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Carbon Agri pour une viande bas carbone rémunérée

Les éleveurs engagés dans un projet de réduction de leur empreinte carbone pourront désormais être rémunérés par un partenaire volontaire grâce à Carbon Agri. Interview de Jean-Baptiste Dollé de l'Institut de l'Elevage.

Jean-Baptiste Dollé. « La valorisation économique des efforts fournis en matière environnementale représente une opportunité intéressante pour impliquer un nombre important d’exploitants agricoles dans la lutte contre le réchauffement climatique. » © ©FAO/Giulio Napolitano
Jean-Baptiste Dollé. « La valorisation économique des efforts fournis en matière environnementale représente une opportunité intéressante pour impliquer un nombre important d’exploitants agricoles dans la lutte contre le réchauffement climatique. »
© ©FAO/Giulio Napolitano

Qu’est-ce que Carbon Agri ?

Jean-Baptiste Dollé, chef de service environnement à l’Institut de l’élevage - Carbon Agri (1) est une méthode de calcul de la réduction de l’empreinte carbone des élevages. Elle permet de comptabiliser et de certifier toutes les réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’accroissement du stockage de carbone dans les exploitations agricoles.
Sa labellisation bas carbone par le ministère de la Transition écologique et solidaire, le 30 septembre dernier, ouvre la voie à une rémunération des éleveurs pour leurs efforts contre le changement climatique. Concrètement, ces derniers pourront faire certifier des projets de réduction de l’impact carbone de leur exploitation, à compter de 2020. Ils émettront ainsi des crédits carbone qu’ils vendront à des entreprises ou collectivités souhaitant compenser leur production de CO2, par le biais d’un contrat d’une durée de cinq ans renouvelable.

Comment est évaluée la réduction de l’empreinte et, pour quelle rémunération ?

J.-B. D. - Carbon Agri se base sur l’outil de diagnostic environnemental CAP’2ER niveau 2. Son application à l’échelle de l’exploitation, en début et fin de projet, permet de quantifier les GES évités, suite à la mise en œuvre d’une ou plusieurs pratiques d’élevage et culturales. Une quarantaine d’entre elles, diminuant les émissions de GES ou accroissant le stockage carbone, ont été identifiées.
Sur une ferme bovine moyenne, on estime la baisse des émissions entre 300 et 400 tonnes de CO2 sur cinq ans. Sur les marchés internationaux, le prix de la tonne de carbone se négocie autour de 10 euros. Soit une recette de 3 000 à 4 000 euros pour un éleveur, sur cinq ans. Notre objectif est d’intégrer le paiement des co-bénéfices environnementaux et ainsi engendrer une rémunération autour des 25 euros la tonne de CO2 soit 7 500 à 10 000 euros. La valorisation sera négociée entre les éleveurs et les acheteurs potentiels. La rétribution interviendrait pour partie en milieu de projet, le solde étant versé à l’échéance sur la base des résultats délivrés par le diagnostic à la sortie.
Aujourd’hui, 12 000 éleveurs lait et viande sont entrés dans une démarche de baisse des émissions, c’est-à-dire qu’ils ont fait un diagnostic, avec élaboration d’un plan d’actions sur la ferme. C’est pourquoi, on travaille également sur la manière de rémunérer les éleveurs pour les efforts déjà fournis.

À qui s’adresse cette méthodologie ?

J.-B. D. - Adossé aux initiatives Fermes laitières bas carbone et beef carbon, ce dispositif a permis d’impliquer de nombreux éleveurs dès 2019. Centrée actuellement sur l’élevage bovin et les grandes cultures, la méthodologie pourra à terme couvrir d’autres productions agricoles. Tout éleveur, collectif d’éleveurs, organisme de producteurs… engagés dans une démarche de réduction de l’empreinte carbone peut prétendre vendre des crédits carbone. Il n’est pas évident pour un éleveur seul de répondre et/ou de trouver les bons interlocuteurs. Aussi de manière à faciliter la mise en place de projets de réduction en France, les représentants des fédérations nationales d’éleveurs de ruminants (FNPL, FNB, FNO et FNEC) ont créé, il y a six mois, l’association France Carbon Agri association.

Quel rôle pour l’association France Carbon Agri association (FCAA) ?

J.-B. D. - Cette association se présente comme l’interface entre l’État, les acheteurs, les organismes de conseil et les agriculteurs qui souhaitent intégrer la démarche. Son rôle est d’agréger les mini-projets entre eux pour notifier un projet de taille suffisante, au niveau du ministère.
L’association fédère des projets locaux ou nationaux, en assure l’ingénierie, la gestion administrative et recherche des financeurs en partenariat avec les interlocuteurs locaux qui accompagneront les exploitants. Ainsi, des projets rassemblant des collectifs d’éleveurs ont été mis en place par FCAA et ses partenaires dès cet automne.

Des financeurs privés sont-ils d’ores et déjà intéressés ?

J.-B. D. - Il s’agit d’une politique volontariste. À date, plusieurs financeurs privés et publics ont déjà manifesté leur intérêt pour s’engager dans cette démarche auprès des éleveurs. Désireux d’entrer dans le mécanisme de la compensation volontaire, ils souhaitent apporter une contribution financière aux projets agricoles bas carbone nationaux. Le pool de financeurs est large et pas uniquement concentré dans le secteur agricole.
Un premier appel à projets a été lancé par FCAA et sera déposé en janvier 2020 auprès du ministère, un second relevant du programme européen Life sustainable Cattle (500 fermes en France) le sera mi 2020. L’objectif est d’en lancer trois à quatre annuellement.

Où en sont les autres pays européens ?

J.-B. D. - Nous sommes plutôt en avance sur le sujet. Cette démarche proactive et volontaire a interpellé la DG Clima (2). Elle pense d’ailleurs se baser sur la démarche Carbon Agri pour réaliser un guide européen.
(1) Carbon Agri est une méthodologie développée par l’Institut de l’élevage, les interprofessions lait et viande (Cniel, Interbev) et la Confédération nationale de l’élevage, en partenariat avec l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE).
france-carbon-agri.fr
(2) Direction générale de l’action pour le climat de la Commission européenne. Ce service est chargé de la politique européenne de lutte contre le changement climatique et conduit les négociations internationales sur le climat pour le compte de l’UE.

Le saviez-vous

Le label bas carbone est un cadre de certification carbone, national volontaire. Créé en novembre 2018 et porté par le ministère de la Transition écologique et solidaire, il représente un outil innovant pour favoriser l’émergence d’actions locales permettant de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et d’augmenter leur absorption sur le territoire français. Il offre des perspectives de rémunération de ces actions, par des acteurs privés qui souhaitent compenser leurs émissions, sur une base volontaire. Avec l’objectif de la neutralité carbone en 2050, le LBC doit faire émerger des projets diffus agricoles et forestiers et participer à l’optimisation de l’offre de compensation carbone.

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