Le 19 juin dernier, le « Pôle Animal » de la Coopération agricole (bœuf, porc, agneau, volaille) organisait pour la première fois une rencontre avec la presse. Que représentent aujourd’hui les coopératives dans le secteur bovin ?
Bruno Colin - On compte aujourd’hui 42 coopératives bovines en France, représentant environ un tiers de la production nationale et 23 % des abattages. Les coopératives se sont beaucoup investies ces dernières années sur les segments à valeur ajoutée, notamment le Label Rouge (75 % de la production est issue de coopératives), et dans la contractualisation avec l’aval.
Dans un contexte plus favorable en termes de prix, le modèle coopératif attire-t-il toujours ?
B.C. - Oui, la proportion d’éleveurs engagés en coopératives est stable. La coopération continue à attirer, notamment de jeunes agriculteurs, en raison de sa capacité à épauler des projets de maintien et de développement de la production dans un contexte de d'érosion du cheptel. C’est un accompagnement technique, économique et parfois financier particulièrement précieux au moment où la hausse des cours rend l’installation ou la reprise plus difficile. Les coopératives pallient également souvent la frilosité des banques. On sait peu que les coopératives bovines françaises prêtent chaque année 86 millions d’euros à leurs associés coopérateurs, représentant près de 5 % de leur chiffre d’affaires.
Que font les coopératives pour que la production française réponde à tous les segments du marché ?
B.C. - Les coopératives n’ont pas attendu la loi Egalim pour développer la contractualisation avec l’aval de la filière. 30 % de la production est aujourd’hui sous contrat avec un fort développement en jeune bovin, au cycle plus court. Les contrats tripartites avec des distributeurs ou des chaînes de restauration se sont développés.
« Les coopératives, à l’interface de l’amont et de l’aval, assurent l’adéquation entre l’offre et la demande », relève Bruno Colin.
De nouveaux dossiers sont en cours de négociation et je peux vous dire qu’on voit quelques grandes enseignes revenir taper à la porte pour sécuriser leur approvisionnement en viande française. Même si ça reste une part faible sur l’ensemble de leur rayon, cela s’inscrit dans une orientation positive. J’espère que les futures évolutions législatives permettront de démultiplier ces partenariats sur l’ensemble des créneaux de distribution.
La production de viande bovine Label Rouge, en revanche, est à la peine actuellement. Les coopératives ont beaucoup œuvré pour pratiquement doubler le marché national, portant sa part de 3 % à 6 % de la consommation. Mais avec l’augmentation des prix, les clients se tournent aujourd’hui vers le cœur de gamme et on sent que l’on a atteint un seuil.
D’autres efforts doivent-ils être menés en matière d’organisation de la production ?
B.C. - Oui, nous croyons à l’intérêt de développer les soutiens de la PAC à la structuration des filières via les Programmes Opérationnels. Nous nous félicitons par exemple que la filière du veau Label rouge - dans laquelle 13 coopératives sont engagées - ait récemment décroché un programme opérationnel ouvrant accès à 13,5 millions d’euros d’aides pour la période 2024-2027.
Cette orientation constitue une réponse à l’évolution de la Politique agricole commune. La Commission européenne est de plus en plus réticente à l’égard du couplage des aides et même si la France se bat légitimement pour conserver le couplage des primes bovines, nous devrions probablement voir apparaître davantage de programmes opérationnels dans les futures PAC. Nous devons donc nous assurer qu’à l’avenir, les aides aillent à l’organisation des producteurs dont la filière bovine a besoin, que les éleveurs soient ou non en coopératives.
En 2023, les abattages de gros bovins ont à nouveau reculé de 4,1 % sur un an. Quelles conséquences faut-il en attendre sur les outils de transformation ?
B.C. - Avant même que la décapitalisation se soit accélérée ces dernières années, les abattoirs français étaient dans une situation de surcapacité. Avec l’évolution actuelle, les experts considèrent que l’on compte une dizaine d’abattoirs en trop. Nous sommes donc à la veille d’importantes restructurations. Celles-ci posent deux questions : comment maintenir une implantation territoriale de proximité avec les éleveurs, d’une part, et comment préserver l’équilibre économique de ces outils sur le moyen terme, d’autre part.