Crise du porc
« Une priorité : faire remonter le prix du porc rapidement »
Le président de la Fédération nationale porcine (FNP) revient sur les annonces gouvernementales, la manière dont elles ont été perçues sur le terrain, et sur les perspectives 2022 pour la FNP.
Le président de la Fédération nationale porcine (FNP) revient sur les annonces gouvernementales, la manière dont elles ont été perçues sur le terrain, et sur les perspectives 2022 pour la FNP.
Comment les mesures annoncées par le Gouvernement ont-elles été ressenties sur le terrain ?
François Valy : Je pense, avec soulagement et de manière mesurée. Je m’explique : le secteur porcin connaît une crise plutôt inédite depuis un quart de siècle. Le secteur est actuellement complètement embourbé par des facteurs qui sont connus et que je rappelle rapidement : fermeture du marché chinois qui constituait un important débouché pour le porc espagnol : 20 millions de leurs porcs, sur les 50 millions produits partaient à l’exportation, en immense majorité en Chine. Vient se greffer la crise de la fièvre porcine africaine (FPA) qui sévit en Allemagne et en Italie. Ces pays sont interdits d’exporter hors Union européenne. Il s’ensuit une surproduction catastrophique au sein des 27 qui fait mécaniquement chuter les cours. Ajoutez en amont une flambée des cours de l’aliment et de l’énergie. Des charges en hausse et pas de débouchés : vous avez un effet ciseaux dévastateur pour la filière. Pour les éleveurs, c’est la double peine.
Concrètement comment ces aides seront-elles versées ?
FV : Un premier volet d’urgence de 75 millions d’euros (M€) est affecté aux éleveurs, à concurrence maximum de 15 000 € par exploitation avec transparence GAEC. Cette aide est réservée aux exploitants ayant atteint 80% de consommation de crédits court terme de trésorerie à compte du 1er janvier 2022 et sur un mois glissant et qui ont demandé un prêt garanti de l’Etat (PGE). Il faut que l’exploitant fasse cette demande. Qu’elle lui soit refusée ou acceptée, le fait d’avoir effectué cette demande de PGE lui ouvre l’accès à cette aide. C’est aussi un moyen pour les services du ministère de l’Agriculture de faire remonter les besoins des producteurs. Un deuxième volet de l’aide concerne les 20 M€ débloqués pour l’exonération de charges sociales, en lien avec la Mutualité sociale agricole. Le troisième volet, d’un montant de 175 M€ devra être notifié à Bruxelles pour des versements dans les prochains mois selon des critères que nous ne connaissons pas encore.
Le ministre a aussi parlé de l’application de la loi Egalim 2 ? Quel est votre sentiment sur ce dispositif ?
FV : Bien entendu, il n’est pas question de sanctuariser le prix du porc. Cependant, il n’est pas concevable que nous soyons rémunérés sans considérer nos coûts de production. Faire respecter la loi Egalim 2 passera par le choix, la prise en compte et le respect d’indicateurs comme le marché du porc breton (MPB), un des indicateurs Inaporc et des grilles de paiement. Il revient aux organisations de producteurs de faire une première proposition de contrat et d’en négocier les termes avec les abatteurs.
Comment ont réagi les producteurs sur le terrain ?
FV : Pour les éleveurs cette aide d’urgence montre que l’État a pris conscience de leur situation dramatique mais elle ne résoudra pas toutes les difficultés structurelles. En cette période difficile, je pense surtout à mes collègues éleveurs, notamment aux jeunes, qui ont beaucoup investi et dont les trésoreries souffrent terriblement. Avec les mesures mises en place et l’engagement de l’aval, la seule solution pour que ce plan fonctionne est que le prix du porc remonte rapidement, car c’est bien d’un prix rémunérateur dont la profession a aujourd’hui besoin. Sans aides et sans prix, ce sont près de 30 % des exploitations qui risquent à de disparaître à court/moyen terme. Ce n’est plus vivable et c’est inacceptable au moment où nous parlons de souveraineté alimentaire.
D’autres débouchés sont-ils possibles ?
FV : Le marché nord-américain fonctionne sur le modèle d’un marché à terme, comme les céréales. Depuis le Covid, il peine à repartir, ce qui peut ouvrir quelques perspectives d’export pour l’Europe outre-Atlantique ou en Asie du sud-est.
Quelles sont les perspectives de la FNP pour 2022 ?
FV : La première est de poursuivre notre combat pour la profession, pour des prix rémunérateurs et pour une montée en gamme de la filière. Car si nous ne le faisons pas, d’autres pays - je pense à l’Espagne – iront sur ce créneau. Il nous faut aussi mieux structurer notre amont. C’est tout l’intérêt de l’association des organisations de producteurs du Grand-Ouest (AOP Porcs Grand Ouest) qui doit nous permettre de reconsolider nos élevages dans un cadre plus collectif. Cette AOP pèse, avec 11,5 millions de porcs plus de 70 % de la production de l’Ouest de la France et la moitié de la production nationale. Nous allons aussi poursuivre le travail sur la montée en gamme et sur le dossier de la biosécurité qu’il faut prendre non pas comme une énième contrainte mais comme une véritable assurance de la pérennité de nos exploitatons. Il ne faudrait pas ajouter le malheur au désespoir si nous devions être touchés par la FPA. Enfin, au plan syndical, nous entendons revitaliser le collectif pour que les éleveurs continuent de défendre les éleveurs, comme nous le faisons, au quotidien, becs et ongles. Notre utilité ne se mesure pas à la seule gestion des crises mais à l’attention de nombreux autres dossiers, plus obscurs et tout aussi utiles. Il sera question de tous ces sujets, et de bien d’autres, lors de notre prochain congrès en juin, dans l’Ain.