"On ne peut plus accepter de voir le fruit de notre travail saccagé"
À Domeyrat et dans les communes voisines, les «sangliers» se sont installés dans les maïs, mettant à mal le moral des agriculteurs. Christian Courtet agriculteur et délégué cantonal chasse de la FDSEA a invité ses collègues agriculteurs, chasseurs, ou agriculteurs-chasseurs, pour constater une situation devenue intolérable.
Ce mardi matin Christian Courtet un des derniers, si ce n’est le dernier, agriculteurs de la commune de Domeyrat, par aileurs délégué cantonal chasse de la FDSEA, a donné rendez-vous à quelques collègues des communes voisines. L’objectif est de se rendre sur des parcelles de maïs pour me montrer des dégâts de sangliers. Arrivés sur la parcelle de 3,5 hectares, Robert Fayet ancien agriculteur de la commune de St Didier sur Doulon et chasseur et délégué communal chasse, et Daniel Roche chasseur à Frugères le Pin et Domeyrat et non agriculteur, ont tôt fait de repérer les lieux de passage de la harde, les «saignées» dans le champ, et les îlots dévastés. Sur plusieurs mètres carrés et en divers endroits dans le champ, les tiges de maïs sont cassées, enchevêtrées au sol, et les épis mangés. Des traces semblent fraîches, d’autres plus anciennes. Il semblerait qu’un groupe de 2 truies avec leurs portées (5 à 7 petits), et peut-être un gros mâle de quelque 100 kg, ait élu domicile dans ce secteur. De l’interprétation des traces, les chasseurs émettent ces hypothèses.
Christian Courtet, comme Maurice Laurent agriculteur, président de syndicat local et Maire de Frugères ou Roland Chabrier agriculteur-chasseur à La Chomette et délégué communal chasse lui aussi, est consterné par le spectacle des dégâts. «Les années se suivent et se ressemblent en matière de dégâts par les sangliers» lance-t-il. Tantôt en colère, tantôt dépité, il poursuit : «L’an dernier, j’ai été indemnisé pour 29 tonnes, et un voisin 50 tonnes. Cette année, cette parcelle est déjà détruite à 10 % et je dois attendre encore deux semaines minimum avant de pouvoir l’ensiler».
Dégâts sur maïs, prairies…
Les langues se délient, chacun y va de son histoire. Tous ont connu et connaissent aujourd’hui des passages de «sangliers» sur leurs parcelles. Sur les maïs au semis et au stade laiteux en particulier, dans les prairies, sur les blés bien que les variétés de blé barbu aient réglé le problème, dans les champs de pommes de terre… partout le sanglier s’introduit pour peu qu’il trouve à se nourrir. Et les spécialistes, comme Robert Fayet, ne s’y trompent pas. Ils connaissent toutes les habitudes de ces bêtes, et peuvent dire à 99% de chance dans quelles parcelles elles vont pénétrer. «Au bord de la rivière où ils peuvent se désaltérer, pas loin de parcelles boisées, les sangliers sont comme des rois. A coup sûr ils sont là au milieu…» maugrée-t-il en montrant le champ. Et de reconnaître, appuyé par ses collègues chasseurs, qu’il est extrêmement difficile de les déloger d’un champ de maïs.
Alors bien sûr, toute l’année et encore plus en cette période, agriculteurs et chasseurs s’affrontent pour régler les différents. Dans certaines ACCA, où il y a encore des agriculteurs-chasseurs et où chacun respecte, et le travail des uns et le loisirs des autres, la situation évolue, trop lentement peut-être pour certains, mais évolue quand même. «Il faut trouver une entente entre agriculteurs et chasseurs, pour que chacun respecte l’autre» note Daniel Roche, conscient d’une situation inacceptable.
Des solutions sont en place
Des solutions, avec chacune leurs limites, existent et sont mises en place. À Domeyrat, comme ailleurs, les chasseurs proposent de clôturer les parcelles de maïs. Cette solution peut marcher, mais les agriculteurs sont sceptiques et relèvent de nombreux bémols : c’est beaucoup de travail (parfois les chasseurs aident, et parfois non) et ça coûte cher (il est difficile de clôturer 35 ha ; c’est la surface en maïs à Domeyrat) ; souvent (et ce fut le cas sur deux parcelles que nous avons vues ce matin) la clôture électrique ne fonctionne pas pour différentes raisons : un isolateur qui a tourné, une branche sur le fil ou un poste de clôture qui a été dérobé…
Les cultures à gibier sont une autre solution. Mais encore, comme le souligne M. Fayet, faut-il qu’elle soit bien faite et éloignée des autres cultures : des rangs trop serrés, mal désherbés et les sangliers pas fous, préfèrent des cultures plus aérées avec de beaux épis…
Sur ce secteur, tout au moins sur les communes de Domeyrat, Frugères, La Chomette qui chasse avec St Privat du Dragon et Salzuit, la chasse a été anticipée au 15 août. De cette mesure prise selon les possibilités offertes par un arrêté préfectoral, afin de réguler les populations de sangliers dans des secteurs à problèmes, les agriculteurs attendent des résultats en terme de tableau de chasse. Dans un mois nous ferons un point sur le journal pour évaluer la pertinence d’une telle mesure.
