Méfiez-vous de l’agrostis stolonifère
Semis et rénovations de prairies.
Indicateur de prairies dégradées
L’agrostis stolonifère (Agrostis stolonifera) est une graminée très commune notamment dans l’Ouest de la France. Elle est un bon indicateur de prairies en voie de dégradation. En effet, cette plante a la capacité de se développer dans des conditions extrêmes, de chaleur par exemple.
Lorsque les conditions deviennent trop difficiles pour d’autres espèces, elle s’impose par voie végétative au moyen de stolons lui permettant une vaste colonisation.
Comment la reconnaître ? Ne pas confondre avec le chiendent rampant
Tout d’abord, la plantule présente une gaine cylindrique et une préfoliaison enroulée. Le limbe est 20 à 50 fois plus long que large et on constate l’absence d’oreillettes à la base de celui-ci.
Concernant plante adulte, elle mesure entre 40 et 100 cm de haut, avec une tige robuste et dépourvue de poils. Ses feuilles, larges de 3 à 6 mm, sont planes et un peu rugueuses. La base de la gaine est rouge sombre.
Pour ce qui est de l’inflorescence, elle présente des panicules longues de 15 à 30 cm, verdâtres, violacées et pyramidales.
Finalement, ce sont surtout ses stolons munis de bourgeons, qui lui permettent de se reproduire, que l’on peut repérer dans les prairies à la saison actuelle. Attention, elle peut facilement être confondue avec le chiendent rampant et le vulpin.
Conditions de pousse : elle s’adapte aux conditions extrêmes
L’agrostis stolonifère est une espèce peu exigeante en termes de fertilité. Elle apparaît indifférente au pH et au calcaire et elle s’adapte facilement aux différentes situations. En effet, elle endurera aussi bien une saison très sèche comme c’est le cas actuellement, qu’un hiver très humide.
Son milieu de développement initial rassemble d’ailleurs des conditions plutôt humides, telles que les bords de lacs ou étangs et les clairières forestières humides.
Cependant, on l’observe de plus en plus dans les prairies pâturées où elle se développe quand les plantes de bonnes valeurs fourragères reculent.
La difficulté étant qu’elle est peu productive et de faible valeur alimentaire. De plus, son aspect « pailleux » durant l’été entraîne une diminution de son appétence pour les animaux au pâturage.
Effet allélopathique : RIEN ne pousse autour d’elle
Cette plante est d’autant plus importante à surveiller qu’elle diffuse dans le sol des substances allélopathiques, c’est-à-dire anti-germinatives qui empêchent les plantes situées à proximité de se développer.
L’agrostis peut donc être responsable d’échecs de semis et sur-semis des prairies.
Anticiper sa destruction
Il est nécessaire de la détruire plusieurs semaines avant de re-semer.
Cependant, suite à la destruction, les toxines restent dans le sol. Il est déconseillé de re-semer aussitôt et il est préférable d’attendre le printemps suivant (B. Osson – GNIS).
En l’occurrence, si les toxines sont encore présentes au semis/sur-semis, on peut le remarquer rapidement puisque le semis ne lève pas et les mauvaises herbes non plus.
D’après les essais mis en place par l’INRA, la présence de l’agrostis stolonifère serait dommageable à partir de 10 % de fréquence dans une parcelle (soit une fois sur deux, dans 10 échantillons prélevés sur 1 à 2 ha).
Pratiques entraînant son développement
Comme il a été évoqué, cette plante se développe au départ en milieu humide type bords de lacs. Elle étend désormais son biotope aux prairies où elle reflète la détérioration des surfaces. En effet, son déploiement semble favorisé par différents procédés quotidiens dont la gestion est à améliorer, à savoir :
- les alternances de sur- et sous-pâturage,
- le piétinement excessif,
- la fertilisation et le chaulage mal raisonnés,
- l’absence de déprimage,
- une flore mal adaptée aux objectifs,
- négligences : fumier mal émietté, boules de foin/enrubannage restées trop longtemps sur les parcelles,
- également par les aléas climatiques tels que les inondations exceptionnelles, les sécheresses et a contrario le froid.
Actions à mettre en place : travailler sur les causes
Pour limiter la progression de l’agrostis stolonifère, il est nécessaire de travailler sur les causes qui viennent d’être évoqués ci-dessus.
- La gestion du pâturage est le premier point sur lequel on peut agir, en adaptant son rythme et son intensité. Il semble notamment que le pâturage tournant fait régresser la croissance davantage que le pâturage continu.
- Ensuite, l’alternance fauche/pâture favorise la montée des autres espèces qui recouvrent davantage le sol et permet ainsi d’éviter la propagation de l’agrostis par les stolons.
- Elle peut aussi être détruite de façon mécanique. En effet, elle possède peu de racines et celles-ci sont superficielles. Il est donc préconisé de passer la herse étrille en conditions sèches de plein été pour limiter son extension. Le hersage va permettre d’arracher les stolons avant qu’ils n’ancrent leurs racines.
- Finalement, en cas d’expansion trop importante de la plante, il reste la solution de la rénovation complète de la prairie. Si l’agrostis stolonifère a pris le dessus sur les autres espèces et que la prairie perd en productivité, il est possible de resemer intégralement la prairie sans forcément utiliser de traitements chimiques.
Un travail superficiel du sol permettra de détruire et émietter le couvert en place.
Avant un deuxième passage, le fait de laisser une dizaine de jours de beau temps entraîne un dessèchement de la surface détruite et la préparation d’un lit de semence favorable au semis futur.
L’agrostis stolonifère est une plante qui est donc à surveiller et qui pourrait être responsable de nombre d’échecs de semis et sur-semis.
Contact : Hervé Feugere, Chambre d’Agriculture de la Creuse ; 05 55 61 50 00, herve.feugere@creuse.chambagri.fr