En Argentine
De profonds changements dans la filière viande bovine
La mise en culture permanente de bien des prairies, la progression de l’engraissement en feed-lot et la concentration des industriels de l’aval redessinent la carte de la filière argentine.
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En Argentine, les données statistiques établies depuis 1875 font état de deux périodes de forte baisse du cheptel national. Et elles sont toutes les deux très récentes ! Entre 1994 et 1999, il a diminué de 53 à 49 millions de têtes. Un recul lié — pour faire court — au fameux « boom du soja » et à la parité du peso argentin avec le dollar. La seconde baisse historique a eu lieu entre 2008 et 2009. La sécheresse et la faible rentabilité de l’élevage ont provoqué la perte de 3 à 4 millions d’animaux supplémentaires.
À ce jour, le cheptel bovin argentin compte selon les autorités sanitaires 48 millions de têtes, toutes catégories confondues. Au cours des deux dernières décennies, trois phénomènes ont bouleversé la filière : la mise en culture permanente de 12 à 14 millions d’hectares de prairies ; la progression de l’engraissement en enclos, la forte régression de la part des animaux finis uniquement à l’herbe (adoption du système de feed-lot nord américain) et la concentration de l’industrie de l’aval.
Aléas du marché intérieur argentin
L’Argentine destine à son marché intérieur environ 90 % de sa production de boeuf. À titre de comparaison, l’Urugay exporte 67 % de sa production. La filière argentine est davantage soumise aux aléas de son marché intérieur, tandis que l’uruguayenne est très sensible aux évolutions du marché international. En Argentine, le cheptel allaitant évolue positivement au nord du pays. La province centrale de Buenos Aires reste la mieux lotie avec 16 millions de têtes. Mais elle en comptait 21 millions en 2003! Même scénario dans la province de La Pampa, où le cheptel est passé sur cette période de 4,2 à 2,9 millions de têtes et à Córdoba, dont les effectifs ont chuté de 7 à 5 millions. Les provinces dont le cheptel bovin a augmenté sont Salta, Santiago del Estero et Formosa.
Moindre productivité au Nord
Víctor Tonelli, expert argentin pour ce secteur fait aussi observer que la productivité numérique des troupeaux situés dans les zones tropicales du nord du pays est inférieure à ceux de la province de Buenos Aires. Dans le premier cas, il s’agit d’animaux de souche zébu élevés dans des conditions mettant souvent à l’épreuve l’organisme des animaux. Dans le deuxième cas, ce sont des animaux de race britannique (Angus et Hereford) parfaitement adaptée à un milieu tempéré.
Depuis un peu plus d’un an, les industriels de l’aval sont aussi confrontés à une nette réduction du volume de bétail disponible avec des abattoirs qui fonctionneraient même parfois à seulement la moitié de leur capacité. Le nombre d’animaux abattus s’est élevé en 2009 à 16 millions de têtes, année de forte liquidation de cheptel post-sécheresse. Depuis, ce chiffre tourne autour de 11 millions de têtes.
Enfin, la demande de boeuf par habitant a baissé sur le marché intérieur. Les habitudes argentines n’ont pas résisté à l’inéluctable hausse du prix de la viande bovine au détail, et se tournent chaque année davantage vers le poulet et le porc. La consommation de boeuf reste cependant impressionnante même si elle est tombée de 69,4 kg en 2009 à 51,6 kg par an par habitant en 2010. Cela ne veut donc pas dire que les Argentins ont renoncé à la traditionnelle grillade – el asado -, mais le prix du boeuf devient nettement plus dissuasif au quotidien pour les couches populaires. Les volumes exportés se réduisent. Pour la seconde année consécutive, alors que cela n’était jamais arrivé, l’Argentine n’a pas fourni la totalité du fameux contingent Hilton, qui lui donne le doit d’exporter vers l’Union européenne 28 000 tonnes de morceaux choisis à tarif d’importation préférentiel.
Les années 2010 et 2011 resteront dans l’Histoire parmi les pires pour l’exportation de boeuf argentin. Lamentable pour ce vaste pays qui a le plus grand cheptel de race britannique au monde !