Du croisement allaitants laitiers pour la RHD et les GMS
Interbev Bretagne teste la faisabilité technique et économique d’une production de jeunes mâles castrés et de femelles de 13 à 15 mois, issus de croisements de races à viande avec des femelles Prim’Holstein, dans le but de valoriser le potentiel de veaux croisés, en Bretagne.
Interbev Bretagne teste la faisabilité technique et économique d’une production de jeunes mâles castrés et de femelles de 13 à 15 mois, issus de croisements de races à viande avec des femelles Prim’Holstein, dans le but de valoriser le potentiel de veaux croisés, en Bretagne.
Des essais sur la faisabilité d’une production de jeunes bœufs (1) et génisses, issus de croisements de mâles de races à viande précoces (Limousin, Angus, Hereford), avec des femelles Prim’Holstein sont conduits à la station expérimentale de Mauron dans le Morbihan à la demande d’Interbev Bretagne. « L’objectif est de proposer une viande issue d’un troupeau (laitier) existant avec du croisement viande pour se positionner sur un secteur de marché actuellement occupé par les importations : la restauration hors domicile (RHD) et les fonds de rayon de la grande distribution (GMS). Les essais en cours doivent permettre de juger de la faisabilité technique et économique de cette production. On ne cherche surtout pas à remplacer une viande mais à conquérir un segment de marché complémentaire à celui des races allaitantes pures. Le potentiel de naissances de veaux en Bretagne et d’engraissement de veaux croisés bretons est conséquent. Il était donc important à nos yeux d’impulser une expérimentation autour de possibles voies d’avenir, afin d’offrir des solutions créatrices de valeur pour demain, sans que cet accroissement de veaux croisés en engraissement ne la déstabilise », explique Thierry Duval, président d’Interbev Bretagne et éleveur de Limousines dans le Morbihan. L’expérimentation a commencé en 2015 et se terminera en 2019. Elle se structure en trois volets pour différencier les résultats entre veaux croisés Limousins, Angus et Hereford. Une approche organoleptique a été réalisée pour évaluer l’acceptabilité de cette viande par le consommateur.
Un produit maîtrisé tendre et régulier
« L’objectif est de répondre aux exigences du marché (tendreté, portions adaptées, régularité du produit) avec des carcasses régulières (couleur, gras) d’un poids compris entre 280 et 300 kilos vers l’âge de 13-15 mois (classées R, viande tendre, persillée et rouge). Ces poids de carcasse correspondent à la demande actuelle avec des portions consommateurs adaptées », détaille Yves Fantou, dirigeant d’un atelier de découpe de viande, en Ille-et-Vilaine et vice-président d’Interbev Bretagne.
Deux modalités d’itinéraires techniques ont été mises en place pour apprécier une potentielle différence de régularité ou de couleur de viande, selon la finition des animaux. Les résultats du premier essai ont montré qu’il est possible d’obtenir des croisés Limousins x Holstein abattus à 300 kilos de carcasse, âgés de 15 mois pour les bœufs et 16 mois pour les génisses (lire Réussir Bovins viande n° 251, septembre 2017). « Les carcasses sont homogènes et classées O +/R. Les viandes sont tendres et persillées. Comparées aux bœufs, les génisses sont plus légères (297 kilos carcasse contre 307 pour les mâles), légèrement plus grasses mais mieux conformées et obtiennent un rendement viande un peu meilleur. La moitié des animaux de chaque lot a par ailleurs reçu un apport supplémentaire de 2,5 kilos de concentrés (pulpe de betterave et luzerne déshydratée) sur les 100 derniers jours, afin de mesurer l’incidence d’un apport supplémentaire d’énergie, de vérifier l’impact d’un apport de luzerne sur la couleur des viandes et d’analyser l’effet sur l’homogénéité des carcasses. Cet apport n’a pas eu d’effet sur la croissance, les carcasses et les viandes, mais a impacté l’indice de consommation, supérieur de 0,3 UFV/kg de gain de poids vif », note Daniel Le Pichon, responsable de la station expérimentale de Mauron.
