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Réchauffement climatique : l'agriculture est attendue

Olivier Dauger, membre du CA de la FNSEA et co-rapporteur du rapport d'orientation 2020.

© Bernard Griffoul

Le rapport du GIEC, rendu public le 9 août dernier, dresse un état des lieux de la situation climatique en montrant les conséquences du réchauffement et du dérèglement pour l'Homme et la nature. La situation ne fait que s'accentuer et les derniers chiffres montrent une accélération avec des conséquences laissant craindre une situation au mieux incertaine, au pire incontrôlable !
Le GIEC tire donc une nouvelle fois la sonnette d'alarme face à des États, des décideurs et des consommateurs qui tardent à concrétiser leurs objectifs de neutralité carbone issus des accords de Paris. Au-delà du constat, le rapport trace des perspectives climatiques, donne les objectifs à atteindre pour tenter de limiter la hausse des températures, mais n'apporte pas les solutions.
Dans son résumé à l'intention des décideurs, les rapporteurs présentent les actions potentielles et leur intérêt pour répondre aux enjeux du climat : l'atténuation des émissions, l'adaptation au changement climatique, la désertification, la dégradation des terres, la sécurité alimentaire.

Des leviers à actionner
Nous devons nous interroger sur les options qui permettent de répondre au mieux à ces enjeux.
En premier lieu, la hausse de la productivité agricole, quel que soit le système de production, conventionnel ou biologique, est à rechercher. Il n'y a pas de système parfait et tous disposent de marges de progrès pour répondre aux enjeux du climat. Les besoins en production ne diminueront pas demain, bien au contraire, qu'il s'agisse de nourrir une population mondiale en croissance ou de remplacer les énergies fossiles. Le GIEC incite donc à optimiser chaque système agricole en intégrant la biodiversité et la gestion du carbone : en clair, moins émettre et mieux capter.
Le deuxième levier est le développement de l'agroforesterie. La biodiversité et la production agricole ne sont pas antinomiques. Les externalités positives des arbres et des haies, aussi bien pour la production que pour l'environnement, sont une réalité que ce soit pour les sols, l'eau, l'air, l'économie circulaire...
Le troisième levier est l'augmentation de la teneur en carbone des sols. L'agriculture permet de capter des GES dans les sols. Pour cela il est nécessaire d'augmenter la teneur en carbone organique en produisant plus de biomasse avec des systèmes agricoles limitant les sols nus.
Le quatrième levier reste la limitation du gaspillage alimentaire de la production à la consommation. Près de 25 % de la production est gaspillée, ce qui représente près de 10 % des émissions de GES dans le monde !
D'autres pistes sont encore à explorer. Pêle-mêle : l'amélioration de la gestion des productions agricoles, la réduction de la conversion des pairies en culture, l'amélioration de la gestion des terres pâturées, la gestion de l'eau, des forêts, le renforcement de la diversification agricole, la réduction du tassement des sols, de la salinisation et de l'érosion, la modification des habitudes alimentaires, une meilleure gestion de l'étalement urbain, l'amélioration des instruments du partage du risque...

L'agriculture victime, cause et solution
La France, dont l'agriculture est reconnue dans le monde entier pour la diversité de ses productions et la qualité de ses produits, a su, par choix politique, conserver une agriculture diversifiée et à taille humaine. C'est un atout qui doit être préservé et mis en perspective.
Si l'Europe et la France se doivent d'être vertueuses et ambitieuses, nous ne devons pas oublier que nous sommes peu émetteurs de GES (11 % des émissions mondiales pour l'Europe et 1 % pour la France). Mais notre ambition ne doit pas entraîner des distorsions de concurrence et au final une dépendance accrue aux importations.
L'agriculture est la cause de 23 % des émissions dans le monde, mais seulement 11 % en Europe et 17 % en France (chiffre plus élevé car la production d'électricité est neutre en carbone du fait du nucléaire).
L'agriculture mondiale participe aussi au réchauffement par le biais du méthane (44 %), du protoxyde d'azote (82 %) qui ont pour particularité d'être moins durables dans l'atmosphère mais d'avoir un pouvoir de réchauffement beaucoup plus élevé, respectivement 5 et 80 fois, que le gaz carbonique.
Il faut avoir conscience que la neutralité carbone est impossible à atteindre pour l'agriculture car les émissions sont largement dues à un processus biologique naturel et inéluctable.
Quant aux conséquences du réchauffement pour l'agriculture, elles sont nombreuses : augmentation de la pression des ravageurs et des maladies, de l'érosion, de la dégradation des sols, avec, pour corollaire, un impact sur l'eau, les rendements, l'élevage pour la production alimentaire, le bien-être des animaux, sans omettre les déplacements des zones de production...
L'agriculture est à la fois victime, cause et solution. Victime : cette année 2021 en est une démonstration parfaite. Cause : comme toute activité humaine, elle émet des GES. Solution : car l'agriculture peut répondre à deux défis, produire du carbone renouvelable pour remplacer les énergies fossiles et capter plus de carbone dans les sols.

