Les éleveurs cantaliens peinent à dégager un Smic
La présentation annuelle des résultats comptables des exploitations adhérentes au CERFRANCE Cantal ne fait pas apparaître d'amélioration du revenu des éleveurs en 2022
La précision est d'impor-
tance : les résultats économiques 2022 présentés jeudi par le CERFRANCE
Cantal(1) lors d'une conférence annuelle coanimée par la Chambre d'agriculture, correspondent aux clôtures comptables enregistrées entre septembre 2021 et le printemps 2022, soit en amont du pic inflationniste qui a touché de plein fouet les exploitations agricoles cantaliennes. Les achats mobilisés pour la campagne concernée peuvent aussi avoir été réalisés en amont, à des tarifs moindres, en bénéficiant par ailleurs de report de stocks.
Dans ces conditions, quid des performances économiques des élevages cantaliens ? S'ils s'améliorent globalement, en termes de revenu disponible, on peine, en moyenne, à dépasser un Smic, notamment en système viande bovine. Sur les 523 exploitations BV(2) suivies par le CERFRANCE, l'EBE (excédent brut d'exploitation) progresse de deux petits pour cent, essentiellement sous l'effet d'une baisse des charges opérationnelles, et s'approche de celui de 2018. Les produits ne profitent pas encore de la nette revalorisation des cours observée en 2022 et stagnent à 1 420 EUR/UGB.
Plus autonomes, plus performants
Même en hausse de 12 %, la rémunération des éleveurs n'atteint pas un Smic (0,9 Smic), à
13 500 EUR/UTH annuels seulement. L'exercice 2022 se situe même en dessous de celui de 2018 et sur cinq ans, les éleveurs du Cantal n'ont pu dégager en moyenne annuelle que 12 320 EUR de revenus sur cet atelier. Côté trésoreries (24 130 EUR), malgré une embellie (+ 56 % sur cinq ans), celles-ci ne permettent pas de couvrir plus de deux mois de charges contre trois recommandés. À noter cependant que la part des exploitations affichant une trésorerie négative est en repli. En termes d'investissements enfin, malgré une légère reprise en 2022 sans doute portée par le Plan de Relance, la tendance sur cinq ans est à l'érosion (- 13 %.). Et ces investissements sont davantage financés par l'emprunt, tant que les taux étaient bas.
Qu'est-ce qui différencie les élevages BV dans le haut du spectre, qui affichent 25 900 EUR/ UTH de revenu disponible (1,7 Smic) : une dimension un peu plus grande (+ 7 ha, + 7 UGB), mais surtout une meilleure productivité et valorisation des animaux (+ 30 EUR/broutard, + 100 EUR/vache de réforme). Ce sont par ailleurs des systèmes plus économes avec une maîtrise des charges opérationnelles (- 70 EUR/UGB), notamment alimentaires. Ils ont aussi moins recours à
l'autofinancement pour leurs investissements (plus importants de 20 % que la moyenne). Pour autant, ils ont un taux d'endettement inférieur de 3 %.
Les élevages laitiers s'en sortent mieux
Les exploitations laitières(3) ont elles bénéficié d'une conjoncture porteuse qui s'est traduite par une hausse de 15 EUR/1 000 l du prix du lait, en moyenne à 392 EUR/t, et de 10 % de l'EBE (44 000 EUR/UTH). Sur cette période, les charges opérationnelles ont en effet moins progressé que les produits d'exploitation. La rémunération permise progresse nettement pour atteindre 1,1 Smic (17 000 EUR/ UTH), soit le meilleur score depuis 2018. Il en va de même pour les trésoreries, en hausse de 17 % en cinq ans, qui ne couvrent cependant que 1,8 mois de charges. Là aussi, la part des élevages en trésorerie négative recule légèrement mais un tiers des exploitations laitières suivies étaient en négatif en 2021. Les élevages laitiers ont moins investi sur la dernière campagne après une hausse continue depuis quatre ans ; celles qui l'ont fait ont majoritairement activé un emprunt (taux d'endettement moyen : 40 %).
Les producteurs laitiers les plus performants ont une stratégie d'abord qualitative qui s'illustre par un meilleur prix du lait (408 EUR/1 000 l) et... de moindres volumes. Ce sont également des systèmes plus autonomes avec des achats alimentaires bien moindres (105 EUR/1 000 l contre 120 EUR pour la moyenne). Ces systèmes ont dégagé en 2022 une rémunération de 2,5 Smic tout en investissant autant voire plus que leurs collègues avec un taux d'endettement moindre (30 %). Leur situation de trésorerie est également nettement plus favorable.
Lait AOP : moins bien payé
Un focus a été par ailleurs réalisé sur les exploitations laitières en AOP (cantal, bleu d'Auvergne et fourme d'Ambert, soit 263 adhérents(4)), avec un constat implacable : si leurs résultats s'améliorent également en 2022 (+ 4 % sur l'EBE), ils sont moins favorables que chez leurs collègues en conventionnel. La rémunération permise, "un petit Smic (15 470 EUR/ UTH)" est loin de l'objectif affiché, les trésoreries sont plus dégradées (1,1 mois). Les plus performants approchent les 2 Smic grâce à une productivité et des volumes supérieurs. Surtout, ce qui a fait réagir dans l'assemblée, c'est un prix du lait à 390 EUR/1 000 l... inférieur au conventionnel sur l'année considérée. Bien loin là encore de la moyenne des AOP françaises et du 445 EUR des producteurs en saint-nectaire, relève l'intervenant.
(1) Dominique Andrieu (Cantal), Annabelle Barthélémy et Antoine Cerles (CERFRANCE Alliance Massif central).
(2) En moyenne : 114 ha dont 97 % SFP, 109 UGB, 1,6 UTH.
(3) En moyenne 84 ha, 1,7 UTH, 368 000 l de lait produits.
(4) En moyenne une soixantaine de vaches, 370 000 l produits, 1,7 UTH.