Un échange constructif pour l’agriculture creusoise
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, et Jordy Bouancheau, administrateur JA, sont venus en Creuse pour échanger avec les agriculteurs du département.
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, et Jordy Bouancheau, administrateur JA, sont venus en Creuse pour échanger avec les agriculteurs du département.
Jeudi 16 janvier, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, et Jordy Bouancheau, administrateur JA, étaient les invités de la FDSEA de la Creuse et de JA 23 à l’occasion d’une réunion commune qui se tenait à Gouzon, sur l’exploitation de l’EARL Paillloux Cyril. Plus d’une centaine d’agriculteurs creusois étaient présents au rendez-vous.
Christian Arvis, président de la FDSEA de la Creuse, a d’abord introduit la réunion par une rapide présentation de l’agriculture en Creuse et de sa situation, rappelant que la très forte mobilisation de janvier 2024, avec 9 jours d’occupation de la RN145, était un indicateur fort du moral qui n’est pas au beau fixe dans les campagnes. Florian Derboule, président de JA 23, a lui aussi fait ce constat, rappelant que la transmission des exploitations dans ces circonstances est un véritable défi. En Creuse l’attente est donc immense.
Les responsables nationaux ont rappelé la force du réseau FNSEA/JA, doté d’un maillage très fin sur le terrain, et où « chacun peut se sentir représenté » comme l’a indiqué Jordy Bouancheau. En effet, « il n’y a pas de "modèle" agricole français » a martelé Arnaud Rousseau. FNSEA et JA ont vocation à représenter tous les agriculteurs, quels que soient leur production, leur volume ou leur marché.
Un mobilisation qui porte ses fruits malgré une situation bancale
Jordy Bouancheau et Arnaud Rousseau sont bien sûr revenus sur les fruits issus des mobilisations de l’hiver dernier. « La stratégie a été de prendre chaque sujet l’un après l’autre et de conserver un maximum de cohérence » après leur collecte au sein du réseau a expliqué Jordy Bouancheau. Si certains sujets, comme la fiscalité du GNR ou le micro BA, ont rapidement été mis en place, d’autres continuent de patiner, particulièrement ceux qui avaient été inclus dans le projet de budget, retoqué par la motion de censure. Ce budget en suspens comprenait 450 millions d’euros en faveur de l’agriculture, dont 150 millions pour les éleveurs bovins, les retraites ou la TFNB.
Arnaud Rousseau a indiqué qu’il existe des mesures qui pourraient ne rien coûter à l’État, notamment du côté de la simplification administrative. « On n’a pas choisi ce métier pour remplir des Cerfa, les injonctions administratives ont des coûts qui ne sont pas pris en compte, parfois même l’administration n’y retrouve pas ses petits. »
Les deux responsables nationaux déplorent la situation politique instable qui s’est installée suite à la dissolution de juin qu’ils n’ont « pas vu venir ». La suspension des discussions en l’attente d’un nouveau gouvernement et les changements d’interlocuteurs successifs n’ont pas aidé à travailler efficacement, d’autant que pendant ce temps, le monde agricole continuait de subir, après des intempéries et des récoltes catastrophiques, une situation sanitaire (FCO-MHE) alarmante et un contexte international inquiétant, avec la signature en douce des accords avec le Mercosur et des risques pour les filières exportatrices avec la hausse des droits de douane en Chine et aux États-Unis.
Les élections en ligne de mire
Les élections Chambre d’agriculture ont bien sûr été abordées. Pascal Lerousseau, président sortant et tête de liste FDSEA-JA pour la Creuse s’est dit très fier d’emmener cette liste, afin de pouvoir continuer le travail commencé durant le mandat qui s’achève. Ses priorités sont le renouvellement des générations et l’installation, le revenu, et la résilience. Il a rappelé que les bonnes relations avec l’administration sont nécessaires pour faire avancer les dossiers, même si « les échanges sont parfois vifs mais toujours dans un esprit de construction ». Il a été rappelé que cette élection est bien départementale et non nationale et qu’il ne faut pas laisser les perturbations nationales polluer les dossiers locaux.
Arnaud Rousseau est revenu sur les attaques dont il fait l’objet jusqu’à son domicile : « Quand on n’a pas de programme, on tape sur un bouc émissaire, ça détourne l’attention ». Accusé d’être un grand patron de l’industrie, il a indiqué qu’au sein du groupe Avril il ne détient qu’une seule part et qu’il n’en est président que parce que cela est inscrit dans les statuts, le groupe ayant été initialement fondé par la profession agricole et non par une industrie.
