Une session extraordinaire pour dénoncer le mille-feuille devenu tarte à la crème
Le Conseil général a réuni ses troupes, élus, agents, mais aussi les forces vives du Département, pour assister à la session exceptionnelle où une motion contre la réforme a été votée.
“Voilà bien le premier signe du manque de considération dont nous pourrions souffrir demain !”,lance Vincent Descoeur aux nombreux élus qui l’ont accompagné à la préfecture du Cantal. Ce lundi 23 juin,ils ont en effet trouvé portes closes au moment de remettre la motion contre le projet de loi de réforme territoriale qui venait d’être votée : ni préfet, ni secrétaire générale, pas même le directeur de cabinet.Quelques minutes plus tôt, ils étaient encore en session extraordinaire au Conseil général. Même l’atrium, bien plus grand que la salle des sessions, s’est avéré trop petit pour accueillir le public venu y assister : 650 personnes auxquelles s’ajoutent les 900 connexions enregistrées sur le site qui retransmettait les débats en direct. Au menu : la fusion des Régions et le transfert de la plupart des compétences des Départements (voirie, transport, collège et développement économique) vers ces nouvelles “super Régions” (Rhône-Alpes/Auvergne, nous concernant).Il ne resterait aux conseils généraux que le volet social et les centres départementaux d’incendie et de secours, avant disparition pure et simple en 2020 de ces assemblées départementales. De quoi porter un “coup fatal” au Cantal et aux territoires ruraux a estimé le président Vincent Descoeur dans son discours introductif, en évoquantun “pouvoir de décision qui aura quitté le Cantal” ou encore la “perte d’influence du département”, avec seulement deux ou trois Cantaliens dans une assemblée basée à Lyon qui comptera quelque 150 élus. Et de citer le secrétaire d’État André Vallini “qui a eu l’expression malheureusede parler de dévitalisation.
Outre les craintes formulées par les agents territoriaux qui s’inquiètent d’une relocalisation de leurs emplois(1), tous les Cantaliens devraient se sentir concernés selon Vincent Descœur. “Personne ne garantit que notre choix de maintenir la moitié des collèges de moins de 200 élèves ou l’organisation d’un centre routier par canton survivra au transfert vers la grande Région.” Il redoute aussi des incidences sur l’économie et l’emploi local avec par exemple une baisse des commandes publiques ou un désintérêt quant au désenclavement routier et aérien. Enfin, le président du Conseil général ne croit pas à la présence renforcée de l’État promise sur les territoires ruraux. “C’est abuser de notre crédulité dans cette période où tous les budgets de tous les ministères sont revus à la baisse (…) Faire preuve de naïveté ou pire encore d’enthousiasme exagéré au seul motif d’une solidarité politique est une faute”, lance-t-il à l’adresse du député Calmette et des trois conseillers généraux socialistes, les seuls qui voteront contre la motion, puisque le groupe de centre gauche GRD a approuvé le texte présenté par la majorité départementale. Avant que les élus réagissent, le président martèle encore qu’aucune économie ne sera réalisée et s’indigne de l’absence de péréquation…
Morceaux choisis
Louis-Jacques Liandier (Vic-sur-Cère) “approuve assez” la fusion de l’Auvergne avec Rhône-Alpes, estimant que “la proximité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui”, mais regrette sur la forme “l’absence de méthode” et “le manque de concertation avec les élus et les citoyens”. Il aurait fallu un “Grenelle des institutions associant la population”, relève Stéphane Briant (Saignes) qui aurait préféré que l’État réforme “sa tête avant les bases sur lesquelles il repose”. Pourtant, Charly Delamaide (Aurillac 3) y voit la réponse à un “nouveau modèle de société”, conforme à la simplification attendue du fameux mille-feuille territorial. Un “mille-feuille devenu tarte à la crème”, ironise Jean-Yves Bony (Pleaux) qui ne veut pas laisser dire qu’un artisan ou qu’un maire ne sait pas d’où proviennent les aides croisées dont il a pu bénéficier lors du montage d’un projet. François Vermande (Maurs) refuse toujours que le Cantal soit “le larbin de Rhône-Alpes”. “Loin des yeux, loin du coeur... et du porte-monnaie”, abonde Josiane Coste (Aurillac 1). Madeleine Baum-gartner (Chaudes-Aigues) voudrait défendre un choix de vie : “La France n'est pas une addition de métropoles.” Il s’agit juste de remplacer le couple “commune/Département par celui des intercommunalités et des Régions”, schématise Florence Marty (Aurillac 2). “On assiste un malade en fin de vie qui gâche la fête du mariage annoncé”, constate Bruno Faure (Salers). Élu de gauche remonté contre la réforme, Jacques Markarian (Jussac) se demande “ce que le PS aurait dit si Sarkozy avait utilisé la même méthode”...
Puis vint le tour des parlementaires de s’exprimer. Le sénateur Jarlier compte sur une solidarité des territoires : “Alors, le Cantal restera et le Conseil général évoluera.” Le député Calmette imagine un département constitué de seulement trois voire quatre intercommunalités. Le sénateur Mézard estime que le projet de loi “fabrique des féodalités régionales”, en constatant que tout le monde n’est pas traité de la même façon : “On ne touche pas au Nord-Pas-de-Calais ou à la Bretagne, parce qu’il y a des noms en face.” Il prédit la venue en terres cantaliennes du président de Rhône-Alpes et de belles promesses avant les élections et... “On ne les verra plus jamais.” Et Jacques Mézard d’affirmer qu’il sera, la semaine prochaine, de ceux qui monteront au front contre ce texte.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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