Quand la ferme et le métier d'agriculteur s'ouvrent aux enfants
C’est entourrée d’enfants que Maryse Font agricultrice à Chaniat, vaque à ses occupations sur son exploitation. En plus des ateliers bovins lait et ovins du Gaec, elle a choisi de mettre en place un gîte d’enfants. Pendant 5 à 6 semaines en été, pendant les vacances scolaires, elle accueille de 4 à 7 enfants âgés de 4 à 14 ans qui vivent alors au rythme de la ferme. Cette activité est intéressante sur le plan financier, mais c’est aussi un enrichissement sur le plan humain. «Nous nous apportons mutuellement quelque chose» explique Maryse qui n’en finit jamais d’écouter, d’expliquer, d’argumenter pour des enfants qui vivent à Chaniat une expérience qu’ils n’oublieront pas.



Après un hiver rigoureux, le soleil inonde le petit hameau de Chaniat, en ce matin d’avril. A l’heure du petit déjeuner, les vaches installées sagement dans le cornadis broutent l’ensilage et se délectent du mélange de céréales apportées par leur maîtresse. Maryse avance avec sa brouette et nourrit progressivement l’ensemble du troupeau. Le travail ne l’empêche pas de parler, bien au contraire, question d’habitude…
Très vite, trois enfants viennent la rejoindre. Théo, Mathilde et Bastien ne rechignent pas à lui donner un coup de main. Quand Maryse leur propose d’aller chercher d’autres récipients pour qu’ils puissent, eux aussi, donner à manger aux vaches, les trois bambins exultent, trop contents de pouvoir participer au travail quotidien de l’agricultrice. Depuis quinze ans, Maryse Font et son mari Claude ont développé sur leur ferme d’Auzon, en Haute-Loire, une activité d’accueil d’enfants, sous la forme d’un gîte d’enfants. Ici, les enfants vivent au rythme de la ferme. Téléphone portable et jeux vidéos sont proscrits, et la télévision est évidemment à consommer avec modération.
Respect mutuel
A Chaniat, la liberté suppose le respect de certaines règles indispensables pour le bon fonctionnement de la vie en communauté.
Si Maryse avoue avoir du mal à expliquer les motivations qui l’ont conduite à s’investir dans un gîte d’enfants, il suffit de la regarder vivre pour mieux comprendre. Les gestes sont toujours argumentés, les réflexions des enfants sont écoutés avec attention, et pour que personne ne perde le fil des travaux en cours, les consignes sont répétées et personnalisées…
« Sur la ferme, nous avons toujours eu du monde ; mes parents avaient un gîte rural. J’aime bien les enfants et en les accueillant, je n’ai pas l’impression d’être plus fatiguée. Nous nous apportons mutuellement quelque chose », explique Maryse.
Mots d’enfants
L’agricultrice veut leur montrer la réalité de son métier, « le but c’est de participer, et non pas se contenter d’observer. Chaniat ce n’est pas la colonie, c’est un lieu familial qu’on s’approprie ». A l’heure où il faut rentrer les poulets, les petits suivent Vico, le chien dans son travail. Dans la bergerie, les candidats pour donner le biberon aux agneaux sont nombreux. Quand il échappe des bras d’un petit, il y a toujours un plus grand pour le ramener vers son biberon. « Le plus dur à gérer, c’est ceux qui ont leur agneau, et qui lorsqu’ils reviennent un an après demandent des nouvelles ». Maryse se souvient aussi de ce petit, qui pensait que le fait de choisir un agneau et de le baptiser, lui donnait le droit de le ramener chez lui. On imagine assez facilement, la tête des parents face à cette perspective !
Et puis il y a eu Baptiste, qui a séjourné à Chaniat, dès l’âge de 4 ans jusqu’à ses 16 ans, et qui chaque année avouait à Maryse qu’il économisait pour racheter sa ferme.
