Marc, apiculteur en Afghanistan
Apiculteur dans le Loir et Cher, Marc partage depuis trois ans le travail
des ruches entre la France et l’Afghanistan où il a été appelé
par la coopération agricole franco-afghane pour transmettre son savoir faire. Depuis 2006, cette collaboration aura permis la création de plus de 5000 ruches. L'apiculture est pour ce pays une acivité très avantageuse.
Marc a 52 ans, les yeux bruns pétillants d’idées et d’enthousiasme. Grand et sec, les cheveux courts, légèrement en pagaille. Et toujours le sourire. Sa venue à Kaboul, capitale de l’Afghanistan, en 2005, a été pour lui une surprise. « Un soir, ma femme reçoit un coup de fil d’Afghanistan. Je rappelle. C’était Farouk Baroukzai, qui dirige la coopération agricole franco-afghane. Il cherchait un apiculteur et m’a contacté quand j’étais alors président de l’association de développement des apiculteurs de la région centre, l’Adapic ». Revenir à Kaboul, trente ans après, voilà qui n’a pas manqué de le surprendre. « J’avais traversé l’Afghanistan en 1976 quand j’étais hippie et que je faisais la route des Indes. Jamais je ne pensais que j’y reviendrai un jour pour transmettre ma passion ». Plus qu’une passion, Marc réalise ici un vieux rêve. « Quand j’étais au lycée agricole, en filière biologie, je voulais devenir ingénieur agronome et travailler pour le développement à l’international ».
Un beau jour d’avril 2005, Marc s’envole pour Kaboul avec Dominique, un collègue. « C’est là que je rencontre Sayed, apiculteur afghan qui a plus de 40 ans d’expérience, qui allait devenir mon binôme… et mon ami » raconte Marc. « En dix jours, on a sillonné je ne sais combien de villages ! Je devais juste évaluer, voir comment les apiculteurs procèdent, leur matériel, leur techniques, leurs besoins. C’était de l’observation ». D’emblée, il a aimé la simplicité et l’hospitalité de ces villageois dont il partage le métier. « Le premier contact a été extra car nous faisons le même métier. On pouvait se comprendre avec des gestes car on parlait des mêmes choses. Je n’étais pas l’expert étranger qui venait avec son ordinateur mais l’apiculteur, comme eux ». Cinq mois après, Marc repart en mission de dix jours, à la suite de laquelle il établit un rapport pour la coopération. Point de départ de sa nouvelle vie d’apiculteur en Afghanistan.
Marc réhabilite le centre apicole de Kaboul…
A Kaboul, un centre apicole créé en 1998 était à l’état de quasi abandon, son fonctionnement ayant été ralenti par le régime des Talibans jusque fin 2001. C’est en 2006, que Marc, Sayed et Farouk décident de le réhabiliter. Le centre emploie aujourd’hui 20 personnes, comporte une quarantaine de ruches pédagogiques, des machines d’extraction de miel, du matériel de conditionnement, un gaufrier, un point de vente de matériels et deux salles de cours puisque la formation est au cœur du programme de la coopération franco-afghane. Marc est entouré de Sayed, de Jamil, biologiste et d’Essa, professeur en technique apicole. « Le jour de l’inauguration, en 2007 on a mis en bocal notre 1er pot de miel. C’était l’occasion de faire devant le Ministre de l’agriculture, les dirigeants de la coopération et de ce programme apicole, la démonstration de notre machine de conditionnement. J’étais très ému de poser la première étiquette « miel d’Afghanistan » ». Avec 8 t de miel - fourni par les apiculteurs afghans - conditionné l’an dernier au centre, Marc est très satisfait mais précise « ce n’est pas là notre vocation. On préfère les équiper et les aider à se regrouper en coopératives pour qu’ils conditionnent eux-mêmes leur miel ». Qu’ils deviennent autonomes à tous niveaux et que la filière apicole se professionnalise : voilà la véritable mission de Marc.
Sa priorité va donc à la formation aux techniques, au traitement phytosanitaire, à la multiplication des ruches, à l’amélioration de la productivité, au « management » en aval de la production, à l’organisation de la profession en coopératives… Une formation qui nécessite 4 séminaires d’une semaine par an. « En hiver, c’est théorique car on ne peut pas ouvrir les ruches. Au printemps, c’est sur le « management » des ruches, les maladies, comment multiplier les ruches… L’été, c’est sur la récolte et à l’automne sur la mise en hivernage et le nourissage ». Pour augmenter la multiplication des ruches, Marc importe 5 t de cire par an. « C’est notre principal obstacle car l’Afghanistan importait jusque là de la paraffine du Pakistan et n’a pas les outils et le savoir faire pour produire sa propre cire. Nous devons mettre cela en place au plus vite. J’attends dix gaufriers de France que l’on va distribuer aux coopératives apicoles régionales et on va apprendre aux Afghans à recycler eux-mêmes la cire ». Autre urgence : le traitement des maladies. « Comme il n’y a pas de produits phytosanitaires et que ce n’est pas dans leur tradition d’en utiliser, j’en importe de France. Les premiers traitements ont commencé en 2006 sur 20 000 ruches. Aujourd’hui, nous en sommes à 100 000. La majorité des ruches est traitée. »
Si autant d’actions sont entreprises, c’est que l’apiculture est pour l’Afghanistan, une activité avantageuse à tous points de vue. « D’abord, çà ne nécessite pas de posséder des terres. Les abeilles ne sont pas agressives et les ruches peuvent être installées dans la cour intérieure des maisons donc les femmes sont impliquées. Cela demande un faible coût d’investissement et s’avère très rentable : un pot de miel de 450 gr peut se vendre entre 5 et 8 dollars. 10 pots équivalent au salaire moyen d’un fonctionnaire. Et il y a l’important rôle de pollinisation naturelle, surtout pour les amandiers ». Depuis 2006, Marc aura permis la création de plus de 5 000 ruches.
Se rapprocher de l’arboriculture
Là se joue l’un des enjeux majeurs de demain : rapprocher les filières apicoles de l’horticulture et de l’arboriculture. C’était le thème d’un récent séminaire réunissant des responsables du Ministère de l’agriculture et des ONG.
« Depuis, je reçois une dizaine de mails et de coups de fil par jour. Nous allons créer un comité de pilotage et relancer par la pollinisation la culture des vergers »
Autre projet : faire venir pour la seconde fois en France ses « amis » afghans. « Ils sont venus chez moi en 2008 et ont regardé comment çà se passait en France. Ils ont visité tous les acteurs de la filière. L’échange est vital car nous sommes dans une logique de véritable coopération et non d’assistanat ». Marc entrevoit aussi des voyages « apicoles » avec ses collègues en Iran, réputé pour la qualité de ses laboratoires.
Mais pour l’heure, il se prépare à rentrer chez lui quelques mois. « J’ai quand même 400 ruches et çà demande du boulot ». Et il y a la famille aussi. « Ma femme et mon fils Maxime ont très envie de venir avec moi en Afghanistan ». La prochaine fois, donc, qui sait…