"Nous considérons qu’il y a encore beaucoup de sujets sur lesquels on attend des réponses"
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau était l'invité de la FDSEA de Haute-Loire le 21 mars. Le responsable syndical a dressé le bilan des avancées obtenues auprès du gouvernement, et du travail syndical qui reste à conduire.
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau était l'invité de la FDSEA de Haute-Loire le 21 mars. Le responsable syndical a dressé le bilan des avancées obtenues auprès du gouvernement, et du travail syndical qui reste à conduire.
Alors que la mobilisation des agriculteurs est suspendue depuis plusieurs semaines, comment évaluez-vous le niveau de tension perceptible dans nos campagnes ?
Arnaud Rousseau : On a vu un niveau de colère que nous n'avions pas vu depuis plus de 30 ans au regard à la fois de l'ampleur nationale de la mobilisation et de la présence importante de jeunes et de non-adhérents. À présent, je pense que la colère est un peu redescendue mais le niveau d'attente est toujours aussi élevé et je sens monter une forme de défiance à l'égard de la parole publique. C'est pourquoi la FNSEA a continué à mettre la pression sur le gouvernement pour obtenir des éléments concrets qui se voient à hauteur d'exploitation.
Les agriculteurs ne semblent à ce jour pas satisfaits par les réponses apportées par le gouvernement. Quelles sont les attentes de la FNSEA ?
Arnaud Rousseau : À la FNSEA, on essaye de mener un travail de lucidité, sans se faire prendre par la colère et l'émotion ; et si on y regarde de plus près, on s'aperçoit que des choses ont été obtenues : sur le GNR, l'augmentation du seuil des plus-values et du seuil du forfait, sur les dotations pour épargne de précaution. D'autres mesures ont été annoncées mais n'ont pas encore été déclinées, je pense notamment à une mesure attendue qui concerne les bovins avec la possibilité de passer une provision sur la valorisation du troupeau et qui représente un montant de 150 millions d'euros au niveau national. Toujours sur l'élevage, on note aussi des avancées sur le sujet de l'assurance et de la valorisation de la pousse de l'herbe dans les prairies.
Nous sommes en train d'obtenir des avancées concrètes en termes de prairies dans la PAC ; je pense par exemple au ratio prairie et aux prairies sensibles. Toujours autour de l'élevage, on travaille aussi sur les moyens de production, le stockage de l'eau, qui est un sujet important dans tous les départements, et sur les impasses en produits phytosanitaires. Sur tous ces sujets-là, nous attendons des avancées même si nous avons déjà obtenu quelques évolutions positives comme la diminution des délais pour les recours de tiers ou pour les demandes de projets de stockage de l'eau. Nous réclamons aussi une évolution de l'article 4 de l'arrêté 2021 qui interdit la réalisation de réserve d'eau en zone humide alors que l'on sait qu'à certains endroits cela est nécessaire.
Nous attendons aussi du concret sur la compétitivité des exploitations (aide sur le foncier non bâti, réintégration des DEP -Déduction pour Épargne de Précaution-, mesure élevage évoquée ci-dessus). Que fait-on aussi pour les trésoreries ? Comment aide-t-on les exploitations qui se trouvent dans une situation très compliquée ? On attend encore des réponses là-dessus.
Le dernier sujet, c'est la dignité du monde agricole qui concerne notamment la réforme des retraites avec une demande forte : la mise en œuvre des 25 meilleures années au 1er janvier 2026.
À l’heure actuelle, nous considérons qu'il y a encore beaucoup de sujets sur lesquels on attend des réponses. La question c'est de savoir comment et quand les mesures annoncées par le premier Ministre vont être mises en œuvre ; c'est notamment le cas du contrôle unique administratif dans les exploitations... Tant que nous n'obtiendrons pas ces informations, nous resterons mobilisés.
Je rajouterai un dossier important : le green deal européen qu'il faut modifier en raison de sa vision décroissante de l'agriculture qui ne nous convient pas. Nous considérons que produire pour assurer notre souveraineté alimentaire et pour obtenir de la biomasse et ainsi décarboner les activités, cela a du sens ! Tout ceci nécessite que l'on change de logiciel, c'est à dire que la vision de la production en France soit réaffirmée et que l'on arrête d'opposer agriculture et environnement.
Envisagez-vous de repasser à des actions de terrain ?
Arnaud Rousseau : Après les mouvements de terrain aujourd'hui suspendus, nous sommes passés à une phase de discussions assorties d'annonces qui devait être clôturée au moment du salon de l'agriculture mais qui se poursuit encore à l'heure actuelle. Viendra ensuite une troisième phase, celle des lois (PLOA, les PPL Egalim, sur les produits phytos et éventuellement l'agri-voltaïsme). Après est-ce que tous les problèmes de l'agriculture seront réglés à l'issue de toutes ces phases, bien sûr que non. Mais il nous paraît très important de changer le logiciel actuel.
Les spécificités de l'agriculture de montagne ont-elles été entendues par le gouvernement ?
Arnaud Rousseau : Elles ont été prises en compte dans le cadre des politiques publiques via un ICHN ciblé sur l'élevage. La montagne n'a pas été lésée. Mais nous continuons à travailler sur le loup. Le plan a apporté quelques menues avancées et on veut avancer sur les équipements en matériel notamment de vision nocturne sur les territoires en vue d'avoir des réponses adaptées dans les secteurs classés 0. On tient aussi à avancer sur la non protégeabilité des troupeaux bovins.
Quels messages êtes-vous venu délivrer aux agriculteurs du département ?
Arnaud Rousseau : Je suis là pour leur dire que la FNSEA c'est leur outil au service du collectif. L'agriculture française est très diversifiée mais vu que nous ne sommes plus que quelque 400 000 agriculteurs en France, on ne peut pas se permettre des dissensions. La menace actuelle c'est que demain on ait autant de revendications que de territoires, ce qui serait extrêmement dangereux ! Continuer l'action collective avec le réseau FNSEA-JA qui permet d'avoir des interlocuteurs crédibles vis-à-vis du gouvernement, c'est quelque chose qu'il faut absolument conserver. Je voudrais dire aussi qu'il y aura de l'agriculture aussi longtemps qu'il y aura des femmes et des hommes qui acceptent de s'engager pour le collectif.