Ces petites réflexions d’enfants, Maryse les collectionne comme autant de trésors récoltés au fil des séjours estivaux. Les enfants passent entre 8 et 15 jours sur l’exploitation, pas plus, « pour ne pas trop souffrir de l’absence de papa et maman ». La vie au grand air n’empêche pas, en effet, de ressentir parfois des petits coups de blues. Mais à la ferme, il y a toujours un chat à qui raconter ses malheurs, où un agneau sur lequel s’attendrir. Le soir, lorsque le marchand de sable tarde à passer, Maryse, est encore là pour réconforter.
Quand le noyau familial s’élargit
« J’ai trois enfants, alors je comprends »… N’empêche que le gîte d’enfants implique un investissement à toute heure du jour et de la nuit. Cette contrainte, Maryse Font l’assume, et sa famille aussi.
« Si la famille n’est pas d’accord, ce n’est même pas la peine de songer à développer ce type d’activité », explique t-elle.
L’accueil d’enfants, en moyenne 5 à 6 semaines durant l’été, bouscule en effet, la vie du noyau familial. A chaque repas, le nombre de couverts est multiplié par deux ou trois… La vie du groupe rythme le quotidien de chacun. Il faut composer avec les états d’âmes des uns et des autres. Mais au final, « le partage a du bon », explique Maryse.
A la fin de l’été, l’agricultrice n’a plus de voix, et la cellule familiale se retrouve, en s’offrant une semaine de vacances… bien méritée.
L’équivalent de 5 mois de salaire
Le gîte d’enfants comprend un aspect financier non négligeable. « Les cinq à six semaines d’accueil l’été, me permettent de dégager cinq mois de salaires (au niveau du SMIC), explique Maryse Font. L’activité commence à être rémunératrice, à partir de l’accueil de quatre enfants, sachant que sa capacité est limitée à 7 enfants, âgés entre 4 et 14 ans. Les réservations se font par Internet, par téléphone, mais la plupart du temps par le bouche à oreille. Le marché sur ce type de prestations est énorme, au niveau national, « mais nous n’osons pas développer la demande, car en face, il n’y a pas assez d’offres », confie Maryse Font. « Les gens ont peur des responsabilités avec les enfants, moi j’ai la chance de ne pas avoir un tempérament trop inquiet, ça aide ! ». Côté gestion du quotidien, Maryse avoue ne pas être une maniaque du ménage et compter sur l’aide de sa mère, Eliane, pour la préparation des repas.
Un gîte d'enfants, c'est quoi ?
Le gîte d’enfant de la famille Font est labélisé par le réseau Gîte de France, qui définit avec précision les caractéristiques de ce type d’hébergement. Ainsi l’aménagement des gîtes d’enfants est destiné à recréer une ambiance familiale pendant leurs vacances, complétée par une vie saine au grand air.
Les gîtes d’enfants bénéficient du label de qualité Gîtes de France qui implique l’adhésion à une charte nationale.
A partir de 6 enfants, la famille d’accueil est secondée par un ou plusieurs animateurs selon la capacité. Les gîtes d’enfants sont à ce titre agréés, soit par la DDASS (Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Sociale) ou soit par la DDJS (Direction Départementale Jeunesse et Sports).
Si plus de 11 enfants sont accueillis, c’est la réglementation des centres de vacances qui s’applique. Pour les activités nécessitant des connaissances particulières, des moniteurs spécialisés se chargent de l’encadrement.
Le réseau Gîtes de France compte 13 gîtes d’enfants dans les trois départements du Limousin, Creuse, Corrèze et Haute-Vienne et 7 en Auvergne, dans les départements de l’Allier et de la Haute-Loire.
Le réseau Bienvenue à la Ferme compte lui aussi des gîtes d’enfants sur l’ensemble du territoire national. Certains gîtes sont par ailleurs labélisés par les deux réseaux « Gîte de France » et « Bienvenue à la ferme ».