Le varroa inquiète les apiculteurs lozériens
Samedi 1er mars a eu lieu la 13e édition de la journée apicole à Florac. Une journée devenue le rendez-vous traditionnel des apiculteurs en fin d’hiver, avant que le travail au rucher ne reprenne ses droits. Cette édition était consacrée à la problématique prégnante du varroa et à celle du nourrissement des abeilles.
Samedi 1er mars a eu lieu la 13e édition de la journée apicole à Florac. Une journée devenue le rendez-vous traditionnel des apiculteurs en fin d’hiver, avant que le travail au rucher ne reprenne ses droits. Cette édition était consacrée à la problématique prégnante du varroa et à celle du nourrissement des abeilles.

C’est Jean-Marie Barbançon, apiculteur drômois et vétérinaire, fortement engagé auprès des instances nationales apicoles, qui a assuré les deux conférences de la journée.
Ancien président et désormais conseiller scientifique de la fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales (FNOSAD) représentant 70 départements et 21 000 adhérents, Jean-Marie Barbançon est aussi bien connu du syndicat apicole lozérien, puisqu’il a lutté, aux côtés d’Henri Clément, ancien président du syndicat apicole lozérien et porte-parole de l’Unaf, pour l’interdiction de pesticides tels que le Gaucho ou le Régent, en 2004.
La journée apicole a donc pris un tour studieux et sombre alors que le conseiller scientifique détaillait d’effrayants chiffres pour la survie des ruchers en sortie d’hiver. Au niveau national, selon l’enquête de mortalité hivernale des colonies d’abeilles ENMHA 2023-2024, publiée en octobre 2024 par la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale, « 14,6 % des apiculteurs au niveau national, parmi les répondants au questionnaire (soit 2 588 sur un total de 16 809), déclarent que le varroa est l’une des causes des pertes de l’hiver 2022-2023 ». En Lozère, chez certains apiculteurs, en cette sortie d’hiver 2024, la mortalité constatée est montée à 30 %. « Quand on a 400 ruches et que 30 % ont des mortalités élevées, c’est très compliqué, Pour le moral et pour la production », souligne David Blanc, le président du syndicat apicole lozérien. Sans parler de la perte économique que cela représente pour les apiculteurs. « C’est une grosse difficulté relevée par la filière », et qui n’est pas près de se résoudre. En effet, le varroa est désormais bien implanté et l’action des apiculteurs ne peut que permettre de gérer les infestations pour qu’elles restent à des niveaux acceptables pour les ruches.
Varroa et varroose
Le varroa est un parasite redouté par les professionnels ; ce petit acarien s’installe et se reproduit au cœur même des ruches, dans les alvéoles, et sur le dos des abeilles et prive les butineuses de leurs nutriments vitaux, abaissant leur système immunitaire. La gelée royale produite dans la ruche est alors de bien moins bonne qualité, et la survie des larves et de la colonie entière est compromise.
Le premier cas de colonie française infectée par des varroas date du 1er novembre 1982. C’était dans le Bas-Rhin, à proximité de la frontière allemande, où l’invasion de varroa avait déjà été repérée, tout comme dans le Var. Le varroa est originaire d’Asie du sud-est et peut anéantir une colonie en deux ou trois ans. Malgré les efforts pour empêcher sa propagation, la France métropolitaine était déclarée infestée fin 1989. Autre problématique amenée par le varroa : les varrooses ou les maladies que le parasite transporte avec lui et transmet aux abeilles.
Ces surmortalités constatées au niveau départemental inquiètent donc fortement les apiculteurs lozériens, qui tentent de trouver des solutions pour enrayer cette dynamique compliquée. En 2024, des comptages ont d’ailleurs été effectués chez les apiculteurs volontaires du département, avec l’appui du GDSA départemental. « Chez les quatre agriculteurs retenus en Cévennes, il y avait du varroa dans le couvain ». D’autres tests sont prévus dans l’année. Par ailleurs, l’ADA (association de développement de l’apiculture) Occitanie a lancé une expérimentation pour la gestion du varroa au sein des cheptels, via une expérimentation participative. « L’idée est de massifier les données pour sortir des statistiques plus fines. Il y aurait quatre comptages dans l’année pour les volontaires ».
