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Directive pollution : Bruxelles vise les élevages de plus de 150 UGB

La Commission européenne propose d’étendre sa directive sur les émissions industrielles (DEI) aux élevages bovins, porcins et avicoles de plus de 150 unités gros bétail. Les professionnels de l’élevage expriment leur incompréhension.

Vaches montbéliardes dans un bâtiment
La directive émissions industrielles révisées vise pour la première fois les élevages bovins.
© Gaec de la Motte

[Mis à jour le 8 avril à 15h]

Dans le cadre du Green Deal, la Commission européenne a proposé le 5 avril de moderniser la directive relative aux émissions industrielles visant à prévenir et contrôler la pollution. L’une de ses principales nouveautés est d’élargir son champ d’application dans le secteur agricole.

La directive sur les émissions industrielles (DEI) et le règlement relatif au registre européen des rejets et des transferts de polluants (règlement E-PRTR) s'appliquent aujourd’hui à plus de 50 000 installations industrielles dans l'Union Européenne, soit quelque 30 000 grandes installations industrielles et quelque 20 000 grandes exploitations avicoles et porcines.

Demain, la Commission européenne souhaite que cette directive s’applique à davantage d’exploitations porcines et avicoles et à l’élevage bovin à plus grande échelle.
 


Que dit la directive modernisée ?

Si sa modernisation est adoptée « toutes les exploitations bovines, porcines et avicoles comptant plus de 150 unités de gros bétail (UGB) tomberont sous le coup de la directive », explique la Commission européenne.

L’élevage bovin concerné

La part des élevages de bovins, porcins et de volailles réglementées progressera pour atteindre 13% des plus grandes exploitations d’élevage de l’Union européennes dont, pour la première fois, les exploitations bovines.

« Ces exploitations, 185 000 en tout, engendrent à elles seules 60% des émissions d’ammoniac dues au bétail dans l’UE et 43% des émissions de méthane » justifie la Commission européenne.

Mise à jour, lire la réaction du ministre : Directive pollution : Julien Denormandie défend fermement les éleveurs

Prise en compte de la nature des exploitations

Bruxelles assure que les exigences de la directive tiendront compte de :

  • la nature
  • la taille
  • la densité
  • la complexité des exploitations d’élevage concernés
  • des spécificités d’élevage en pâturage
     

Quels effets attendus ?

La Commission européenne assure qu’avec cette extension de la directive émissions industrielles les émissions d’ammoniac seraient couvertes à 60% contre 18% actuellement et les émissions de méthane seraient couvertes à 43% contre 3% aujourd’hui.

Bruxelles compte grâce à cela réduire de

  • 265 000 tonnes par an les émissions de méthane
  • 128 000 tonnes par an les émissions d’ammoniac

Une réduction dont l’avantage pour la santé humaine est estimé à 5,5 milliards d’euros par an par la Commission européenne.


Un régime d’autorisation allégé

« Etant donné que les exploitations agricoles ont des activités plus simples que les installations industrielles, toutes les exploitations couvertes bénéficieront d’un régime d’autorisation allégé », assure la Commission européenne.

Plus précisément un régime d’autorisation allégé s’appliquera à la fois aux 20 000 exploitations déjà couvertes et aux 165 000 exploitations supplémentaires nouvellement régies par la directive. L’autorisation aurait un coût de 2400 euros par an par exploitation, selon la Commission européenne.

 

Echéances

Le texte est désormais entre les mains des Etats membres et du Parlement européens. S’ils parviennent à l’adopter en 2023, celui pourra entrer en vigueur en 2027. « Une fois l’adoption définitive par le Parlement européen et le Conseil, les meilleures techniques disponibles seront développées et, après leur adoption par la Commission, les opérateurs industriels disposeront de quatre ans et les agriculteurs de trois ans pour se mettre en conformité », précise la Commission.

 

« C’est un non-sens »

Le projet de directive « ne tient pas compte de la réalité de nos élevages, c’est un non-sens » a réagi Julien Denormandie sur twitter, affirmant « nous nous battrons au niveau du Conseil pour remettre de la raison dans ce texte ».

« Incompréhension totale : c’est intolérable que la Commission puisse vouloir ranger les élevages bovins dans la catégorie des gros industriels polluants », a pour sa part réagi Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.
 

Une approche simpliste et paradoxale

« Selon ce texte, un élevage bovin allaitant moyen, en France, comptant 60 vaches pour 100 animaux, sur 60 hectares, nourris à 80% d’herbe, et dont la ration totale est produite à 90% par l’éleveur, devrait être pénalisé, voire remis en cause », a pour sa part déploré la fédération nationale bovine (FNB) dans une lettre ouverte à Virginijus Sinkevičius, Commissaire européen chargé de l’Environnement. « Ce sera aussi le cas de nos exploitations herbagères les plus extensives, dès lors qu’elles compteront plus de 100 Unités Gros Bovins sur 200, 300, 400 hectares de prairie », poursuit la lettre reprochant à la Commission européenne « une approche simpliste et paradoxale de l’élevage bovin ».

Des milliers d’élevages familiaux concernés

« Un élevage bovin français de 100 vaches sur 120 hectares, nourri à 80% d'herbe et géré par un couple d'éleveurs, un élevage de 500 porcs alimentés par les céréales produites sur la ferme où travaille une éleveuse, ou un élevage de volailles avec 2 poulaillers de 1 200 m2 où travaillent l'éleveur et un salarié, seraient désormais assimilés, du fait de cette directive, à… des élevages « industriels » s’offusquent dans un communiqué commun la FNSEA, la FNPL, la FNP, la FNB, et la CFA. « Cette « classification » aura pour conséquence d'imposer toujours plus de normes de charges et de contraintes bureaucratiques aux éleveurs. Ce faisant, la Commission pousse, de fait, à accroître la taille des élevages et met en danger les élevages les plus petits ! » poursuivent les cinq organisations.

« En l’état cette révision obligerait des milliers d’élevages familiaux à se conformer à un protocole contre les émissions coûteux et conçu principalement pour les grandes entreprises », reproche pour sa part la Copa-Cogeca dans un communiqué. L’organisation professionnelle agricole européenne juge le seuil de 150 UGB « arbitraire et choquant » et « montre une profonde déconnexion avec les réalités agricoles sur le sol ».

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