Comprendre. Prévention et lutte contre les diarrhées néonatales
Plan diarrhées néonatales creusois : les apports des analyses de fèces
Depuis la campagne 2003/2004, le GDSCC, en partenariat avec les vétérinaires, propose un plan collectif de lutte et de prévention des diarrhées néonatales à destination de l’ensemble des élevages creusois.
D’une part, en raison de différentes évolutions observées en élevage bovin et d’autre part, du fait de la persistance de la problématique « diarrhées néonatales », le GDSCC et le GTV23 ont mis en place pour la campagne 2003/2004 un plan de prévention et de lutte contre les diarrhées néonatales. Les outils de diagnostic utilisés concernent trois domaines : l’analyse de fèces, contrôle du transfert immunitaire et l’estimation du statut en oligo-éléments de son cheptel. La prise en charge par le GDSCC est de 50 % des frais d’analyses lorsque les recherches portent sur les trois éléments du plan de recherche.
Plus de 1 000 prélèvements analysés
Depuis 2003, sur 6 campagnes, 1 047 prélèvements ont été réalisés dans 811 élevages et analysés au LDA d’Ajain. La grande majorité concerne des veaux de 0 à 15 jours. En moyenne, chaque année, 135 élevages ont fait appel à ces recherches pour 175 prélèvements. Le plus grand nombre (171 élevages et 242 prélèvements) a été atteint en 2004/2005, sans doute en rapport avec la communication réalisée dans le cadre du lancement du plan « diarrhées néonatales ». Globalement, sur les 6 campagnes, la proportion d’élevages dans lesquels il y a eu plusieurs prélèvements est de 22 % ; là encore, le pic a été atteint en 2004/2005 avec 30 %. Les agents recherchés sont les rotavirus, coronavirus, cryptosporidies et, pour les colibacilles, les facteurs d’attachement F5, CS31A, F17 et F41.
Une prédominance des cryptosporidies
Pour près de la moitié des prélèvements (46 %) un seul germe est mis en évidence. 36 % des analyses mettent en évidence plus d’un agent. La répartition des agents sur l’ensemble des campagnes est marquée par la prédominance des cryptosporidies. Parmi les facteurs d’attachement, le CS31A est largement plus fréquent que les autres et ceci au cours de toutes les campagnes. Le rotavirus est également toujours plus fréquent que le coronavirus. Ces tendances sont constantes. Au fil des campagnes, la proportion de cryptosporidies se maintient, la proportion de virus augmente sur les deux dernières campagnes, tandis que le taux de facteurs d’attachement diminue. Par contre, la répartition entre les différents agents mis en évidence reste relativement stable au cours des différents mois. Cette prédominance des cryptosporidies indique la forte présence de facteurs de risques en matière de dynamique de contamination qui devront être recherchés de manière spécifique lors de la visite d’élevage.
Plusieurs prélèvements nécessaires par élevage
Parmi les 720 élevages ayant fait l’objet d’une recherche complète, avec 1 ou plusieurs prélèvements, on note environ 15 % d’élevages dans lesquels on n’a mis en évidence aucun agent. Pour les autres, il y a moitié d’élevages avec 1 seul agent mis en évidence, et moitié d’infections mixtes. Mais, quand sont établies ces proportions selon le nombre de prélèvements réalisés, elles deviennent tout à fait différentes : la proportion d’élevages dans lesquels il n’a été trouvé aucun agent passe de 18 à 6 %, et la proportion d’élevages à infections mixtes passe de 36 à 64 % selon qu’il a été réalisé un ou plusieurs prélèvements dans le même élevage. Si les cryptosporidies sont nettement prédominantes en cas d’agent unique mis en évidence, la situation est tout à fait différente dans les élevages à infections mixtes : des facteurs d’attachement étaient mis en évidence dans 87 % d’entre eux, des cryptosporidies dans 74 % et des virus dans 69 %. D’ailleurs, la situation observée en cas d’agent unique est à relativiser, puisque parmi les 302 élevages concernés, 250 n’avaient fait l’objet que d’un prélèvement. De plus, l’examen comparatif des prélèvements pour un même élevage montre que dans 2 cas sur 3, les résultats cryptosporidies-virologie sont différents et que dans 1 cas sur 3, les résultats pour les facteurs d’attachement sont différents. Ces données appuient sans ambiguïté la recommandation pratique de réaliser au moins 2, voire 3 prélèvements sur des veaux présentant des caractéristiques équivalentes (âge d’apparition, type de diarrhée…), afin d’identifier l’ensemble des agents en cause.
Des élevages « négatifs » à relativiser
Enfin, il n’a été mis en évidence aucun des agents recherchés dans 15 % des élevages considérés. Ce taux est certainement surévalué :
- Il passe à 6 % pour les élevages ayant bénéficié de plusieurs prélèvements qui ne représentent que 22 % des élevages ; il y a donc un certain nombre d’élevages qui auraient pu mettre en évidence un agent par la réalisation d’un second prélèvement ;
- L’utilisation d’antibiotiques avant le prélèvement peut intervenir sur les résultats ;
- La qualité du résultat des analyses dépend également de la qualité du prélèvement, de sa conservation et de son acheminement rapide sous couvert du froid au laboratoire. A titre indicatif, les délais d’acheminement des prélèvements pour la campagne 2008/2009 est d’au moins 48 h dans 28 % des cas, et d’au moins 36 h dans près de 10 % des cas. Il est possible que cela intervienne à ce niveau, comme sur l’ensemble des résultats d’ailleurs.
Les résultats négatifs peuvent s’expliquer également, bien entendu, par l’absence de ces agents entéropathogènes, soit qu’un autre agent, non recherché, soit en cause, soit qu’il s’agisse d’une diarrhée non infectieuse ou parasitaire.
Des analyses de fèces à soigner pour une utilisation constructive
Les résultats observés, au-delà de leur diversité à l’échelle des élevages, montrent une forte présence des cryptosporidies et des facteurs d’attachement et cela avec une certaine constance au fil du temps à l’échelle du département. Pour l’élevage, l’essentiel reste de mettre en évidence de la manière la plus exhaustive possible, l’agent ou les agents en cause. Cette synthèse met clairement en évidence l’importance de ne pas se limiter à un seul prélèvement. La recherche des agents entéropathogènes en cause dans un épisode de diarrhée néonatale fait partie de la panoplie nécessaire pour mettre en place un plan de lutte et de prévention contre cette entité pathologique majeure en élevage allaitant. Elle est dans tous les cas à intégrer à une démarche globale associant une visite de l’élevage à une exploration des facteurs infectieux, du transfert immunitaire et du statut nutritionnel du troupeau. Toutefois, elle apporte des éléments de réflexion indispensable pour intervenir ensuite de manière raisonnée et avec plus d’efficacité, en particulier dans le choix d’une éventuelle antibiothérapie et/ou dans la décision de mettre en place une prévention vaccinale. Le prélèvement, l’analyse, les décisions qui vont en découler peuvent être lourdes de conséquences, en termes d’investissement et, en cas d’échec, en termes de coût économique et de perte de crédibilité. Autant de raisons qui justifient une attention particulière à la qualité de cette étape, qui ne doit pas faire oublier l’ensemble de la démarche. Un prochain article fera le point sur les apports de la visite d’élevage.
D. Didier GUERIN
Groupement de défense sanitaire du cheptel creusois – www.gdscc.fr