Editorial
Qu'en pensez-vous vraiment ?
De tout temps, nos contemporains non agricoles ont voulu se démarquer du monde paysan. Il était jugé ringard et trop rattaché à la terre ainsi qu'aux traditions. Cela le rendait, à leurs yeux, d'un autre temps et peu fréquentable.
Quolibets et moqueries en tous genres (ploucs, bouseux, culs terreux, etc.) ont toujours été le lot quotidien de notre profession. Cela fut validé et institutionnalisé au cours des siècles par les nomenclatures de responsables, du seigneur féodal du Moyen-âge aux notables du clergé et de la noblesse, des royautés, de l'Empire ou de la République, jusqu'aux intellectuels des assemblées parlementaires qui officient de nos jours avec, encore, cette analyse pittoresque comme arrière-pensée.
Le prolétariat de nos sociétés, en s'industrialisant et en créant des services divers, a également été une caisse de résonance pour ce courant de pensées y compris sous le siècle des Lumières. Le bon peuple chassé des campagnes avait besoin d'un exutoire ; les armées étaient gourmandes de chair à canons peu lettrée et maintenue dans l'ignorance.
De nos jours, les populations sont bercées par l'érudition de nombreuses chaînes de télévision dont les programmes culturels ont apporté à la civilisation ce que le ver a apporté aux fruits. Ces populations tendent à démontrer, paraît-il, que l'aveuglement n'est pas un vice rédhibitoire chez l'Homme.
Alors, aujourd'hui, quel rôle autre que nourricier peut apporter l'agriculture à nos sociétés dites modernes ? Outre le fait de fournir à la race humaine ses 3 000 calories moyennes qu'il lui faut pour vivre dignement (avec près de 15 % de jeunes obèses et 30 % de volumes agricoles abîmés ou gaspillés car inconsommables pour de multiples raisons) ! Il est malheureusement notoire que ces 3 000 calories ne sont qu'une moyenne. Pourtant, selon l'Inra, la planète, actuellement, est en mesure de les fournir à l'ensemble de la population mondiale.
Nous en avons souvent parlé, mais les remèdes préconisés pour tenter de résoudre ces problèmes risquent fondamentalement de bouleverser nos vies.
Une chose est sûre : les agricultrices et les agriculteurs sont et seront au centre du tourbillon, économiquement et moralement.
Aujourd'hui, les accusations d'une population bien pensante portent sur la qualité de nos productions, nos méthodes de travail, nos soutiens financiers. Elles sont toujours aussi perfides et ingrates qu'au cours des siècles passés.
Mais, par-delà les clichés et les défouloirs, la vie continue. Sachons donc prendre les bonnes voies et, pour une fois dans l'histoire, sachons écouter le monde paysan !
Alors, pour cela, même si vous ne partagez pas mon opinion, réagissez à mes propos et surtout engagez-vous en tant qu'agricultrices et agriculteurs dans tous les lieux décisionnels de la société.
Merci de vos remarques quelles qu'elles soient.
Très amicalement,
Jean-Philippe Viollet