Repaire Mas-Ségur : une aventure viticole au service de la nature
Portrait Il y a sept ans, Mathieu et Astrid Puel ont fait le pari audacieux de créer un vignoble, le « Repaire Mas-Ségur », dans la vallée pittoresque de l’Auvézère.
Portrait Il y a sept ans, Mathieu et Astrid Puel ont fait le pari audacieux de créer un vignoble, le « Repaire Mas-Ségur », dans la vallée pittoresque de l’Auvézère.
Ce lieu enchanteur, où les collines verdoyantes rencontrent des rivières scintillantes, offre un cadre idyllique pour leur projet. En 2008, ce couple de Parisiens – lui, architecte, et elle, paysagiste – a restauré une demeure familiale à Ségur-le-Château, un magnifique village médiéval de Corrèze, surplombé par un château majestueux et bordé par les eaux cristallines de l’Auvézère. Les ruelles pavées et les maisons en pierre de ce village, classé parmi les
« Plus Beaux Villages de France», ont rapidement conquis leur cœur.
La genèse
Après des années d’allers-retours entre Paris et la Corrèze, ils décident en 2017, animés par une envie de retour à l’essentiel et à la nature, de s’installer définitivement à Ségur. Ils acquièrent 80 hectares de terres fertiles, où ils imaginent un projet ambitieux. Astrid s’investit dans un projet d’agroforesterie, intégrant des arbustes et des haies fruitières, tout en élevant 30 brebis et 10 vaches Aubrac, emblématiques de la région.
De son côté, Mathieu, passionné de vin, plante une première parcelle de vigne dénommée Aurore, qui s’étend sur 80 ares de Chenin blanc, un cépage des vins de Loire cultivé en bio et en biodynamie. C’est un travail de patience, mais chaque feuille, chaque grappe de raisin est une promesse de ce qu’il peut créer.
Nous avons pour objectif de renouveler un paysage de bocage : remettre de la vitalité dans les sols, renforcer leur fertilité et retrouver des prairies verdoyantes grâce au pâturage tournant dynamique de bovins et d’ovins. Grâce à ce processus de complexification des milieux et d’amélioration des sols, nous observons le retour d’une faune et d’une flore diversifiées. La vigne trouve sa place dans cet écrin vivant. »
L’apprentissage
Autodidacte, Mathieu lit beaucoup et prend conseil auprès d’autres vignerons, notamment François Chidaine, un expert reconnu du Chenin installé à Montlouis. Entre les deux hommes, un parrainage et un compagnonnage s’instaurent, leur donnant l’impression d’appartenir à une même famille.
La deuxième année, ils sont récompensés avec un premier millésime très prometteur : le Chenin s’épanouit à merveille sur le terroir corrézien, où le climat et le sol sont propices à la culture de la vigne depuis des siècles. Au fil des années, Mathieu continue d’étendre son domaine sur plusieurs parcelles, en cultivant toujours le Chenin, mais en introduisant également du Pineau d’Aunis et du Gamay, cépages emblématiques de la Loire. « L'identité de nos terroirs est propice à l’expression de cépages blancs et rouges aux profils aromatiques riches et subtils, alliant intensité, finesse et typicité. »Cependant, il continue parallèlement d’exercer en tant qu’architecte à Paris, ce qui lui cause une certaine frustration de devoir se partager entre ses deux métiers. Ce n’est qu’en 2022 qu’il s’installe en freelance comme architecte à Ségur, se spécialisant dans la réhabilitation de chais. En effet, c’est lui qui, au départ, a réhabilité une vieille grange sur le domaine pour la transformer en un chai moderne, avec une hygrométrie et une température maîtrisées. C’est le cœur du domaine, où Mathieu, en maître et magicien des lieux, cherche à produire le meilleur.
La vinification
Pour faire du bon vin, il faut du joli raisin ».
Ce qui rend ce métier passionnant, dit Mathieu, c’est qu’il oblige à se remettre constamment en question et à chercher à s’améliorer pour produire un vin de qualité, doté d’une belle complexité et d’arômes riches et subtils.
L’effet terroir du vin, explique Mathieu, provient aussi du chai. Avant de vinifier, il est crucial d’ensemencer les levures dans le chai. Au domaine, les vendanges ont généralement lieu en octobre et se font manuellement, dans de petits contenants pour préserver l’intégrité des raisins. Tout le processus est ensuite mené avec délicatesse pour conserver les qualités originelles du futur vin : le pressurage pour récupérer les moûts, l’écoulement des jus, puis le débourbage, qui permet d’éliminer les particules en suspension.
La fermentation alcoolique suit, sans ajout d’intrants œnologiques, et, lorsque la nature le permet, elle est suivie par la fermentation malolactique. L’ultime étape est l’élevage, que Mathieu réalise en demi-muids de chêne français et en cuves inox. Cette phase dure entre 8 et 10 mois, sans bâtonnage. Enfin, après une filtration soignée, le vin est mis en bouteille directement au domaine.
Les aléas
Cette année, un démarrage précoce de la végétation, dû à un hiver doux, a été anéanti par un gel tardif. De plus, une forte pluviosité a favorisé le développement du mildiou et entraîné un manque de maturité des raisins. Les vendanges ont été désastreuses, la pourriture et les oiseaux ayant eu le dernier mot. Mathieu souhaite trouver un moyen efficace et respectueux pour contrer ce gel, qui survient une année sur deux.
Il déplore également le coût élevé des investissements nécessaires et le mur administratif auquel il se heurte pour obtenir des aides. Cependant, ce passionné reste convaincu qu’avec patience et humilité, il parviendra à améliorer encore la qualité de son vin.
La conclusion
Architecte et vigneron, Mathieu Puel incarne des valeurs paysannes en adoptant une démarche respectueuse de la nature, empreinte de patience et de travail manuel. Son parcours témoigne d’un retour à l’essentiel, où la passion pour le sol et la vigne se conjugue avec une attention minutieuse aux détails et une sensibilité esthétique héritée de l’architecture.
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