“Mon village” est un peu celui de chacun, empli de souvenirs d’enfance
Le nouvel ouvrage de l’auteur cantalien entre dans la catégorie des “beaux livres” : 185 pages abondamment illustrées pour se replonger dans l’ambiance des villages ruraux d’autrefois.

Jean-Baptiste a toujours refusé la mécanisation agricole. Par choix. Sur sa belle exploitation de Neuvéglise, seuls les bœufs tiraient les outils pour travailler la terre, porter le foin... Et tant qu’il était sur cette terre, il y a quatre ans encore, ils ont accompagné ce personnage. Jean-Baptiste, c’est le père de Daniel Brugès. L’auteur n’a pu qu’être marqué par l’agriculture telle qu’elle était pratiquée autrefois, mais aussi par la vie rurale en général. “Vivre la terre”, paru en 2006 (ouvrage moult fois récompensé et désormais épuisé), les évoquait déjà. Avec la complicité des éditions De Borée, Daniel Brugès offre une sorte de suite, en 185 pages richement illustrées : “Au village de mon enfance”. Comme son titre ne l’indique pas, “mon village” n’est pas que celui de l’auteur. Ni l’exclusivité de celui du lecteur. D’où que l’on soit, on peut s’y retrouver un peu... Car ce beau livre est en réalité un concentré de la vie dans “les” villages du Massif central et même bien au-delà (Bretagne, Alsace...), dans une période charnière comprise en 1920 et 1970. Pas de wifi, de tablettes numériques, de voitures électriques, de tri sélectif ou de regroupements pédagogiques intercommunaux. Mais des métiers, parfois éteints, comme le garde-champêtre, le sabotier, le vannier, l’étameur de casseroles... ou simplement ceux qui se font rares, à l’image du forgeron ou du boucher de campagne.
Les coulisses de l’écriture
“Il y a aussi les traditions que l’on retrouve dans diverses régions de France, comme la tuerie du cochon ou les fêtes de village”, explique l’auteur, qui a savamment chapitré son ouvrage, après avoir parcouru la France rurale pendant toute une année : “Là où l’on vit” ; “Tant de métiers” ; “Des travaux et des jours” ; “La famille” ; “Le temps des fêtes” ; “Croyances et superstitions”. “Le premier travail débute en 2015”, explique l’auteur. “Alors que je n’avais plus de ses nouvelles depuis une vingtaine d’années, Walter Buchberger, un ancien pasteur qui a noué de nombreuses amitiés dans le Cantal, et l’a arpenté du Cézallier à la Châtaigneraie, reprend contact avec moi. Il a pour idée de valoriser un impressionnant stock de diapositives, des milliers de clichés pris dans les années 60 à 70. Et c’est d’ailleurs ce qui fera la force de ce livre : les illustrations ne sont pas des cartes postales anciennes, bien posées, mais des photos de familles, ou prises sur le vif.” “Pour commenter ces photos, comme toujours, je me suis nourri d’anecdotes, de ces notes que je consigne dans un cahier... Je suis parti sur place, comparer l’Auvergne à d’autres régions. Tout ce qui est contenu dans ce livre est issu de rencontres sur le terrain et d’un travail de recherche dans les archives des départements cités.” Avant la première ligne écrite, Daniel Brugès a déjà en tête une trame complète : “D’abord, évoquer le village dans sa globalité et l’on voit vite qu’il n’est pas forcément toujours bâti pareil, sa mairie, son église ; ensuite, entrer dans les maisons, décrire les intérieurs, le mobilier ; enfin, auprès des gens, mieux connaître leurs activités, la paysannerie et ce qui rythme leur vie autour de fêtes religieuses ou laïques, et même des actes païens avec les guérisseurs, un peu de sorcellerie et du mauvais œil”, sourit l’auteur. De manière plus intime, sont également décrites les étapes de la vie, de la naissance à la mort, le baptême, la communion, les conscrits, le mariage... les obsèques. À chaque fois, des dictons, parfois même des chansons, ponctuent le récit dans lequel le lecteur ne cesse d’apprendre sur les us et coutumes. Qui se souvient par exemple qu’il a fallu, pratiquement partout, attendre 1940 pour que la robe de la mariée soit blanche ?
Des collections personnelles
Le sujet de la vie au village autrefois est cependant traité sans nostalgie : “Je n’hésite pas à souligner les difficultés, le labeur, l’inconfort”, confie Daniel Brugès, se souvenant que, dans sa belle-famille, on a longtemps hésité à faire entrer un lave-linge, de peur que les vêtements abîment ou s’usent prématurément. D’ailleurs, tout ce qui est machines, qu’elles soient agricoles ou ménagères, elles n’ont équipé le Cantal qu’assez tardivement. Lors de son travail d’enquête, l’auteur a pu mesurer, selon les secteurs, entre 10 et 20 ans de retard pris par le département, par rapport à l’équipement moyen français. Mais qu’importe si “Au village de mon enfance” on était plus ou moins en avance sur la mécanisation ou le confort moderne. Les sourires affichés montrent bien une certaine joie de vivre, parfois teintée de fierté, mise en lumière par le graphisme soigné des pages réalisé par Stéphanie Jardy, spécialiste des beaux livres chez De Borée. Le succès de l’ouvrage, disponible depuis fin octobre, n’y est sans doute pas étranger non plus. Quant à l’auteur, il poursuit sa route. Mais cette fois de salons en invitations, pour dédicacer cet ouvrage et les nombreux autres ayant trait à la ruralité, depuis ses carnets de voyage aux recettes locales concoctées avec la complicité de son épouse Christiane. Il sera vendredi 9 et samedi 10 au marché de Noël de Saint-Flour, dimanche 11 à la librairie les Volcans de Clermont-Ferrand, le 17 à Neuvéglise, le 20 à Vic-sur-Cère...
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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