Patrick Bénézit : « La coupe est pleine, les agriculteurs ne se laisseront pas berner »
Pas plus de prix, plus de charges, de la concurrence déloyale et moins de budget PAC... N'en jetez plus, la profession agricole dit halte à la surenchère.
En tant que secrétaire général adjoint de la FNSEA, vous êtes particulièrement mobilisé sur les États généraux de l'alimentation. En quoi la proposition de texte de loi qui en est issue n'est, à ce stade, pas satisfaisante ?
Pour la profession agricole c'est clairement la douche froide puisque contrairement aux engagements pris par le Gouvernement en faveur d'un renversement du rapport de force au sein des relations commerciales, au final, nous sommes face à une loi où c'est Leclerc et Lactalis qui vont dicter les prix. Sur les coûts de production, si ce sont les distributeurs et les transformateurs qui font la loi, les paysans n'auront rien à gagner. On est donc bien loin des intentions de départ, qui plus est, sur le volet sociétal de la loi, tout ce que l'on nous prévoit jusqu'ici, ce sont des charges en plus. La profession a mis une énergie immense sur ce dossier avec l'ambition légitime de stopper la politique de baisse des prix, à l'oeuvre depuis la fin de la guerre mondiale. Nous ne pouvons en aucun cas nous satisfaire d'un tel scénario, c'est pourquoi notre réseau reste fortement mobilisé.
La responsabilité du Gouvernement est-elle selon vous clairement engagée sur ce dossier ?
On demande au Gouvernement de se ressaisir de manière à ne pas décevoir l'espoir suscité par les États généraux. À ce stade, nous avons besoin de courage politique. Notre exigence c'est que cette semaine les choses se passent bien. Il est hors de question que l'on jette l'éponge, c'est pour cela que l'on a demandé à toutes les FDSEA de rencontrer leurs parlementaires. Lors de la séance plénière, la charrue doit impérativement être mise avant les boeufs. Si toutefois le texte devait rester en l'état, la FNSEA et les JA ont acté le principe de mobilisations rapides et d'envergure.
On a le sentiment que les agriculteurs sont pris dans un étau, qu'ils n'ont pas les moyens de jouer à armes égales avec leurs partenaires...
Plus globalement, on peut partager le souhait du Gouvernement en faveur d'une montée en gamme de nos produits, sauf qu'actuellement, c'est la course à l'échalote sur tous les accords de libre-échange : avec le Canada, sur le Mercosur, avec le Mexique qui vient de signer pour 20 000 tonnes de viande, avec l'Océanie où un mandat de négociation est prévu, avec l'import d'huile de palme que l'on va chercher dans le monde entier alors qu'on empêche en France tout développement des filières énergies renouvelables. À un moment donné, on ne peut pas demander aux agriculteurs de faire de mieux en mieux avec des prix qui ne collent pas et laisser rentrer de partout des produits agricoles dont les modes de production seraient interdits en France et en Europe. Nous demandons très clairement l'interdiction de tous les produits qui ne respecteraient pas les normes qu'on impose aux agriculteurs français. On est dans une situation où les producteurs sont face à une concurrence déloyale et où le consommateur est sans arrêt trompé.
Les annonces sur une potentielle diminution du budget de la PAC dans ce contexte tendu risque-t-elle de mettre le feu aux poudres ?
Il est clair que si l'on rajoute aux promesses sur les prix à l'heure actuelle non tenues, la remise en cause des 7 points de baisse de charges sociales, les propositions de baisse du budget de la PAC, la politique du ministère de l'Environnement sur les loups et les ours, la coupe pour le monde agricole commence à être sévèrement remplie. On nous explique tous les jours qu'il faut faire mieux, et à peu près tous les mois ou toutes les semaines, on nous explique que l'on va faire rentrer des produits non conformes qui vient de l'autre côté du monde. C'est intenable, un sursaut pour le secteur agricole est indispensable. Le Gouvernement doit comprendre qu'il est grand temps de changer son fusil d'épaule.