Antonin Régnier, éleveur en Ille-et-Vilaine : « Favoriser le travail en local »
En Ille-et-Vilaine, Antonin Régnier, double actif, conduit son troupeau herbager de 40 mères Salers en semi-plein air. Il attache de l’importance à l’optimisation de son temps de travail et à son bilan carbone.
En Ille-et-Vilaine, Antonin Régnier, double actif, conduit son troupeau herbager de 40 mères Salers en semi-plein air. Il attache de l’importance à l’optimisation de son temps de travail et à son bilan carbone.
« J’ai toujours voulu avoir des vaches. Quand j’ai su que j’allais pouvoir reprendre suffisamment de terres en plus de celles de mon grand-père, j’ai commencé, avec l’aide de ma famille, à constituer un petit cheptel tout en poursuivant mes études, un BTS en aménagement du paysage, une licence en gestion des déchets et environnement », explique Antonin Régnier dont la SCEA se situe à Orgères en Ille-et-Vilaine. Ainsi en 2005, date de son installation avec sa mère, l’éleveur disposait d’un troupeau de 20 mères de race Salers conduit en agriculture biologique lequel est monté depuis à 40 mères.
« Étant double actif, je souhaitais une race facile à élever et vêlant seule. Ma mère s’occupe à mi-temps de l’administratif. L’ensemble des terres exploitées présentant un faible potentiel agronomique, avec de nombreuses terres de landes et connaissant la conduite de mon grand-père, marchand en bestiaux qui engraissait ses bêtes à l’herbe, c’est naturellement que le tout herbe s’est imposé. J’ai à cœur de réduire au maximum l’empreinte carbone de l’exploitation en gardant les haies et en maximisant la biodiversité. J’ai par ailleurs opté pour un utilitaire électrique. »
Recentrer la période de vêlages
Il y a deux ans, Antonin Régnier a recentré sa période de vêlages sur trois mois, d’avril à fin juin. « Avant, j’avais des vêlages toute l’année, principe intéressant pour la vente directe mais devenant contraignant les mois hivernaux avec une conduite en semi plein-air. En procédant ainsi, j’ai éliminé les problèmes de toux sur les veaux. Un seul taureau assure la production en monte naturelle à 100 %. Je le renouvelle tous les deux à trois ans. J’achète principalement des taureaux confirmés de 5 ans environ, pour être sûr de leur production et en local pour le côté sanitaire. Je travaille avec Bovins croissance pour m’aider dans la sélection des génisses de renouvellement, leur sevrage a lieu entre 8 et 9 mois. Elles restent alors entre 15 jours et un mois en bâtiment afin de les habituer à la contention, aux bruits des barrières et pour les rendre plus dociles. Elles disposent alors de foin. Le premier vêlage intervient à 3 ans. »
Le cheptel est réparti sur deux îlots de 25 hectares. D’un côté, se trouvent les mères et leur suite, de l’autre, les génisses et vaches de réforme. Chaque îlot bénéficie d’un bâtiment qui sert surtout d’abri mais est équipé de la contention nécessaire, de manière à intervenir seul en toute sécurité. Le bâtiment des génisses a été construit il y a dix ans. « Celui des mères date du temps de mon grand-père. Les bêtes sont dehors toute l’année. Elles ont libre accès au bâtiment paillé. Les chemins d’accès aux bâtiments ont été empierrés. Cela faisait trois quatre ans que les hivers étaient suffisamment secs pour faire pâturer les bovins onze mois sur douze. Les fortes pluies de cette année m’ont contraint à fermer les herbages dès octobre et à laisser les Salers sur une seule parcelle portante où j’affourage et mets de la paille. Elles apprécient de s’y coucher à leur gré sans forcément rentrer dans le bâtiment », explique l’éleveur.
Améliorer l’efficacité à l’herbe
Afin de mieux valoriser l’herbe pâturée de son exploitation, Antonin Régnier a adopté la technique du pâturage tournant dynamique, il y a cinq ans. « J’ai pu augmenter le nombre d’animaux. » Les génisses changent tous les jours de paddocks de 500 à 600 mètres de long et 25 mètres de large, les mères, tous les deux à quatre jours, en raison d’une moindre accessibilité à l’eau.
