Quel plan B pour Bourdon ?
L’annonce de la fermeture du site de Bourdon le 17 avril dernier a plombé le moral des betteraviers auvergnats réunis, mercredi dernier, en assemblée générale. Si la reprise de la sucrerie en locale est envisagée, le projet est loin d’être abouti.
Ambiance lourde, mercredi dernier lors de l’assemblée générale de la section Bourdon de Cristal Union. Durant quatre heures, le staff au grand complet de Cristal Union, son président en tête, Olivier de Bohan a tenté d’expliquer ce qui a conduit à « prendre cette décision douloureuse de fermetures de sites ». Une perte de 99 millions d’euros sur le dernier exercice à l’échelle du groupe…Un retournement de situation sur le marché du sucre avec une hausse de production record en Asie, en Inde et en Thaïlande, que les acteurs de Cristal n’avaient, à priori, pas anticipé. Bref une conjonction de facteurs qui ébranle y compris les valeurs coopératives.
« Nous avons un devoir de territoire en tant que coopératives, sauf que la réalité économique est dure et violente. Le péril aurait été de mettre en danger l’ensemble du groupe », a expliqué Olivier de Bohan. Pour maintenir le navire à flot, le groupe a donc choisi de se séparer entre autres de l’un de ses plus petits équipages : Bourdon. Sans ambages, arguant que son rôle était de porter un discours de vérité, le directeur général du groupe, Alain Commissaire n’a pas fait dans la délicatesse : « Nous avons toujours été solidaires. Les efforts nous les avons faits. Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de ramener Bourdon dans un situation viable au sein de Cristal¹ ».
Au banc des accusés
Une analyse qui sonne comme un couperet, étayée par des arguments de poids : sur la dernière campagne, le tonnage de l’usine a chuté de 20 % entraînant un recul de la production de sucre de 27 %. Pour autant, le discours reste difficilement entendable du point de vue des 400 planteurs qui ont le sentiment d’être jetés par-dessus bord sans ménagement. « Vous nous avez convaincus que si la sucrerie est dans cet état, c’est de notre faute à nous planteurs. Mais au moment où nous avons rejoint Cristal, vous nous avons dit faites de la betterave, on sait faire du sucre. C’est vous qui avez géré les affaires. Chacun a sa place, chacun a sa responsabilité. Nous sommes tous des investisseurs, nous avons tous de l’argent dans votre groupe », a estimé un agriculteur.
« Mais de quel état parle-t-on vraiment ? », a rebondi Régis Chocheprat, président du syndicat betteravier. Et d’estimer que pour avancer sur un projet de reprise, « il nous faut les données précises rapidement. J’entends bien les règles de confidentialité, mais nous sommes dans un cas spécifique ». Le président de Cristal Union s’est engagé à fournir les chiffres de Bourdon au conseil de section sous quinze jours. Pour Gilles Berthonnèche, président du conseil de section de Bourdon, « le business plan lié à une éventuelle reprise de l’outil par les planteurs, va de pair avec des hectares et des prix de betteraves ».
Une enquête auprès des planteurs
Dans ce cadre, une enquête vient d’être lancée auprès des planteurs pour estimer leur niveau d’engagement à 20, 22, 24 ou 26 euros la tonne, « sachant qu’un projet en-dessous de 4 200 hectares ne sera pas viable ». Parallèlement, « il va falloir avancer sur d’autres fronts, celui de la commercialisation notamment ».
Considérant que les planteurs ne pourront commercialiser seuls, Alain Commissaire a affirmé « nous vous accueillerons au sein de Cristal Co ». S’il est encore prématuré d’évaluer la viabilité du projet de reprise en local, y compris avec de possibles soutiens des collectivités, Région et départements en tête, autour d’une marque régionale, force est de constater, que la confiance des planteurs est mise à mal. Pour Pierre Desgoutte, président de Val Limagne Coop, « les propos des dirigeants de Cristal Union ont fini de plomber le projet. On voudrait pourtant continuer à faire la betterave dans l’Allier et le Puy-de-Dôme ». Seule certitude partagée unanimement, la sucrerie ne pourra continuer sans prix décents payés aux producteurs. « Si vous me trouvez autre chose pour gagner ma vie, je suivrais », a lancé un planteur, ouvrant ainsi le débat d’un plan B sans betteraves. Aussi douloureux que cela puisse paraître, fort de l’implantation historique de cette culture en Limagne, dont la valorisation, jusqu’il y a peu, ne faisait aucun doute, des voix parient sur un avenir, disons alternatif. Sur le terrain, certains parlent de luzerne déshydratée… « Le projet ce n’est pas de sponsoriser Bourdon pour l’aider à passer un cap. Nous sommes prêts à réfléchir à des alternatives, à mettre des moyens pour coconstruire un projet », a indiqué Olivier De Bohan. Le flou reste pour le moment de mise. Le retour des enquêtes producteurs attendu pour le 5 juin constituera le premier juge de paix de l’avenir betteravier en Limagne.
¹ Selon Alain Commissaire, l’usine de Bourdon représente entre 20 et 30% de la perte du groupe sur le dernier exercice.