Elevage Salers de la Croix Mahieu : un héritage familial rondement mené
À l’EARL de la Croix Mahieu, à Ingouville en Seine-Maritime, Benoît et Guillaume David préservent et poursuivent avec une grande exigence le travail accompli par leur père, avec un troupeau salers d’un haut potentiel génétique. L’obtention d’un sabot d’argent en 2020 est là pour en attester.
À l’EARL de la Croix Mahieu, à Ingouville en Seine-Maritime, Benoît et Guillaume David préservent et poursuivent avec une grande exigence le travail accompli par leur père, avec un troupeau salers d’un haut potentiel génétique. L’obtention d’un sabot d’argent en 2020 est là pour en attester.
Benoît et Guillaume David possèdent aujourd’hui un troupeau au haut potentiel génétique développé grâce à l’opportunité offerte à leur père, en 1986, d’acquérir 60 vaches salers inscrites et issues d’un seul et même troupeau. « Les dix années qui ont suivi, notre père a conduit le troupeau en race pure avant de recourir à du croisement avec du Charolais afin d’augmenter la valorisation du cheptel. L’ouverture d’un magasin de producteurs en 2015 nous a permis d’arrêter le croisement pour revenir à une conduite en pure », explique Benoît David, responsable des 90 mères salers et de l’administratif de l’exploitation sur laquelle il est associé avec son frère Guillaume depuis deux ans.
Leur objectif commun est de maintenir les performances du troupeau tout en introduisant progressivement le gène sans cornes et en mettant à la reproduction les génisses jeunes pour un vêlage à 2 ans. Ceci ne doit pas se faire au détriment du rendement viande du cheptel pour ne pas dégrader la valeur ajoutée de l’atelier bovin.
25 % du troupeau sans cornes
« L’introgression du gène sans cornes a débuté en 2010 avec de l’insémination et de la transplantation embryonnaire. Pour cela, un GIE (GIE polled excellence salers) a été créé avec plusieurs éleveurs. Chacun a ensuite fait ses propres choix sur son exploitation. Une fois ce gène introgressé à partir de deux lignées canadiennes, une écossaise et une suisse, nous avons continué de travailler avec des taureaux cornus. Notre volonté a toujours été de fixer lentement ce gène. Aujourd’hui, environ 25 % des animaux en sont porteurs. »
La monte naturelle reste le principal moyen de reproduction des animaux. "On effectue également 10 à 15 transplantations embryonnaires annuelles et en ce qui concerne la campagne en cours, quelques inséminations ont été réalisées."
Le vêlage à 2 ans a débuté en 2006, suite à une mise bas accidentelle mais réussie à 18 mois. « Malgré des vêlages précoces, les performances des animaux ne sont pas pénalisées. On apprend continuellement avec cette pratique. L’objectif est de faire vêler l’ensemble des nullipares à 24 mois. On laisse tout de même leur chance à certaines pour une mise bas à 3 ans, si à 14-15 mois elles ne sont pas prêtes. Ensuite, on n’hésite pas à réformer », souligne Benoît David.
Des vêlages d’été groupés sur 62 jours
Les mises bas sont groupées sur deux mois et ont lieu entre le 1er juillet et le 31 août. Le choix de cette période un peu atypique a été motivé pour plusieurs raisons. « À savoir, profiter de la place vacante en bâtiment pour l’engraissement des taurillons, limiter les problèmes sanitaires sur les veaux, ne pas avoir de taureaux dans les cases des vaches l’hiver et sortir des vaches taries moins exigeantes au printemps, permettant ainsi de faire des stocks d’herbe pour privilégier cette ressource dans la ration du troupeau. » Depuis, l’engraissement de taurillons a été stoppé au profit de celui de bœufs.
Cette période estivale de mise bas implique de bien caler les rations hivernales des mères, d’autant plus que les veaux ne sont pas complémentés. Des analyses d’herbe sont ainsi réalisées chaque année, pour ajuster au plus près des besoins des animaux. De l’orge ou du blé (produit sur la ferme) protéiné à 20 de MAT, enrichi en minéraux et vitamines et de la pulpe sèche viennent compléter les 19 à 20 kg d’enrubannage distribués aux mères de manière à obtenir une ration à 12 UF.
