Vincent Descœur : “J’entre en résistance !”
Le président du Conseil général réagit à la suppression annoncée des Départements par Manuel Valls. Une décision jugée “brutale, méprisante” et scellant la fin des territoires ruraux.
C’est pour lui ni plus ni moins que l’arrêt de mort des territoires ruraux qu’a signé le nouveau Premier ministre en annonçant, mardi dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, la disparition à l’horizon 2021 de l’échelon départemental. Le coup de grâce après un redécoupage cantonal que Vincent Descœur avait déjà qualifié il y a quelques mois de ruralicide. Cette fois, c’est une nouvelle étape qui est franchie, estime le patron du Conseil général, avec comme perspective un “pays défiguré” et des victimes de ce nouveau modèle de société qui ne dit pas son nom : “Celles et ceux qui vivent dans des territoires ruraux.”
“Des déserts entre des métropoles”
“Par la voix du Premier ministre, le gouvernement est venu clairement dire qu’on allait concentrer les efforts sur ceux qui peuvent s’en sortir, les vaisseaux amiraux, c’est-à-dire les métropoles, et pour les autres, les 20 % de la population française, au mieux ils devront essayer de suivre dans le sillage, pour espérer ne pas couler”, image Vincent Descœur. Haut et bientôt très haut débit, désenclavement physique du département par l’ouest avec le partenariat public-privé sur la RD120, soutien à la ligne aérienne, dévelop- pement de l’antenne universitaire, de la station du Lioran... autant de dossiers et chantiers qui n’auraient vu le jour, rappelle l’élu, sans l’appui et l’implication de cet échelon de proximité. “Sans renoncement à ce projet, on s’achemine vers un sinistre économique et démographique”, prédit Vincent Descœur, qui se dit scandalisé tout autant par la forme. “C’est froid, brutal, calculé, autoritaire, anxiogène pour les agents de la collectivité et leur famille mais aussi pour tous les Cantaliens qui bénéficient des services du Département ou dont les projets sont accompagnés par ce dernier.” Néanmoins, il ne se dit pas vraiment surpris : “J’avais eu l’occasion d’annoncer que l’idée de la création du binôme (NDLR de conseillers départementaux) et le redécoupage pouvaient précipiter la fin des Départements.”
“Il va falloir qu’Hollande réponde !”
Entre-temps, le 18 janvier, le président Hollande s’était voulu rassurant en déclarant à Tulle, que supprimer les Départements reviendrait à fragiliser les territoires ruraux. “Trois mois plus tard, son Premier ministre, censé incarner un nouveau souffle du quinquennat, balaie tout ça ! C’est méprisant, incohérent !” s’emporte l’élu qui renvoie à “leur naïveté” le président de l’ADF (Association des Départements de France), Claudy Lebreton, et ceux qui ont alors cru aux engagements gouvernementaux. Il se tourne également vers les parlementaires des territoires ruraux qui “ont signé un chèque en blanc à Manuel Valls alors que l’avenir de leur territoire est compromis”. Et d’ironiser : “Quand on sait que ce sont les mêmes (NDLR : le gouvernement) qui, il y a deux ans, ont promis le dialogue au centre de toutes les décisions, une France apaisée (...) Il va falloir qu’Hollande réponde !” Avant de balayer de supposées économies générées par cette simplification programmée du mille-feuille territorial avec le regroupement concomittant des Régions. “Je suis prêt à faire la démonstration qu’il n’y aura pas d’économies substantielles. Au contraire, certains projets pourraient être plus coûteux. Il y aura de vraies pertes en ligne. Qui sera l’interlocuteur des collectivités, qui prendra le relais de l’aménagement de la voirie ? Un étage sans moyen économique (les intercommunalités, NDLR) ou un autre pour qui le Cantal ne sera qu’une périphérie bien éloignée (la future Région fusionnée) ?” Reproche majeur fait à une décision jugée par ailleurs “démagogique et populiste” : l’absence d’alternative. “Je suis favorable à ce qu’une réflexion s’engage pour faire évoluer la collectivité départementale mais Manuel Valls n’a pas donné le début du commencement d’une réponse !”
La réponse, ou plutôt la riposte, Vincent Descœur entend bien l’organiser. Premier acte : une audience sollicitée auprès du préfet. Et dans la foulée, la suspension de la participation du Conseil général aux réflexions engagées sur le contrat de plan État-Région, sur le schéma régional d’aménagement du territoire “puisque demain nous n’existerons plus”. Le patron du Département compte, au-delà des élus et sensibilités politiques, provoquer un “vrai mouvement de contestation populaire”. “J’entre en résistance”, annonce Vincent Descœur avant de confier : “J’en viens à regretter Jean-Marc Ayrault.”