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Bovins vifs : où s’approvisionnent les pays du pourtour méditerranéen ?

La sortie de la crise de Covid-19 a conduit à une reprise globale de la demande en bovins vifs dans les pays des rives sud et Est de la Méditerranée. Le commerce reste cependant chahuté par les conséquences de la guerre en Ukraine et les diverses tensions diplomatiques. Tour d’horizon parmi quatre pays du pourtour : l'Égypte, l'Algérie, Israël et la Turquie avec Maximin Bonnet, économiste à l’Institut de l’élevage (Idele).

« Après deux années de baisse de la demande en vif liées à la crise du Covid-19 et aux disponibilités limitées de broutards, l’année 2022 signe le grand retour des importations dans les pays du pourtour méditerranéen », a exposé Maximin Bonnet, économiste à l’Idele à l’occasion des Marchés Mondiaux, tenus le 8 juin 2023. Les importations de bovins vifs ont progressé de 12 % par rapport à 2021. À l’inverse, celles de viande ont reculé de 14 % sur la même période.

Les achats de l’Égypte conditionnés par ses approvisionnements extérieurs en grains pour le bétail

Tout d’abord, l’Égypte, qui abrite près de 110 millions d’habitants, est l’un des pays les plus peuplés de cette zone du pourtour méditerranéen. « C’est le premier importateur mondial de céréales et le premier importateur en vif et en viande en zone méditerranéenne », situe l’expert. Le climat plutôt désertique rend l’élevage difficile sur place.

Historiquement très dépendante des importations de céréales en provenance de la Russie et de l’Ukraine, l’Égypte a frôlé la crise alimentaire au début de la guerre. Si l’accord Russie-Ukraine-Turquie-ONU sur l’exportation pour acheminer les matières premières par la mer Noire a permis d’éviter le pire, la situation reste tendue. Le renchérissement du prix des aliments a par ailleurs limité le développement du cheptel domestique actuellement en cycle de capitalisation.

Ainsi, l’an dernier, pas moins de 400 000 têtes ont été importées, soit un bond de 90 % par rapport à 2021. « L’inflation a conduit le pays à limiter les importations en viande bovine, compensées pour partie par le recours au maigre fini sur place », note Maximin Bonnet. Face aux difficultés monétaires, l’Égypte a eu tendance à privilégier du bétail « bon marché ». La Colombie a été son principal fournisseur (320 000 têtes), suivi par l’Europe. « Seuls 800 bovins ont été expédiés depuis la France du fait du prix plus élevé », relève le spécialiste.

« En 2023, l’engraissement et le développement du cheptel égyptien restent suspendus aux importations de céréales pour les animaux », reprend-il.

L’Algérie retrouve une bonne santé financière et une dynamique à l’import

En 2022, l’envolée des cours du gaz a largement bénéficié à l’économie algérienne, qui s’est retrouvée avec une balance commerciale excédentaire de 12,4 milliards de dollars. « Le pays a retrouvé une santé financière et des stocks de devise qui lui a permis de repartir sur une logique d’importation », indique Maximin Bonnet. Confrontée à des sécheresses importantes depuis 2019, l’Algérie est en proie à une forte décapitalisation de son cheptel bovin qui va avec une baisse de sa production intérieure. Le pays est donc toujours très demandeur de viande bovine à l’import. L’année dernière, près de 100 000 têtes ont été importées, dont 69 000 broutards français (+ 70 %/2021). 2022 a marqué aussi le retour des génisses laitières françaises (29 000) sur le sol algérien, après une longue période de blocage.

Si l’Algérie devrait conserver de bonnes capacités de financement au regard des cours du gaz toujours élevés et une demande en viande soutenue, les flux d’importation restent difficilement prévisibles pour l’année 2023. Le commerce depuis l’Europe reste soumis au contexte géopolitique sensible qui provoque des ouvertures et fermetures de frontières soudaines et aléatoires. L’Espagne en a fait les frais l’année dernière. « Les faibles disponibilités en maigre sur le Vieux Continent pourraient aussi inciter l’Algérie à s’intéresser à d’autres fournisseurs », relève Maximin Bonnet, qui évoque la livraison d’un bateau de bovins finis sud-américains à la fin du Ramadan.

L’Israël est de plus en plus friand de viande bovine

Les répercussions de la guerre en Ukraine n’ont pas semblé déstabilisées l’Israël qui conserve une économie solide en 2022 avec une croissance de + 6,4 % contre une inflation de 4,4 %. La population locale manifeste par ailleurs une appétence grandissante pour la viande bovine (+ 5 %/2021), venant booster les importations. L’import en vif a représenté, en 2022, 100 000 téc, et a pesé pour un tiers du disponible total sur le marché israélien.

« Le pays, soucieux de se fournir en vif dans des conditions respectueuses du bien-être animal, se détourne peu à peu de son fournisseur historique, l’Australie, au profit du marché européen plus proche géographiquement », analyse Maximin Bonnet. C’est le Portugal et la Roumanie qui tirent leur épingle du jeu sur ce créneau. « L’origine française est écartée du fait du facteur prix, l’engraissement et l’abattage étant très coûteux sur place pour des questions de labellisations kasher », explique-t-il. Dans les perspectives à venir, l’Israël devrait maintenir une demande dynamique à l’import, mais les origines de proximité et « bon marché » resteront privilégiées.

La Turquie en grande difficulté

La volonté politique de la Turquie de stimuler artificiellement sa croissance intérieure a mis le pays à mal. L’inflation proche de 100 % et la très forte dévaluation de la monnaie locale a donné un sérieux coup de frein aux échanges commerciaux. Les importations en vif et en viande, ainsi que celles d’aliments du bétail se sont effondrées depuis deux ans. En 2022, près de 50 000 broutards (Hongrie, République tchèque) ont été importés ainsi que 17 000 reproducteurs (Uruguay, Allemagne, Autriche). Là encore, le facteur prix guide les achats des opérateurs turcs vers des origines proches et « bon marché ».

La consommation de viande bovine repose essentiellement sur sa production intérieure alimentée par la décapitalisation. Elle tient à crédit, malgré l’inflation et les importations réduites. Pour freiner l’érosion du cheptel, la Turquie a annoncé l’autorisation d’importer 500 000 animaux sur son sol. Le département de l’agriculture des États-Unis (USDA) estime, pour l’année 2023, que 280 000 têtes pourront être importées, soit 2,3 fois plus qu’en 2022. Reste à savoir avec quelles liquidités le gouvernement turc pourra s’approvisionner.

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