Un accord sur le prix du lait difficilement obtenu
L'interprofession (producteurs, industriels et coopératives) laitière est arrivé à un accord, lundi 1er décembre, après 5 heures de négociations et de nombreuses interruptions de séances. Cet accord prévoit une baisse du prix du lait de 25 € pour 1000 litres pour novembre et décembre 2008. Pour le 1er trimestre 2009, il est prévu une baisse de 45 € en janvier et février et de 55 € en mars. Explications et réactions…
C’est «un accord qui ne satisfait pleinement personne, mais qui est bénéfique pour tous» dira Henri Brichard président de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (FNPL) et de l’Interprofession Laitière (CNIEL) à la sortie de la négociation du lundi 1er décembre dernier qui a accouché d’un accord, après 5 heures de discussions entrecoupées de nombreuses suspensions de séances.
Cet accord prévoit une baisse du prix du lait de 25 € pour 1000 litres pour novembre et décembre 2008. Pour le 1er trimestre 2009, il est prévu une baisse de 45 € en janvier et février et de 55 € en mars (voir encadré ci-contre). La FNPL précise que les évolutions du prix en 2009 «résultent de l’impact du marché et d’un ajustement de + 27 €». Les producteurs avaient, en effet, accepté pour le 2e trimestre 2008 que 27 € par 1 000 litres soient retirés de la recommandation nationale, qui existait encore à l’époque. Ces 27 € sont donc redonnés aux éleveurs sur les 3 premiers mois de 2009.
Finalement, même si les producteurs ne sont pas satisfaits d’une baisse du prix du lait, ils peuvent être fiers… Par leur forte mobilisation et les nombreuses actions conduites à l’encontre des entreprises dans toute la France à l’appel des FDSEA, des JA et de la FNPL, et durant plusieurs semaines, ils ont amené les entreprises à revenir à la table des négociations et à revoir fortement leurs prétentions. On se souvient des premières négociations où ils affichaient des demandes de - 40 à - 70 €/1000 litres pour fin 2008 et - 100 à - 120 €/1000 litres début 2009.
Retour en arrière
Mais «pour comprendre la situation actuelle, et savoir où on va, il convient de se rappeler d’où l’on vient» souligne Gilbert Guignand président de la FDSEA. Comme l’explique la FNPL, «l’histoire remonte à 2003, quand l’Union Européennne signe un accord faisant rentrer le lait dans l’unique doctrine de notre temps : la libéralisation». L’heure n’est donc plus à l’encadrement des marchés. «La volatilité des prix ne s’est pas faite attendre ; dès 2007, les marchés se sont tendus et sans stock l’UE a assisté impuissante à l’envolée des prix». Le beurre monte à 5000 €/t et la poudre à 4000 € contre 3000 € et 2000 € d’ordinaire. Mais quand on atteint des sommets, il faut redescendre, et plus dure est la chute (les dernières cotations sont de 2220 € pour le beurre et 1550 € pour la poudre). Gilbert Guignand précise : «Heureusement qu’il y a des produits de grande consommation qui tirent les prix vers le haut». Mais cette «compensation» est amoindrie par une baisse de la consommation qui s’explique en grande partie par la crise économique actuelle et la baisse du pouvoir d’achat des français.
Projection…
Yannick Fialip président de la section laitière de la FDSEA et de la FRSEA, dénonce : «si nous analysons les marchés laitiers, force est de constater le retournement de marché et la difficulté de valorisation de certains produits laitiers. Sur ce point, les entreprises ne peuvent se dédouaner de toutes responsabilités. Les pouvoirs publics dans leur volonté de libéraliser les marchés laitiers doivent aussi prendre leurs responsabilités pour nous aider à préparer un avenir plus régulé et créant plus de valeur ajoutée pour les producteurs».
À l’abandon des outils de gestion se sont ajoutées des hausses de quotas, + 2,5 % accordées par l’UE. L’État français en rajoute une couche avec un taux d’allocation provisoire de quotas de 20 %, une Loi de Modernisation Économique qui renforce le pouvoir de la grande distribution, et un excès de zèle de la DGCCRF qui condamne les accords interprofessionnels. Et comme si ce n’était pas suffisant, la forte hausse des charges (alimentation du bétail, fertilisation, énergie) vient gréver un peu plus la situation financière des exploitations.
Les responsables professionnels ne baissent pas les bras. Même si cet accord n’est pas totalement satisfaisant, il vaut mieux un mauvais accord que pas d’accord du tout». Optimistes néanmoins, ils se projettent sur des pistes d’avenir. Yannick Fialip lance : «Nous devons travailler une nouvelle relation interprofessionnelle avec les entreprises, nous devons regarder les marchés laitiers et certainement maîtriser les volumes pour la prochaine campagne».
Zoom sur cet accord
Il a été proposé que le prix du lait des mois de novembre et décembre 2008 diminue de 25 €/1000 litres. Concernant le prix du 1er trimestre 2009, il est proposé une baisse de 45 € pour les mois de janvier et février et de 55 € pour le mois de mars. Les évolutions du prix du 1er trimestre 2009 résultent de l’impact du marché et d’un ajustement de + 27 €.
Par ailleurs, afin de tenir compte de l’exposition des entreprises fortement orientées sur les fabrications de produits industriels, l’interprofession propose de réactiver une flexibilité de 10 tranches de -1,5 €, selon le fonctionnement de l’accord interprofessionnel du 31 janvier 2006.
Selon les statistiques de l’Office de l’Elevage, ces évolutions débouchent sur un prix de base moyen national de 316 € en novembre et 309 € en décembre 2008, 333 € en janvier, 327 en février et 301 en mars 2009. Rappelons qu’en Allemagne, les prévisions de prix sur cette même période sont de 260 à 300 € selon les régions.
Enfin, la FNPL a obtenu l’engagement du groupe Entremont de rentrer dans l’accord au plus tard au 1er janvier 2009. Elle a également obtenu l’engagement des industriels de lever les référés liés aux actions des semaines passées.
Plan de filière en 3 points
Cet accord va permettre, par ailleurs, à l’interprofession de bâtir un plan de filière articulée en 3 volets :
Mise en place à partir du 1er avril, d’un nouveau système d’indicateurs destiné à éclairer les acteurs économiques sur l’évolution des marchés et des prix ;
Création d’un observatoire des volumes apte à favoriser la meilleure adéquation entre l’offre et la demande de lait ;
Engager une réflexion pour défendre et améliorer la valorisation du lait des éleveurs français.