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Sébastien Vidal, président de Limagrain

Green Deal : « Sécurisons d’abord la production avant de sécuriser nos outils industriels »

© Vincent Bouchet

La coopérative Limagrain porte à sa présidence Sébastien Vidal, succédant à Pascal Viguier, en poste depuis 2018. Sébastien Vidal, 45 ans, agriculteur à St Georges-ès-Allier, cultive depuis 2002 du blé, du maïs consommation, du maïs semences, du tournesol, de la vigne et de l’ail. Également PDG de Vilmorin depuis 2019, il a enchaîné depuis quinze ans, au sein du conseil, les responsabilités chez Limagrain Céréales Ingrédients, Jacquet-Brossard et Semences Potagères.

Le 14 décembre dernier, à la suite de l’assemblée générale, le conseil d’administration de Limagrain vous a élu au poste de président. Comment s’est déroulée cette élection ?

Sébastien Vidal : Le renouvellement du président de Limagrain a lieu chaque année dans le cadre du processus démocratique qui existe au sein de toute coopérative. Nous avons débuté par les traditionnelles assemblées de section au sein desquelles nous avons constaté une présence forte de nos adhérents, supérieure à 50%, ce qui est à souligner dans le milieu coopératif. Les échanges ont été nourris mais certains n’ont peut-être pas osé s’exprimer et des non-dits se sont installés. Suite à ces assemblées de section, des délégués ont été élus puis l’assemblée générale a renouvelé le mandat de trois administrateurs sortants et élu un nouvel administrateur, une administratrice ayant décidé de ne pas se représenter. J’étais le seul candidat du conseil d’administration au poste de président.

Le départ de votre prédécesseur est-il synonyme de dissensions au sein du conseil d’administration ?

S.V : Non, on ne peut pas parler de dissensions. Simplement au sein du conseil, certains pensaient que nous n’allions pas assez loin dans nos prises de décisions, ou pas assez vite; que nous avions peut-être manqué de vision et de clarté dans notre fonctionnement. Cela fait 15 ans que je suis au tour de table de Limagrain, et on ne peut pas dire que tout ce qui s’est fait était mal. Bien au contraire ! Et à ce titre je remercie l’engagement de Pascal Viguier durant ses vingt années d’administrateur et ses trois ans de présidence. Quand on devient administrateur chez Limagrain on prend sur sa vie personnelle, on a la responsabilité de porter le mandat que nous donnent nos collègues adhérents. Chaque contribution compte et celle de Pascal Viguier a compté.

Ce changement d’équipe à la tête de Limagrain va-t-il entraîner une nouvelle vision pour le Groupe ?

S.V : Certaines propositions pourraient être faites dans l’avenir avec comme priorité de continuer à apporter de la valeur ajoutée sur les fermes de Limagne. Cela a toujours été et restera le modèle de Limagrain ; un modèle qui permet d’installer des jeunes avec des productions diversifiantes. Mais pour le pérenniser, nous devons assurer aux producteurs un accès à l’eau. C’est une question majeure ! Nous allons donc poursuivre l’action mise en place par Pascal Viguier avec notamment le Bassin Loire Bretagne et l’ensemble des usagers de la ressource, et accélérer notre accompagnement dans des projets de stockage. C’est de cette façon que nous pourrons envisager d’augmenter nos surfaces semencières et renforcer notre réseau de producteurs de semences.

Autre challenge que nous allons conduire :  celui des légumineuses pour lesquelles très peu de travaux de recherche, y compris génétique, ont été réalisés. Pourtant, si nous voulons réussir demain au niveau national l’enjeu des légumineuses, nous devons d’abord assurer la réussite au champ. Les producteurs doivent pouvoir vivre de ces productions avant même d’envisager de les vendre sur les marchés. Pour cela, nous proposons de travailler main dans la main, public et privé, sur l’amélioration génétique ; elle sera une des réponses à l’avancée des productions légumineuses en France.

En janvier 2021, la loi Egalim a enjoint les coopératives à choisir entre la vente et le conseil de produits phytosanitaires. Limagrain a fait le choix du conseil, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?

S.V : Nous avons fait ce choix pour accompagner nos adhérents dans le développement des filières. Mais on constate, suite aux échanges dans les différentes sections, que certains adhérents se demandent si réellement ce choix était le bon. Nous devons donc continuer de les écouter pour comprendre ce qui peut inquiéter, pour expliquer les raisons du choix, et surtout pour donner des perspectives sur la coopérative de demain. Pour cela nous avons prévu dès le mois de janvier, de consulter à nouveau nos adhérents, non pas pour prêcher la bonne parole, mais pour qu’ils expriment leurs visions de la coopérative, de ce qu’ils en attendent, des choix qui ont été faits. Et par ailleurs nous restons attentifs à la manière dont cela se passe dans les autres coops et nous surveillerons l’arrivée de nouveaux acteurs dédiés à la commercialisation de phytos sur notre territoire.

Comment fonctionne le conseil, qui le paie aujourd’hui ?

S.V : Les semenciers paient le conseil à travers les productions qui leurs sont rémunérées. Ce conseil est compris dans le prix de transfert qui est réalisé auprès de Limagrain Europe. Pour les autres productions, nous avons ouvert un catalogue d’offres qui vont du conseil collectif au conseil individuel avec des tarifs qui, peut-être, ne correspondent pas aux attentes initiales des agriculteurs. Mais c’est un nouveau métier et un nouveau service pour la coopérative que nous devons expliquer à nos adhérents.

Quelles productions demain en Limagne pour sécuriser les exploitations ?

S.V : Nous avons deux filières essentielles : la filière céréalière à travers la transformation chez Jacquet-Brossard pour laquelle nous avons annoncé la construction d’une ligne supplémentaire de buns. Et la filière maïs semoulier dont la rentabilité n’est pas si dégradée malgré de faibles rendements suite à deux années de sécheresse. Parallèlement, nous maintenons les surfaces de maïs semence et nous les développerons si le marché européen et l’accès à l’eau nous le permettent.  Enfin nous réfléchissons à la mise en place de nouvelles productions diversifiantes.

Comment se positionne le Groupe Limagrain en cette fin d’année ?

S.V : Nous terminons l’exercice avec un chiffre d’affaires de 1,984 Mrds € soit + 8% et avec un résultat de 91M€ vs 64M€. Toutes les branches du groupe sont sur la même dynamique. Sur les potagères professionnelles, si nous voulons rester numéro 1 mondial nous devons continuer le développement, notamment par la croissance externe. En grandes cultures, nous avons pris la décision il y a plus de 10 ans d’internationaliser cette branche. Nous sommes en train de gagner notre pari notamment en Amérique du Sud, particulièrement au Brésil. En Afrique nous sommes toujours partenaires du 1er semencier africain, Seed Co. Nous en sommes aujourd’hui le premier actionnaire. L’Asie est aussi une zone importante pour nous avec de bons résultats en Chine, grand producteur de maïs. Dans d’autres pays comme l’Inde, notre développement est moins rapide eu égard à un marché très fermé où il est compliqué d’avoir un développement commercial de grande envergure. Aux USA notre partenariat avec KWS se poursuit. Même chose en Europe où nous continuons notre développement avec le colza, le tournesol et le maïs. Enfin nous sommes présents à l’Est, en Ukraine et en Russie.

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