Sur l’îlot des génisses, « j’ai déroulé un tuyau à partir d’un forage, le long des paddocks. Un bac de 60 litres, déplacé quotidiennement, permet alors aux femelles de disposer d’une eau propre toujours accessible. Sur l’îlot des mères, j’ai fermé des mares et installé des pompes à nez ou des bacs à gravité. Avec ces fermetures, j’ai supprimé les problèmes de parasitisme. Les jeunes sont vermifugés au sevrage en pour-on, lorsque cela est nécessaire. J’utilise également la phytothérapie pour lutter contre le paramphistome. Je broie une à deux fois par an les chardons. Le pâturage tournant a mis fin aux rumex. Outre l’intérêt sur la gestion herbagère, le pâturage tournant dynamique se traduit aussi davantage de docilité aux animaux. »
L’hiver, les vaches ont une ration foin et enrubannage d’herbe. « Je ne mets pas de pierre à sel. Par contre, je dépose cinq à six poignées de sel de Guérande sur les bottes de foin, une fois bottelées, cela évite qu’elles ne chauffent car elles sont rentrées aussitôt. » Les 10 hectares de prairies temporaires de l’exploitation sont uniquement fauchés. Ce sont des parcelles de ray-grass anglais, ray-grass italien, de fétuque et de trèfle blanc et violet. L’épandage de fumier pailleux est réservé aux prairies de fauche. « Seule de la chaux humide est apportée sur les pâtures et ce, tous les trois à cinq ans pour faire face à l’acidité de mes sols schisteux. »
Une finition à l’herbe
Une vache improductive représente la première cause de réforme. Le caractère, la seconde. « J’ai un petit système, donc pour être rentable je ne peux pas laisser de place à l’improductivité." Les femelles sont finies à l’herbe en un à deux mois. Les génisses partent à deux ans et demi, trois ans, entre 350 et 400 kilos de carcasse, classées R. Elles passent toutes en vente directe, en colis. Une journée est réservée à leur distribution tous les deux mois environ. « Soucieux du bien-être de mes animaux, j’essaie autant que possible de les emmener moi-même à l’abattoir. » Les vaches sont commercialisées à Bretagne viande bio, les broutards mâles en direct, à un engraisseur. « À l’avenir, j’aimerais développer une filière locale de vente directe à des bouchers pour toucher une clientèle qui ne peut pas acheter en colis. »
La simplification du travail représente une priorité dans le quotidien de l’éleveur double actif. « J’essaie d’optimiser ma charge de travail. L’acquisition d’un quad, il y a deux ans, me facilite beaucoup la tâche au niveau de la gestion des clôtures et du bouclage des veaux. Je devance ainsi les mères pour les approcher. Quand on est en plein-air, on marche beaucoup. Avec le quad, je suis plus vigilant sur les naissances et passe voir davantage les animaux (deux fois par jour), les clôtures sont mieux suivies. »
Les charges de mécanisation sont réduites. L’exploitant possède un tracteur, un véhicule utilitaire électrique, un quad et une faneuse. La fauche et le bottelage sont réalisés par une ETA. L’épandeur et l’andaineur sont en Cuma.
Des vaches faciles à conduire
Chiffres clés
« Une double activité touristique »
En parallèle de son exploitation bovine et de la pension pour chevaux, Antonin Régnier gère des gîtes et une location de salle pour les mariages et les séminaires et ce, depuis cinq ans. « Je travaille seul sur cette activité. J’y consacre en moyenne un mi-temps. C’est très prenant d’avril à octobre et surtout les week-ends d’où le choix d’une race facile à conduire et qui vêle sans aide. Ces deux activités se complètent assez bien car les vaches me demandent davantage de disponibilité l’hiver que l’été. Cette seconde activité m’offre également l’occasion de communiquer positivement sur l’élevage. Les gens ont souvent beaucoup de questions et sont plutôt réceptifs. »
Avis d’expert - Christian Veillaux, responsable herbivore des chambres d’agriculture de Bretagne
« Simplicité et efficacité »
« Antonin Régnier dispose d’un système très pâturant et économe avec pour objectif de garder de la disponibilité pour se consacrer à sa seconde activité de tourisme, très chronophage. Il est ainsi à la recherche de simplicité et d’efficacité dans sa conduite. Il a mis en place le pâturage tournant dynamique afin d’optimiser l’efficacité de son système herbager et ainsi obtenir des gains quant aux poids carcasses de ses animaux. L’alimentation hivernale des bêtes est simple et à volonté. Il arrive ainsi à tout conjuguer. L’éleveur est par ailleurs assez vigilant sur la génétique de son troupeau. Il est attentif au choix des reproducteurs et peut échanger avec ses collègues de l’association Salers de l’Ouest dont il est le président et qui compte aujourd’hui 40 membres. »
« Les broutards sont vendus en direct à un engraisseur »
Depuis deux ans, Antonin Régnier vend ses broutards à un voisin naisseur engraisseur qui se situe à 20 kilomètres de l’exploitation. « Ils partent à 9 mois environ. Ma conduite a peu changé hormis le fait que maintenant je sèvre les mâles une semaine à quinze jours avant leur départ de la ferme », souligne l’éleveur. Au sevrage, les veaux sont mis en bâtiments. Ils disposent alors de foin et d’enrubannage.
« J’annonce la date de livraison de mes animaux six mois à l’avance. Mon voisin me prévient dès que de la place se libère pour me permettre de les préparer. On se met d’accord sur un prix. À chaque fois, il prend six à sept broutards pour remplir une case d’engraissement. » L’éleveur dispose d’un van pouvant transporter chez l’engraisseur jusqu’à six broutards. Au-delà, ce dernier se déplace avec son camion.
« On y trouve tous les deux notre intérêt. Lui bénéficie de broutards qui démarrent tout de suite et avec moins de problèmes sanitaires. Moi, j’ai un retour sur les performances de mes bêtes, ce qui me permet d’affiner la sélection de mon cheptel. » Les taurillons sont ainsi abattus entre 20 et 21 mois à 460 kg carcasse pour un état d’engraissement compris entre U- et R +.