Un barrage « pour les autres »
Issu d'une mémoire conflictuelle, le réservoir de Naussac est le plus important de Lozère et sert en aval pour l'irrigation et les centrales nucléaires. Mais, sur le territoire, quarante ans après sa construction, les retombées restent mesurées.
C'est une histoire ancienne que celle du barrage de Naussac. Née en 1970 à l'époque des grands Plans sous l'ère Pompidou, le projet de réservoir de Naussac est prévu pour contenir 190 millions de mètres cubessur mille hectares d'un vallon fertile à l'ouest de Langogne. Sa vocation, dit-on alors, est de « réguler le débit de la Loire », fleuve réputé capricieux. Elle sera en fait plus industrielle : alimenter en eau les irriguant de la Limagne en Auvergne, diluer les pollutions urbaines de Clermont-Ferrand et garantir le fonctionnement de quatre centrales nucléaires en construction sur la Loire.
Un projet contesté et imposé
Mais pour y parvenir, une cinquantaine d'agriculteurs doivent abandonner les terres réputées les plus fertiles de Lozère. Parmi eux, Michel Assénat, éleveur au Mas d'Armand, au bord du lac où il vit toujours sa retraite.
Dans les années soixante-dix, il a fait partie de ceux qui se sont élevés contre « cette aberration de construire un barrage surdimensionné là où il n'y avait pas d'eau ». La lutte agrège à la fois des agriculteurs, des riverains et des élus, avec plusieurs mairies qui basculent contre le projet aux élections municipales de 1977. Mais contrairement au Larzac, la greffe avec les militants écologistes extérieurs au territoire a du mal à prendre face à un maître d'ouvrage, la Somival, qui promet aux habitants des investissements pour le territoire. Des manifestations rassemblant jusqu'à 7 000 personnes et même des tentatives isolées de sabotage n'empêcheront pas l'achèvement du chantier en 1980. Trois années suffisent à recouvrir l'ancien village de Naussac et ses hameaux sous les eaux.
Un parcours historique pour mémoire
Il a fallu du temps pour que la mémoire de Naussac, de sa lutte et de son passé ressurgisse. « Le temps que les gens qui ont directement vécu cette histoire fassent leur deuil » selon Alain Gaillard, maire délégué de Naussac-Fontanes. Depuis longtemps, cet élu souhaitait rendre hommage à ce qu’était Naussac avant le barrage. Un projet qui a abouti cet été, avec l’inauguration d’un parcours historique dans le nouveau village Naussac, composé de cinq panneaux et d’une table d’orientation, autour des traces emblématiques du passé. Une manière de faire comprendre aux touristes de passage ou à ceux qui avaient oublié cette histoire collective « qu’au travers du temps qui passe… Le souvenir reste ».