Commerce
P’tit camion de l’Estive : l’épicerie qui roule pour ses clients
Dans un camion de tournée ou derrière le comptoir de leur épicerie, Aurélie et Philippe Gaboriaud vont bien au-delà d’une simple relation commerciale : ils cultivent l’art de se rendre utile.
Dans un camion de tournée ou derrière le comptoir de leur épicerie, Aurélie et Philippe Gaboriaud vont bien au-delà d’une simple relation commerciale : ils cultivent l’art de se rendre utile.
Quitter les Charentes pour s’installer dans le Cantal, ce n’est pas un hasard mais un choix mûrement réfléchi pour Aurélie et Philippe Gaboriaud. Depuis mai 2022, ils tiennent l’épicerie L’Estive à Trizac, une aventure qui mêle goût du commerce et engagement rural.
Valises posées à Trizac
Une grande ville était inenvisageable. Avant de poser leurs valises à Trizac, le couple vivait déjà à la campagne. Philippe était cadre dans une industrie de taille moyenne, rachetée par un grand groupe. “Je ne me reconnaissais plus dans cette entreprise”, confie-t-il. Aurélie, elle aussi dans le même secteur d’activité, ne trouvait plus d’épanouissement dans son travail. Le déclic arrive : ils décident de reprendre “une petite affaire à deux”, sans idée précise du domaine.
“Nous n’avions pas de diplômes pour une pharmacie ou une boucherie”, sourit le couple. Mais une piste émerge naturellement. Les parents d’Aurélie ont tenu une supérette près du lac de Vassivière, et le goût du commerce semble familial. “On aime la popote et le contact”, confirme Philippe. L’idée d’une épicerie prend alors tout son sens.
P'tit camion, moteur de lien social
Un jour, un reportage télévisé évoque un commerce à reprendre à Salers. La région leur est inconnue, mais le charme opère et l’appel de la montagne est fort. Cette première tentative n’aboutit pas, mais en découvrant que, non loin, à Trizac, une épicerie cherche repreneur, ils se lancent. Ce qui les séduit ? Une vraie dynamique locale : un tissu commercial vivant, rare en zone rurale.
Ce qui nous a rassurés, c’est que dans ce village de moins de 500 habitants, il y a déjà une boucherie, une boulangerie, une pharmacie, des restaurants…” Aurélie et Philippe Gaboriaud, patrons de l'épicerie l'Estive à Trizac
La clientèle de L’Estive est multiple : il y a les habitants du village, sur qui on peut compter toute l’année ; les “saisonniers” qui reviennent de Pâques à la Toussaint ; et les touristes de passage en juillet et août. “Là, en plein hiver, on entre dans la période creuse”, reconnaît Philippe. Mais la tournée en camion assure une régularité bienvenue. Déjà en place, c’est un élément qui a beaucoup pesé dans leur décision au moment de reprendre ce commerce. Pour Philippe, rester enfermé toute la journée derrière un comptoir était impensable. “Aller au-devant des gens, c’est plus qu’une livraison, c’est un service à domicile”, explique-t-il.
Des tournées plurielles, quotidiennes
Ainsi, chaque jour, l’épicier sillonne les routes du nord-Cantal avec son petit camion blanc. Le mardi, il descend vers Sourniac et remonte par Anglards-de-Salers. Le mercredi, il passe par Chastel-Marlhac du Monteil, Auzers et Saint-Vincent-de-Salers. Le jeudi, direction Sauvat, Menet et Valette, et le vendredi, il dessert les environs de Trizac et Meallet.
Le principe est simple : le “P’tit camion de l’Estive” répond aux demandes, qu’il s’agisse d’une commande régulière ou d’un dépannage ponctuel. “Souvent, les gens n’osent pas appeler pour une petite commande. Mais il n’y a pas de souci, c’est mon job !”, affirme Philippe Gaboriaud. Ce service va bien parfois au-delà de la simple livraison. “Je vais régulièrement porter les sacs jusqu’à la cuisine ; en cas d’incapacité, il m’est arrivé de les ranger dans le frigo ; et une fois, on m’a même demandé de changer une ampoule dans la maison !”, raconte-t-il en riant, heureux de s’être rendu utile.
Cette proximité fonctionne dans les deux sens : en cas de pépin sur la route, il sait qu’un tracteur n’est jamais loin pour le sortir d’un mauvais pas. Pour se faire connaître, les Gaboriaud ont pu compter sur le soutien des élus locaux. Parmi eux, Gérard Chancel, maire de Saint-Vincent-de-Salers, a activement relayé l’arrivée de ce nouveau service. Déçu par la qualité de distribution de ses flyers par la Poste, Philippe et Aurélie ont vu la mairie prendre le relais. Dans les boîtes aux lettres et par courriel, le maire a joint un mot d’encouragement et un questionnaire pour mesurer l’intérêt des habitants.
C’est avec un plaisir tout particulier que j’ai fait la connaissance de ce couple qui projette d’organiser une tournée sur le territoire communal” extrait du courrier de Gérard Chancel, maire de Saint-Vincent-de-Salers à ses administrés.
Le bouche à oreille fait le reste. Aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire, une centaine de foyers fait régulièrement appel à Philippe. Les personnes âgées sont évidemment majoritaires à profiter de ce service. “Malheureusement, la nature nous enlève certains clients. Il faut donc penser à renouveler et développer la clientèle.” Les agriculteurs, par exemple, apprécient de ne pas avoir à quitter leur exploitation. Des familles choisissent ce mode de consommation par solidarité, pour soutenir l’économie locale plutôt que de se tourner vers la grande distribution. D’autant que, en plus d’avoir créé leurs propres emplois, Aurélie et Philippe ont embauché une salariée à temps plein et que le couple attache une grande importance aux circuits courts.
Emplois et circuits courts
Dans les rayons de l’épicerie comme dans ceux du camion, on retrouve des produits locaux : les salers et cantal fermiers du Gaec de la Sagne, les fromages de chèvre de Chaussenac et de Moussages, les yaourts artisanaux de Chastel-Marlhac... Et pour les tournées, s’y ajoute aussi la viande réputée de la boucherie Bornes.
En magasin, avant de passer en caisse, une cliente salue la qualité des fruits et légumes sélectionnés en fonction des saisons. Ça, c’est plutôt l’affaire d’Aurélie qui, accompagnée de son employée - elle aussi prénommée Aurélie - soigne la présentation des rayons “pour rendre l’espace vivant”et adapte la décoration, selon les périodes du calendrier. Bilan de cette aventure entamée il y a bientôt trois ans ? Une réussite qui témoigne de leur intégration dans une ruralité plus accueillante qu’on ne le pense parfois, jusqu’à une forme de convivialité aussi, présente au quotidien : “Ici, on s’appelle par nos prénoms”, concluent Philippe et Aurélie, heureux du chemin de l’Estive parcouru.
Pour demander un arrêt sur la tournée du “P’tit camion de l’Estive” ou commander un produit spécifique référencé en magasin, contacter le 09 61 52 70 71. Le magasin “L’Estive” de Trizac est quant à lui ouvert du mardi au samedi, de 8 h 30 à 12 h 30 et de 15 heures à 19 heures, ainsi que les dimanches matins, de 9 heures à 12 h 30. Il est ouvert toute la semaine durant l’été.