La mise à la reproduction des femelles intervient entre le 20 septembre et le 20 novembre. Des échographies sont effectuées sur les futures reproductrices pour constituer des lots de 15 à 20 vaches vêlant sur dix jours. « Cela nous permet d’accentuer la surveillance des lots à l’approche de la mise bas. »
Une conduite suivie des génisses pour un vêlage à 2 ans
La croissance des génisses est également très suivie, vêlages précoces obligent. « On dispose de notre propre bascule. Elles sont ainsi pesées trois à quatre fois sous la mère et trois fois en post-sevrage (pour une complémentation si nécessaire). On ne peut pas se permettre deux mois sans croissance en vêlages 2 ans. L’objectif de croissance, du post-sevrage (9 mois) au vêlage, est de 800 grammes par jour. Actuellement, on est plutôt à 750 grammes ce qui reste suffisant pour atteindre les 450 à 460 kg à 14 mois », observe l’éleveur. D’ailleurs, rien n’est laissé au hasard jusqu’à la deuxième lactation. En effet, primipares et vaches avec un second veau plus maigre sont allotées ensemble pour être complémentées spécifiquement au besoin. Les lots sont en outre constitués selon le sexe du veau. « Le troupeau est assez jeune aujourd’hui, toutes les génisses étant mises à la reproduction. L’objectif désormais est de retrouver un taux de renouvellement à 25 %. »
À l’avenir, le nombre de femelles mises à la reproduction devrait diminuer pour des raisons de main-d’œuvre et de changement climatique. « Je suis désormais le seul, des deux associés, passionné par l’élevage et les étés plus chauds et secs de ces dernières années impactent notre production d’herbe qui pour la cinquième année vient à manquer. On devrait ainsi réduire la production à 70 vêlages par an. On travaille également sur l’adaptation de la flore de nos prairies en implantant de la fétuque et du dactyle. »
Un troupeau commercialisé en direct à 100 %
Les bêtes à l’engraissement passent toutes sur la bascule au minimum deux fois, à l’entrée et à la sortie, parfois même en milieu de parcours. Les 30 mâles castrés au sevrage et commercialisés à 30-36 mois sont moins suivis que les génisses (GMQ à 600 g/j à l’herbe hors engraissement). Ils valorisent des prairies éloignées du siège de l’exploitation.
La particularité du troupeau est liée également au fait que l’ensemble des animaux commercialisés annuellement, le sont sans intermédiaire. Dans tous les cas, aucune bête ne passe dans le circuit classique. Les 75 femelles et mâles abattus chaque année sont vendus soit en caissettes, en vente directe et livrées chez le client, soit par le biais de plusieurs magasins de producteurs. « Ma mère gère la partie vente directe. On livre des colis à domicile depuis 2001 sous forme de caissettes de 5 kg, dans un rayon de 20 kilomètres autour de la ferme. »
L’été, la valorisation des carcasses est meilleure. "Ainsi, on atteint un prix de vente moyen sur l’année de 5,15 €/kg carcasse." Le poids moyen des jeunes vaches et génisses avoisine les 400 kg, alors que celui des vaches adultes tourne autour des 487 kg soit avec les bœufs (459 kg), une moyenne de 460 kg pour l’ensemble des bêtes.
Une passion de l’élevage conduite jusqu’à la commercialisation
Chiffres clés
De l’exportation de génétique
Sur environ 45 veaux mâles de l’année, 15 sont sélectionnés au sevrage pour devenir des reproducteurs. Début avril, « je reprends mes notes, consignées depuis leur naissance et les confronte à leur poids, leur pedigree et au pointage. On peut alors en réformer un ou deux si le caractère ou la docilité n’est pas au rendez-vous », explique Benoît David.
Un tiers de ces animaux partent à l’export, principalement au Royaume-Uni, en Allemagne et en République tchèque. « J’apprécie de commercer en direct avec les clients. Chaque pays a ses propres exigences mais cela n’est pas un problème. » Le commerce de reproducteurs avec l’étranger a débuté en 2012 avec un premier client gallois.
Avis d’expert - Lionel Guérin, technicien herd-book salers
« L’EARL de la Croix Mahieu est un élevage qui fait de la valorisation de viande. Il a donc axé son travail sur des animaux précoces avec du volume sur le dessus afin d’obtenir des poids carcasses importants. Ce travail ne se fait toutefois pas aux dépens des qualités maternelles et notamment de la production laitière. »
Des magasins de producteurs pour valoriser une passion
Depuis 2015, une bonne partie des animaux est commercialisée par le biais d’un magasin de producteurs, Le producteur local. Cette coopérative (SCIC) créée cette même année dispose désormais de six magasins (deux à Rouen, un au Havre, un à Caen, un à Paris et un à Beauvais) où les producteurs sont associés.
« Chaque magasin est indépendant et fonctionne avec son propre réseau de producteurs afin de respecter un rayon de moins de 80 kilomètres de distance. La structure juridique est partagée par les producteurs. Ce n’est pas une structure commerciale ni lucrative. En début d’année, un budget est déterminé, en découlent des charges fixes annuelles », explique Claire Pérez, gérante et fondatrice de la structure. Chaque magasin dispose d’un responsable et une holding gère les trois ou quatre personnes salariées de chaque entité (caisses, suivi des réapprovisionnements). Tous fonctionnent par contribution (dépôt-vente). Chaque producteur choisit son prix de vente.
De la viande dans trois magasins
« Nous livrons trois magasins. La vente s’effectue au détail, sous vide. La livraison s’effectue tous les mardis. Chaque producteur a l’exclusivité sur son magasin. Les animaux sont abattus, découpés et conditionnés par un prestataire. Au magasin, les différents morceaux sont vendus en moyenne à 15,50 €/kg. Les colis à domicile à 12 €/kg, soit en moyenne et quel que soit le type d’animaux 5,15 €/kg carcasse », note Benoît David.
« Les clients apprécient Benoît pour les valeurs qu’il dégage. Il est très présent pour sa clientèle et il arrive à laisser transparaître sa passion pour l’élevage, dans sa viande », expose Claire Perez.