programme vise, quant à lui, à diminuer les problèmes de santé en engraissement, en préparant les broutards avant la période à risques, autrement dit chez le naisseur. Ainsi, un essai expérimental a été lancé en 2018 pour une durée de deux ans. « Il combine les pistes de solutions à savoir, diminuer le stress, améliorer l’immunité et impulser une démarche filière. Il concerne neuf élevages naisseurs, soit 200 mâles charolais, qui vont rentrer les animaux 45 jours avant la date de vente estimée en centre de tri afin de les vacciner, les déparasiter, d’adapter l’alimentation pour renforcer leur immunité. Ensuite, ces broutards suivront le schéma classique, c’est-à-dire qu’ils passeront par un centre de tri avant d’aller chez un des quatre engraisseurs sélectionnés pour l’étude. Chez chaque naisseur, deux lots seront mis en place, un lot témoin (schéma habituel) et un lot préparé selon ce protocole », expose Élise Vanbergue de l’Institut de l’élevage.

Pour établir le lien entre ce qui se passe chez le naisseur et l’engraisseur, les animaux suivis ont été munis de puces électroniques (lecture/écriture). Des mesures et observations seront réalisées pour estimer les effets sur la santé des animaux et leurs performances (suivi sanitaire, croissance, immunité, comportement). Des enquêtes sur le travail et la perception des éleveurs seront menées tout au long du programme sur cette nouvelle organisation. Tout ceci afin d’objectiver les performances technico-économiques liées au changement de conduite, d’estimer son acceptabilité par la filière et de démontrer l’intérêt de la gestion du stress pour diminuer les troubles respiratoires.

(1) Sont partenaires du projet, l’Institut de l’élevage, Deltavit, EMC2 élevage, les écoles nationales vétérinaires de Toulouse et de Nantes et l’INRA.

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