Un règlement à revoir
Dans le cadre d’une discussion très ouverte entre nos agriculteurs, chasseurs, et agriculteurs-chasseurs, tous ont reconnu des aberrations en terme de réglementation de chasse. Pour exemple entre Frugères et Javaugues, alors qu’ils chassent ensemble, les chasseurs n’ont pas les mêmes obligations ou interdictions, du fait qu’ils ne dépendent pas de la même Unité de gestion. Chacune a son propre réglement. Sur le terrain, on assiste alors à des situations cocasses, voire risibles, si les conséquences n’en étaient pas aussi pénalisantes pour l’agriculture. «Les variations de dates ou d’autorisation de chasse aux gros, aux femelles gestantes ou suitées, les limites de communes… autant de restrictions qui amènent les chasseurs à ne pas tirer, puis à ne plus aller en battue…» reconnaissent Robert Fayet et Roland Chabrier.
Alors, on l’a bien compris, la situation n’est pas si simple. Et quand ils discutent entre eux et en toute bonne foi, agriculteurs et chasseurs le reconnaissent.
Néanmoins, lance Christian Courtet : «On ne peut plus accepter de voir le fruit de notre travail saccagé. Il faut trouver des solutions». Lui, avec d’autres, essaie de faire des propositions, comme d’augmenter la période de chasse (anticipation au 15 août et prolongement au 31 décembre), de permettre de récupérer les temps de chasse en cas de neige précoce, de sanctionner les ACCA qui ne jouent pas le jeu pour réguler les populations de gibier (il dit gibier parce que le sanglier n’est pas seul à faire des dégâts ; les cerfs sont aussi à l’entrée des champs…), d’aplanir un peu la réglementation afin qu’elle soit plus homogène et donc applicable…
S’il avance ces quelques pistes de réflexion, c’est avec un bonne dose d’amertume, qu’il regrette que lors de réunions de massifs, certains représentants agricoles se rangent un peu trop facilement à l’avis des chasseurs, coupant court à toutes négociations…
Pour l’heure, tous les agriculteurs présents insistent pour que «chacun fasse ses déclarations de dégâts, même dans les cas où le montant d’indemnisation est trop faible en raison de la franchise des 75 euros». Notons que les déclarations peuvent se cumuler ; il faut donc laisser son dossier ouvert». Ils sont également persuadés qu’il faut que les agriculteurs se fassent entendre au sein des ACCA.
Et Christian Courtet et ses collègues agriculteurs sont unanimes : «plutôt qu’une indemnisation dérisoire, on préfèrerait que le tonnage détruit nous soit livré dans nos silos…».
Ce mardi matin, les agriculteurs de ce secteur de la Haute-Loire, avaient parfois du mal à exprimer ce qu’ils ressentent vraiment face à ce type de dégâts. «La conjoncture actuelle très difficile dans toutes les productions agricoles, la sécheresse qui sévit sur le département, sont déjà des aléas de poids. Si on y rajoute des dégâts de gibier…
ÉDITO
Un seul remède : la chasse…
Sur fond de crise laitière, de sécheresse et de crise générale, il y a des choses qui, en temps normal, sont déjà difficiles à accepter. Alors dans un contexte délicat, elles deviennent intolérables…
Je veux parler des attaques de sangliers en cultures…
Bien entendu, avec une moisson précoce, les dégâts sur céréales (blé, triticale…) appartiennent déjà au passé.
Par contre, les parcelles de maïs, ici et là dans le département, se voient devenir le réfectoire quotidien de hardes entières de sangliers qui ont tôt fait de détruire la récolte dans sa totalité.
Pour lutter contre ces invasions, un seul remède légal, la chasse !
Un arrêté préfectoral permet de chasser le sanglier à partir du 15 août dès lors que les dégâts sont constatés, et il appartient aux présidents de chaque unité de gestion de le faire appliquer.
Un refus de chasse, par les chasseurs, si les dégâts sont constatés, est alors intolérable.
C’est pourquoi, je demande aux chasseurs de prendre leurs responsabilités et de ne pas se tromper dans leur mission !
Nous, agriculteurs, sommes des éleveurs ; les chasseurs, eux, doivent s’attacher à chasser les sangliers et non à les élever…