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Un réchauffement climatique déjà plus bien rapide dans le Massif central

Climatologue impliqué sur le programme AP3C des chambres d'agriculture du Massif central, Vincent Cailliez décrit les grandes tendances à l'oeuvre en amont de la journée du 21 mars.

Elévation de la température moyenne au printemps dans le Cantal, entre 2000 et 2050. Sources : AP3C.
Elévation de la température moyenne au printemps dans le Cantal, entre 2000 et 2050. Sources : AP3C.
© P. O.

C'est un chantier titanesque et inédit auquel le climatologue Vincent Cailliez s'attelle depuis maintenant une décennie, sollicité par le Sidam, le réseau des chambres d'agriculture du Massif central, dans le cadre du programme AP3C (Adaptations des pratiques culturales au changement climatique) : produire des projections climatiques localisées ayant la particularité et l'unicité d'être compatibles avec ce qui se passe réellement sur le terrain (lire encadré). Des projections, qu'il présentera le 21 mars (lire par ailleurs) et qui ont vocation à apporter à la profession des informations sur les évolutions climatiques à l'oeuvre sur ce territoire du Massif central afin que les agriculteurs puissent identifier et enclencher les adaptations possibles sur leurs exploitations. Adaptations qui s'annoncent urgentes au vu des résultats de ces projections établies à l'horizon 2050...

Quels sont les enseignements de vos projections ?
V. C. :  "Si on s'intéresse à la température annuelle moyenne, on est dans le cadre d'une évolution de + 0,4° par décennie, soit + 4°C par siècle. Cela signifie que la trajectoire actuelle, sans accélération, a déjà dépassé le + 1,5°C dont on parle à l'échelle mondiale. Les précipitations évoluent elles globalement assez peu mais au sud-ouest du Massif central, comme du Cantal, on est sur une baisse du cumul annuel, de l'ordre de
50 à 60 mm : cela ne représente certes que quelques pourcents des précipitations annuelles mais c'est quand même significatif."

Les montagnes conservent leur fraîcheur

Pourquoi cette particularité sur cette partie Sud-Ouest ?
V. C. : "C'est vraisemblablement un effet de masquage supplémentaire dû aux Pyrénées : avec le changement climatique, on observe un redressement des flux qui remontent la plaine de la Garonne et vers le Massif central, redressement qui fait que le sud-ouest du Massif central est protégé."


Comment vont évoluer ces deux paramètres au niveau saisonnier ?
V. C. : "S'agissant de la température, la tendance à laquelle on ne s'attendait pas, c'est une évolution rapide au printemps : entre + 2° et + 3° en 50 ans, avec un effet très important de l'encaissement des vallées. En fond de vallée, vous avez une élévation rapide de la température, qu'on ne rencontre pas sur les dômes et les sommets, ce qui fait que vous avez des gens situés à quelques kilomètres d'écart qui ne vivent pas le même changement climatique.
Autre surprise, l'été : il y a des zones, plutôt la moitié Est du Cantal, où la hausse des températures est faible et ça se retrouve sur une bonne partie des zones montagneuses du Massif central. On pense que c'est dû à l'augmentation de la nébulosité :  lorsque vous avez un apport de chaleur supplémentaire en été, tant qu'il ne fait pas trop sec, cela permet davantage la formation de nuages qui bloquent le rayonnement solaire, plafonnant ainsi les températures. Sur la moitié Est du département, on ne gagne ainsi pas plus d'un degré en 50 ans, contre + 2 à + 2,5°C sur le Sud-Ouest. Donc la zone d'altitude, qui était déjà plus fraîche chez vous, maintient une partie de sa fraîcheur. Si on se concentre sur le nombre de jours caniculaires (ici le nombre de jours supérieurs à 32°C, soit la température d'échaudage du maïs), en altitude vers 1 000 m, cela n'évolue pas, on reste à moins de 3 jours. En revanche, sur la station de Maurs, on passe de 5 jours en 2000 à 15 jours en 2050."

Plus de pluies... l'été sur le Nord-Ouest

Quid des précipitations ?
V. C. "En corrélation avec l'évolution des températures, vous avez une situation très contrastée de la pluviométrie : sur les trois quarts nord-ouest du Cantal, vous avez une augmentation des précipitations en été, qui peut être sensible sur les hauteurs du fait des nuages. C'est quelque chose qui n'est pas bien perçu parce que la demande évaporatoire (l'ETP) augmente plus vite que les précipitations, ce qui fait que la sécheresse s'accentue. Par ailleurs, ces précipitations ne sont pas des précipitations régulières qui entrent tranquillement dans la terre, il s'agit de pluies orageuses. En revanche, sur l'extrême sud-ouest du département, vous récupérez ce qui se passe sur le bassin de la Garonne, c'est-à-dire une diminution des précipitations."

Faut-il s'attendre comme on le vit cette année à des hivers secs ?
V. C. : "En hiver, il va se passer pratiquement l'inverse de l'été : une évolution violente à la hausse des températures - on ne s'y attendait pas -, particulièrement sur la moitié Est, Nord-Est du département c'est-à-dire les zones d'altitude ; et on soupçonne très fort que c'est dû à la désagrégation de la couche neigeuse, c'est l'effet d'albédo(1). On est donc en transition entre des hivers où il y avait essentiellement de la neige vers des hivers où il n'y en aura pas, du moins au sol. En 50 ans, on peut dépasser les + 3°C sur cette saison. Par contre, sur un petit tiers sud-ouest du département, vous récupérez les élévations de températures de la grande échelle, c'est-à-dire + 1°C, + 1,5°C sur un demi-siècle.


Hivers secs et sans blanc


En termes de précipitations hivernales, c'est le miroir de l'été : une diminution des précipitations sur une grande bande centrale du Massif central, liée au masquage des Pyrénées. Là où il y a des problématiques de recharge, de stockage hivernal, ça ne va donc pas s'améliorer à l'avenir."

Et entre les deux ?
V. C. : "À l'automne, rien de surprenant : on assiste à une lente évolution à la hausse des températures comme des précipitations. Au printemps, contrairement à ce que disent les modèles globaux du climat, ici les températures évoluent très vite parce que les précipitations en général diminuent. L'air est plus sec, on peut le réchauffer mais aussi le refroidir plus rapidement, ce qui fait que les dernières gelées de printemps régressent très peu et c'est un problème. En effet, les températures augmentent vite en moyenne favorisant un redémarrage de plus en plus précoce et rapide de la végétation, particulièrement sensible à ces dernières gelées qui, elles, ne bougent pas."

Qu'avez-vous appris d'autre ?
V. C. : "Le changement climatique réel va bien plus vite que ce qui est dit habituellement ; qu'il a dans le Massif central des caractéristiques différentes, voire contraires, de ce qui est annoncé à grande échelle. Que la situation est en général défavorable mais qu'il y a quand même un certain nombre d'opportunités : comme la question de la valorisation des précipitations plus soutenues en été. Et que l'altitude s'en sort en général mieux que la plaine."

Quelle va être la suite de ce travail ?
V. C. : "Le commissariat de Massif m'a demandé de densifier le réseau et de l'étendre (dans le Morvan et la Montagne noire). Cette densification va intégrer davantage de stations : dans le Cantal, à Marcenat, Coltines, Saint-Flour, Aurillac, Maurs et Senezergues, ont été ajoutées Mauriac, Massiac et Le Claux."

(1) La neige réfléchit bien davantage l'énergie solaire que l'herbe ou la terre de couleur plus sombre, qui a contrario l'absorbe.

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