Un conseil d’administration extraordinaire de la FNPL s’est réuni il y a peu. Quelle position a été affichée ?
Stéphane Joandel : « L’objectif de cette réunion était de refaire le point sur ce qu’il se passe pour notre filière. Nous avons beaucoup parlé de la politique de la coopérative Sodiaal et de sa décision d’abandonner la formule de calcul pour le beurre et la poudre. Dans un contexte d’explosion des charges, la fixation d’un prix politique est difficilement compréhensible sur le terrain. Nous avons récemment rencontré le bureau de Sodiaal et une chose est sûre, leurs explications ne nous ont pas convenu. Notre position reste toujours la même : les grandes enseignes doivent jouer le jeu et faire passer des hausses de prix pour que le travail des éleveurs soit rémunéré dignement. »
Quel est le prix à atteindre ?
S.J. : « Aujourd’hui, les marchés mondiaux explosent par manque de matière. L’export se porte bien mais le marché intérieur patine en raison de la mauvaise foi de la grande distribution qui a fait du consommateur la variable d’ajustement. Le consommateur, lui, il cherche toujours le moins cher et ça peut se comprendre. Mais nous, on dit que quelques centimes d’augmentation peuvent tout changer. Le prix juste, ce serait un lait UHT à 99 centimes d’euros contre 78 centimes aujourd’hui. Pour le consommateur, cela représenterait dix euros à l’année alors que pour l’éleveur, cela reviendrait à 40 euros de hausse / 1 000 litres, c’est énorme ! Je pense sincèrement que beaucoup de consommateurs y sont prêts. »
Vous avez récemment rencontré le ministre de l’Agriculture. Vous a-t-il apporté des garanties ?
S.J. : « Marc Fesneau vient juste de prendre ses fonctions, il s’agissait plutôt d’une visite de courtoisie. Nous lui avons fait part de nos problèmes, et lui avons demandé de bien regarder la situation. À titre personnel, je souhaite qu’une commission d’enquête puisse être mise en place afin d’étudier les marges d’opérateurs comme Sodiaal. Cela demandera des parlementaires courageux, même si évidemment l’objectif est seulement de comprendre où se trouvent les blocages pour les résoudre. J’ai récemment rencontré plus de quatre-vingts éleveurs à Brioude dans l’usine de Sodiaal (lire en page 3) Je les ai sentis très pessimistes pour le quatrième trimestre, avec la crainte de voir la décapitalisation se poursuivre de manière inexorable. »
Qu’en est-il concernant le lait bio ?
S.J. : « Le bio est un marché qui s’est beaucoup développé mais de manière un peu artificielle. On a voulu l’imposer dans les états généraux de l’alimentation, sous l’impulsion de certaines ONG ou personnalités politiques, mais aussi de l’Union européenne. Mais un marché ça ne se décrète pas, ça se construit. Nous avons atteint le plafond de la consommation bio aujourd’hui, c’est certain. Aujourd’hui, le marché tient car on déclasse du bio pour du conventionnel mais cette situation est précaire. Nous considérons qu’il faut arrêter les conversions pour rééquilibrer la filière. »
Quelles sont les mobilisations prévues pour faire bouger les lignes ?
S.J. : « Mardi 9 août, nous nous sommes rendus au Leclerc de Clermont-Ferrand (lire ci-dessous) pour y rencontrer le directeur et discuter des négociations commerciales. Pour la rentrée, nous réfléchissons à plusieurs pistes mais nous ne voulons pas nous tromper de cibles sur les véritables responsables de la situation. Je souhaite en tout cas que l’on puisse organiser une grande manifestation du monde de l’élevage à l’automne. De nombreux scientifiques alertent aujourd’hui sur les erreurs stratégiques qui sont faites au sujet de l’élevage et il est crucial de les dénoncer. L’avenir de l’élevage ne peut pas être guidé par des têtes pensantes extrémistes qui le mettent en danger. Nous avons déjà fait beaucoup d’efforts sur la question des effluents ou sur la diminution de l’usage de produits pharmaceutiques. L’élevage peut encore s’améliorer mais il faut rappeler à quel point il est indispensable à l’équilibre des milieux. »