Des performances semblables quelle que soit la race
Conduits de manière identique, les croisés Angus issus de veaux pour partie achetés en Irlande ont donné des résultats comparables aux croisés Limousins avec néanmoins un rendement carcasse un peu plus faible (- 3,5 pour les croisés Angus irlandais du volet intermédiaire et - 0,6 pour les mâles croisés Angus du volet 3 qui sont nés en Bretagne), des carcasses légèrement plus grasses et des viandes un peu plus persillées. « Les croisés Limousins ont été abattus un mois plus jeune. Les croisés Angus ont une viande plus rouge. Chacun des deux croisements présente de l’intérêt. Les résultats entre croisés Herefords et Limousins sont semblables. Toutefois, le croisement Hereford donne plus de variabilité sur la régularité des carcasses, précise Daniel Le Pichon, avant d’ajouter cette production nécessite de la rigueur pour maîtriser l’état d’engraissement. »
D’un point de vue économique, cette production offre une rentabilité acceptable. Le coût alimentaire se situe entre 400 et 450 euros par animal pour un engraissement avec achat d’un veau. « La rentabilité de cette production est bien entendu dépendante du prix d’achat du veau et du prix de vente des animaux finis. Pour un poids carcasse de 300 kilos, un écart de prix d’achat de veau de 30 euros a un impact de 10 centimes d’écart sur la carcasse », observe Emmanuelle Dupont, directrice d’Interbev Bretagne, « ce qui sous-entend une approche contractuelle », précise Thierry Duval.
Des tests consommateurs satisfaisants
Des tests qualitatifs sur 70 consommateurs de Paris ont été effectués sur les trois types de croisements. Des consommateurs réguliers de viande en restauration et à domicile ont été retenus. Des tests de dégustation avec de la viande cuite (faux-filets maturés 12 jours sous vide) ont été conduits, ainsi qu’un volet appréciation de viande crue par le boucher qui a préparé les produits. Les viandes, croisées Limousin x Prim’Holstein et Angus x Prim’Holstein, ont été présentées avec de la standard mixte et de la standard Charolaise (vaches de 4 à 6 ans) « De bons résultats ont été obtenus avec 83 % de consommateurs prêts à en consommer de nouveau (contre 64 % pour les viandes standard) et 80 % d’entre eux achèteraient le produit (contre 60 % pour les viandes standard). On se démarque sur la tendreté et la texture. Les viandes sont jugées au moins aussi bonnes que les viandes standard. Ces résultats prouvent que l’on peut produire ce type d’animaux. Cela fonctionne économiquement et techniquement et de surcroît permet d’identifier une région et un savoir-faire », résume Emmanuelle Dupont.
(1) La castration est réalisée au moment du sevrage de manière chirurgicale par un vétérinaire, sous anesthésie locale. La phase de nurserie dure 8 semaines. Le sevrage intervient à 100 kilos de poids vif.Quelle faisabilité d’un passage à l’herbe ?
Un quatrième volet a été ajouté avec l’introduction d’un passage à l’herbe à différentes périodes de la vie de l’animal, selon la période de naissance (septembre 2017, janvier 2018 et mai 2018). Les premiers animaux avaient été conduits uniquement en stabulation. « Il nous semblait nécessaire d’inclure un tel volet vis-à-vis des attentes sociétales. L’optique étant de maintenir une croissance soutenue pour obtenir des poids et un état d’engraissement suffisants à 16-18 mois », souligne Emmanuelle Dupont, directrice d’Interbev Bretagne. L’impact sur la qualité et la régularité de la viande sera évalué pour trois bandes de croisés Limousins x Prim’Holstein, « afin de juger de la correspondance du produit avec ce que l’on recherche. Les trois quatre derniers mois, les animaux disposeront du même régime alimentaire que pour les volets précédents de l’étude (ration 3/4 ensilage de maïs, ¼ ensilage d’herbe et un concentré à base de tourteaux de colza et de céréales). À l’herbe, les croisés sont complémentés en céréales et en foin pour un objectif de croissance de 800-900 grammes », précise Daniel Le Pichon.