Des transitions agricoles à accompagner
L'agriculture française, toutes filières confondues, a déjà engagé les transitions nécessaires avec un certain nombre de travaux, de la recherche à l'accompagnement des agriculteurs.
D'autant que nous ne partons pas de rien. Les émissions de la ferme France ont baissé de 8 % entre 1990 et 2018 alors que, en parallèle, la production a augmenté : les émissions à l'unité produite ont donc été fortement réduites.
Un certain nombre de pistes sont déjà étudiées et développées, permettant moins d'émission à l'unité produite, comme le souhaite le GIEC : efficience de l'azote, mise en place de légumineuses, modification des rations, couverture des fosses à lisier, efficacité énergétique améliorée, poursuite de la recherche génétique sur les semences, développement de l'agroécologie, travaux sur la biodiversité...
Faute de solution parfaite, nous devons travailler sur des solutions multiples.
Les transitions se doivent aussi d'être territoriales. À chaque territoire, chaque climat, chaque type de sol, les solutions seront différentes.
Au niveau de l'exploitation agricole, la transition doit être approchée de manière globale, car tout changement emporte des conséquences sur le reste de l'exploitation comme sur son environnement. En ayant toujours à l'esprit la dimension économique, qui intègre la nécessité de répondre aux marchés et de rémunérer les producteurs.
L'agroécologie permet de répondre aux trois défis, économique, écologique et social, en partant du principe que c'est la diversité des systèmes qui fait la richesse et la force de l'agriculture. Nous travaillons sur des systèmes qui développent la biodiversité ordinaire, celle qui existe en présence de l'activité humaine.
Après plusieurs décennies de solutions chimiques, l'agriculture a entamé un virage en remettant le sol au centre des systèmes de production. Une vie du sol dynamique, par l'augmentation de la production de biomasse et de matière agricole, entraîne un certain nombre d'externalités positives, et notamment le captation de carbone, la limitation de l'érosion et de la battance, une meilleure efficience des engrais, une moindre dépendance aux produits phytosanitaires...
Forte de ce constat, l'agriculture développe les solutions pour permettre de capter plus de carbone par la couverture des sols, la simplification du travail du sol, le renforcement des ressources en engrais organiques, le renforcement de la biodiversité par l'allongement des assolements et le développement d'éléments paysagers, l'intensification modérée des prairies, l'allongement de la durée des prairies temporaires, l'enherbement des inter-rangs dans les vignes et les vergers...
Parallèlement, l'agriculture produit déjà 20 % des énergies renouvelables en France principalement grâce aux biocarburants, à la méthanisation et au photovoltaïque. Mais notre ambition demeure de développer une filière agricole qui privilégie la production alimentaire. Le développement du photovoltaïque sur les toits et l'agrivoltaïsme, qui combine production alimentaire et énergétique, permettent d'y parvenir. De même, la méthanisation privilégie les effluents, les résidus de cultures, les cultures intermédiaires et des biodéchets pour préserver la production alimentaire. La même ambition doit s'appliquer aux biomatériaux et à la chimie verte.

Des transitions agricoles à financer
Nous partageons le constat du GIEC : il est urgent d'agir. Et l'agriculture française se veut proactive !
Nous sommes convaincus que le développement d'une agriculture de production peut se poursuivre avec un impact très limité sur le climat. Mais cela exige un contexte favorable.
Il n'y a pas de transition sans investissement et sans accompagnement.
L'agriculteur doit avant tout pouvoir vivre du prix de ses productions. Ensuite, il faut accompagner l'agriculture en rémunérant les services rendus, notamment les prestations pour services environnementaux en faveur de la biodiversité et le stockage du carbone.
Il n'y a pas de production, et encore moins de souveraineté alimentaire, sans eau. L'eau sera plus difficile à gérer demain, nous en sommes conscients. Il nous faut donc moins irriguer a l'unité produite, en travaillant sur des plantes et des variétés moins consommatrices, comme sur des systèmes d'irrigation plus précis. Il nous faut aussi réutiliser l'eau issue de l'assainissement, améliorer le stockage de l'eau pour que les inondations, de plus en plus fréquentes, ne soient pas synonymes que de destructions de cultures et de prairies mais contribuent aussi à la pérennisation des productions. C'est tout l'enjeu des travaux engagés dans le Varenne agricole de l'eau et de la lutte contre le changement climatique.
Enfin, la France et l'Europe peuvent aussi contribuer à ces objectifs au-delà de leurs frontières. Et il s'agit là d'un levier simple et essentiel à l'accompagnement des transitions françaises et européennes, telles qu'exprimées dans le projet « Objectif 55 » pour réduire de 55 % les émissions de GES d'ici 2030. Il suffit de stopper l'importation de productions qui ne respectent pas les objectifs de production bas carbone. La France doit en faire une priorité de sa présidence de l'Union au premier semestre 2022.

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