L'indomptable torrent du Manival
Entre Saint-Nazaire-les-Eymes et Saint-Ismier, le torrent du Manival fascine par ses imposantes dimensions qui en font une menace mais aussi une ressource pour les hommes.
Pour le géologue, c'est « le paradis sur terre ». Le torrent du Manival, qui se déverse depuis la Chartreuse sur les pentes de Saint-Ismier et de Saint-Nazaire-les-Eymes, possède un des plus grands cônes de déjection du massif alpin. Un rang qui se conjugue avec de nombreuses crises et des distinctions. Le monstre possède même sa digue impériale. Les laves torrentielles du colosse ont marqué le territoire et les hommes. « Le Graal, c'est gérer la plage de dépôt », là où s'amassent des dizaines de milliers de mètres cubes de gravier, assure Jean-Claude Zancanaro, responsable secteur du Haut-Grésivaudan au service de la restauration des terrains en montagne de l'Office national des forêts (ONF-RTM). Quant à l'historien de l'environnement, Denis Coeur, il rend compte « de la fonction politique du torrent », qui « a construit le territoire avant l'intervention humaine ». De part et d'autre de ses rives à géométrie variable, les sociétés se sont adaptées, entretenant un rapport de crainte et de profit avec le tempétueux cours d'eau.
Des crues mémorables
Certes destructeur, le torrent « est aussi un territoire de ressources », assure Denis Coeur. Au cours des siècles, sa vallée a accueilli la culture de la vigne dans sa partie basse et l'exploitation de la forêt sur son bassin-versant. La pente remarquable a fourni le secteur en gravier, et les habitants ont exploité le bois, la feuille, la pierre et l'eau dans des espaces communs aux trois villages de Bernin, Saint-Nazaire-les-Eymes et Saint-Ismier. « Toutes les ravines de la rive droite qui nourrissent le Manival ont été exploitées pour descendre le bois », explique l'historien. « En 1673 a lieu une crue mémorable et neuf de ces crues remarquables se produiront jusqu'en 1830 », raconte Jean-Claude Zancanaro. Indompté, le torrent se balade et condamne régulièrement la voie royale de liaison entre Grenoble et Chambéry. En 1831, « le désastre du Manival » engloutit 17 maisons à Saint-Ismier et recouvre les cultures de 1,5 mètre de dépôts. La visite du couple impérial* dans le sud-est de la France à l'été 1860 précipite les travaux d'aménagement du torrent pour sécuriser la route. Jusqu'en 1870 sont construits la digue impériale de 400 m de long, toujours en place sur la rive droite, et 18 ouvrages de correction. Le torrent en compte aujourd'hui 170.