D’autre part, il a rappelé que les élections aux Chambre d’agriculture sont des élections locales, aux conséquences locales, dans lesquelles les responsables nationaux ne sont que des soutiens, et non des candidats. Sans vraiment les nommer, il a indiqué que dans les départements où les listes FDSEA-JA ont perdu aux élections précédentes, les conséquences ont été immédiates : entre licenciements et démissions de personnel, la perte de compétences, voire de services entiers, a été flagrante entraînant une impossibilité de travailler avec ces départements.
Des sujets abordés plus en profondeur
La séance de questions-réponses a permis d’aborder des sujets complémentaires et plus spécifiques au département.
Sur l’agrivoltaïsme, la politique syndicale est clairement d’adopter le cas par cas, toujours en priorisant l’équipement sur toitures avant l’équipement au sol. C’est la doctrine qui avait déjà été adoptée en Creuse avant la loi. La Chambre d’agriculture, au travers d’une charte, souhaite aussi que l’agrivoltaïsme soit inclus dans les projets d’installation, en tant qu’atelier de diversification du revenu. Face aux inquiétudes des maires, il a été rappelé que rien ne les oblige à signer les permis de construire. Il a toutefois été indiqué que finalement très peu de surfaces sont concernées sur le territoire départemental, notamment en raison de l’éloignement des postes sources, et qu’il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter.
Concernant le Mercosur, Arnaud Rousseau s’est félicité que l’ensemble du monde politique français soit à l’unisson sur le refus de ces accords. Au travers du Copa, l’ensemble de l’agriculture européenne est également contre, y compris l’Allemagne. La signature d’Ursula van der Leyen est un mauvais signe car c’est la première fois qu’un tel accord est signé sans l’aval de la France. Cependant tout n’est pas perdu, l’accord n’est pas encore "splitté", ce qui signifie que pour le moment il doit être ratifié par tous les États Membres. Au cas où il le serait, le travail actuel consiste donc à rassembler les votes d’au moins 4 pays rassemblant 35 % de la population pour bloquer l’accord ; la France, l’Italie, la Pologne et l’Autriche sont en bonne voie mais cela est pour l’instant encore insuffisant pour garantir le résultat espéré.
Sur Egalim, Jordy Bouancheau a insisté sur la nécessité de proposer des contrats afin de forcer le changement d’habitudes vieilles de quarante ans. « On ne peut pas dire que ça n’a pas fonctionné », car on trouve des prix corrects là où ça a été mis en place. À défaut d’une version européenne de la loi un temps envisagée, on sait que d’autres pays, forts de l’expérience française, sont tentés par leur propre version. Présent à la réunion, Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la première version de la loi, a expliqué les points qui bloquent encore, comme la contractualisation obligatoire, difficile à faire passer à cause des vieilles habitudes, ou encore la stratégie de contournement de la grande distribution, qui utilise des plates-formes à l’étranger.
Sur le plan sanitaire, et particulièrement pour la crise FCO/MHE en cours, FNSEA et JA demandent 3 choses : suffisamment de vaccins pour tous, un paiement par l’État et une harmonisation de la stratégie entre les régions. Pour l’instant seules les pertes directes (mortalité) sont indemnisées, et le guichet FCO-8 n’est toujours pas ouvert* (« Il faudrait qu’il le soit avant le Salon de l’Agriculture, il est promis depuis le Sommet de l’Élevage »). Pour l’instant rien n’est prévu pour les pertes indirectes (infécondité, frais vétérinaires, etc.), car on ne sait pas encore quelle part de l’enveloppe sera absorbée par les pertes directes. Les syndicats demandent également la création d’une banque d’antigènes, afin d’accélérer la fabrication des vaccins à l’apparition d’une nouvelle souche, voire pour créer un vaccin multisouche. Dans tous les cas, les responsables syndicaux recommandent de commander en masse tous les vaccins possibles auprès des vétérinaires, même ceux qui ne sont pas disponibles, car cela prouvera le besoin à l’État. En outre, il faut s’attendre à ce que les indemnisations futures soient conditionnées à la vaccination.
Le dernier sujet abordé a été l’assurance prairie, une immense déception pour tout le monde : le constat général est que le système indiciel (mesures de la biomasse par satellite) ne fonctionne pas. Il a été paramétré pour mesurer les pertes liées à la sécheresse et cette année on lui a demandé de mesurer les pertes liées à l’excès d’eau. Du côté des assureurs, le modèle économique n’est pas équilibré, avec des risques de plus en plus récurrents et des aléas qui n’en sont plus.
Avant un moment convivial autour d’un petit verre, la réunion s’est achevée en revenant sur la thématique des élections : « Pensez à voter, incitez à voter, il faut une forte participation pour montrer l’importance de l’agriculture dans la vie économique du pays ».
* Il devrait l’être la semaine prochaine selon une annonce de la ministre de l’Agriculture le 21 janvier.