La femelle du varroa, de la famille des varroidae, est parfaitement visible à l’œil nu. Ses mensurations varient entre 1,5 à 1,8 mm de long et entre 1 à 1,2 mm de large. Accrochée à une abeille adulte, elle se démarque très bien avec sa cuticule de couleur brun foncé. Le mâle présente une couleur jaunâtre avec une forme assez arrondie. Il est plus difficile à repérer, car son diamètre varie entre 0,8 et 0,9 mm. Pour le trouver, il faudra regarder minutieusement les cellules du couvain de l’abeille dans lesquelles il vit exclusivement.
La reproduction des varroas se déroule dans le couvain. La femelle fondatrice se place dans une cellule occupée par une larve d’abeille juste avant le moment de l’operculation. En se laissant enfermer, elle pond de deux à huit œufs avec un rythme d’un toutes les 30 heures. Le premier œuf est toujours celui d’un mâle, les suivants toujours des œufs femelles. Un mâle nouvellement éclos fécondera les varroas femelles dès leur naissance. Ces dernières sortiront de la cellule au moment de la naissance de l’abeille tandis que le mâle restera dans le couvain. Comme elle se nourrit par piqûre de l’hémolymphe des abeilles, la femelle varroa est donc un danger pour la reine, les mâles et les ouvrières. Quelques jours plus tard, ce cycle de reproduction va recommencer. Ces parasites se reproduisent donc de façon exponentielle et peuvent entraîner une vraie hécatombe pour tout un rucher si une seule ruche venait à être touchée.
« Une lutte efficace contre le varroa s’impose dans le contexte actuel. On le sait : elle n’est ni simple ni facile mais elle est possible » notait en 2021, déjà, Jean-Marie Barbançon dans un guide publié par la FNOSAD et intitulé « Varroa et Varroose ». Le développement de la population de varroas est dépendant de celui de la colonie. Pendant la période estivale, l’infestation s’accroît en parallèle du couvain élevé par les abeilles. « Il n’y a pas de solution miracle, prévient Jean-Marie Barbançon, et il faut traiter ses ruches pour limiter les infestations. Car ne rien faire est pire ». Pour le conseiller scientifique, « en été, s’il y a un constat de plus de dix varroas par jour dans une ruche, il faut traiter. En hiver, au-delà d’un varroa par jour, cela doit sonner l’alerte pour un traitement. En dessous de 5 % de varroa, il est difficile de constater une infestation ; au-delà, il faut traiter ».
Des traitements qui se compliquent
Les traitements contre le varroa n’apportent pas de solution efficace à 100 %, mais, avertit Jean-Marie Barbançon, « il faut des traitements pertinents, et le tout chimique doit être remis en question ».
De premières résistances médicamenteuses ont été observées chez le varroa, même si des molécules continuent d’être efficaces : l’acide oxalique, par exemple, reste recommandé.
Le thymol conserve aussi son efficacité, ainsi que l’acide formique. Mais ce sont des molécules à utiliser avec précaution : « l’acide oxalique, par exemple, est à utiliser hors couvain, donc à l’arrêt de ponte des reines. En août, notamment, pour éviter les abeilles d’hiver pleines de varroa peut être une piste ».
« La lutte intégrée est compliquée en apiculture, car il y a trop de critères à prendre en compte. Mais la bi-thérapie semble prometteuse » a noté Jean-Marie Barbançon, qui a indiqué que des voies de recherche sont, par ailleurs, poursuivies mais ne sont pas encore au point. Autre difficulté pour les apiculteurs du département : en apiculture biologique, peu de traitements sont autorisés. Parmi la liste des médicaments autorisés en France, tous sont utilisables en apiculture conventionnelle. Ceux contenant de l’amitraze, du tau-fluvalinate ou de la fluméthrine ne sont pas autorisés en apiculture bio.
Des techniques zootechniques, plus contraignantes, peuvent être mises en place dont l’encagement de reines (pour provoquer une rupture de ponte artificielle durant la saison) ou le piégeage dans le couvain mâle.
Face au varroa et ses myriades de conséquences pour les abeilles, les apiculteurs lozériens se sentent désarmés, et seuls, pour le moment. « Aucune aide n’est prévue pour venir les soutenir », note le président du syndicat apicole lozérien. Une épine de plus dans le pied des apiculteurs déjà confrontés à de nombreuses autres problématiques.