Via Lacta
Le soulagement
Les professionnels agricoles et élus qui se sont mobilisés sans modération pour qu’une reprise de l’usine soit possible, font part de leur satisfaction sur l’issue heureuse de cette affaire et reviennent sur le travail accompli sans relâche depuis le début de l’année.
Gilbert Bros, président de la Chambre d’Agriculture, travaille sur le dossier Via Lacta depuis l’année dernière. Il se montre satisfait de l’issue heureuse du 22 juillet.
Depuis quand êtes-vous mobilisé sur l’affaire Via Lacta ?
Gilbert Bros : «Je travaille sur cette affaire depuis l’année dernière car je savais par l’intermédiaire du président de l’URCVL, Bernard Bonjean, que l’usine Via Lacta traversait des difficultés qui allaient en s’aggravant ; il fallait donc s’en préoccuper au plus vite.
Fin 2008, l’URCVL a décidé de trouver une solution pour la reprise de cette usine ; mais la perspective d’une location-gérance de l’usine avec le groupe Entremont n’a pas abouti.
J’ai alors vite pris conscience que le problème était important car au problème de l’usine s’ajoutait celui de la pérennité de la collecte assurée par l’URCVL (voir encadré).
Début 2009, j’ai fait l’analyse suivante : l’URCVL n’a pas une pérennité importante de par sa fragilité structurelle tandis que l’usine est menacée à très court terme, il fallait donc absolument trouver un repreneur !».
Pour quelles raisons l’usine Via Lacta a-t-elle mobilisé autant les professionnels ?
Gilbert Bros : «La filière laitière de Haute-Loire a un besoin vital de cette usine car nous nous trouvons dans une région où la collecte coûte cher et s’il n’y a pas de transformation sur place, dès que le marché laitier devient difficile, plus personne ne souhaite collecter.
Il est donc essentiel de transformer le maximum de quantité de lait sur notre territoire et si possible sous forme de produits qui valorisent bien le lait. La transformation, c’est la seule chose qui peut nous garantir le maintien de la collecte sur la totalité de la Haute-Loire.
Pouvez-vous revenir sur les difficultés rencontrées au cours de la recherche d’un repreneur ?
Gilbert Bros : «En janvier 2009, avec Laurent Duplomb, nous avons essayé de trouver une solution, que ce soit pour l’usine comme pour la collecte de l’URCVL.
Nous avons eu plusieurs contacts poussés avec le directeur général de Sodiaal afin d’étudier une éventuelle possibilité de reprise de sa part. Malheureusement, il est vite apparu que Sodiaal ne pouvait reprendre Via Lacta ; en revanche, pour la collecte de l’URCVL, il proposait de collecter 120 à 140 millions de litres sur les 300 millions collectés par l’URCVL. Sodiaal s’était également engagé à collecter provisoirement 100 à 120 millions de litres supplémentaires ; il restait donc 60 millions de litres sans solution de collecte ! Bien entendu, ces litrages sans collecteur se situaient dans les zones les plus éloignées des usines et pour une bonne partie en Haute-Loire.
En conséquence, nous avons jugé cette solution totalement inacceptable car nous tenions avant tout à ne laisser personne au bord de la route.
Toutefois, toutes ces discussions n’ont pas été inutiles puisque Sodiaal a fait part de sa volonté d’aider l’URCVL à mieux gérer et à rationaliser ses coûts de collecte.
D’autre part, Sodiaal nous a communiqués le nom d’un éventuel repreneur pour Via Lacta, un industriel italien que nous avons rencontré plusieurs fois mais qui n’a pas donné suite ; ce dernier n’a pas trouvé les conditions de rentabilité nécessaires à la reprise.
Durant nos recherches, nous avions alerté les élus et notamment le ministre Laurent Wauquiez, qui de son côté a conduit une recherche à grande échelle de repreneurs pour l’usine Via Lacta. Ses recherches ont abouti sur le groupe Entremont (voir encadré) qui a finalement établi un projet de reprise assorti de conditions difficiles».
Que pensez-vous du projet de reprise par Entremont ?
Gilbert Bros : «Les banques ayant déjà été échaudées par le dépôt de bilan de Via Lacta, les difficultés les plus importantes autour de ce projet étaient d’ordre financier. Les difficultés tiennent aussi au maintien des fabrications en sous traitance du groupe Bongrain. Les financements publics à mobiliser, la reprise et le maintien des emplois de l’usine s’ajoutent à tous les problèmes précédents. Avec Laurent Duplomb, nous nous sommes attelés à essayer de lever ces conditions afin de faciliter la reprise, en travaillant avec les banques ou avec l’URCVL.
Notons que Laurent Wauquiez nous a considérablement aidés à lever tous les obstacles ; sans lui, la reprise de Via Lacta par Entremont n’aurait pas été possible. Il faut aussi remercier les responsables syndicaux (Gilbert Guignand et Jean-Julien Deygas) pour leur appui permanent, le président du Conseil Général, Gérard Roche, pour son implication sur ce dossier, le Préfet de Haute-Loire mais aussi les responsables de l’URCVL et la société Entremont.
Qu’advient-il des 153 producteurs directs de Via Lacta ?
Gilbert Bros : Dès le dépôt de bilan de Via Lacta (le 6 mai dernier), les producteurs ont été réunis par la FDSEA, les JA et la Chambre d’Agriculture, dans le but de les informer sur la situation. Ces producteurs ont désigné un collectif de défense de leurs intérêts et l’on a fait le maximum pour que leur lait soit collecté et qu’ils n’aient pas à subir de pertes financières sur le lait déjà livré au moment du dépôt de bilan.
Une solution provisoire avait été trouvée pour payer ce lait (livré avant le 6 mai) au moyen d’un prêt octroyé par le Crédit Agricole ; les intérêts de ce prêt étant pris en charge par l’Etat grâce à l’intervention du Préfet auprès du Ministère.
Dans le cadre de la reprise de l’usine, l’URCVL s’est engagée à rembourser le Crédit Agricole pour le montant qui avait été avancé aux 150 producteurs ; elle s’engageait aussi à reprendre les tanks en fermes.
L’URCVL s’est par ailleurs engagée à reprendre en tant que coopérateurs, la totalité des livreurs directs de Via Lacta. Je suis satisfait qu’aucun producteur n’ait été abandonné et que la solidarité coopérative leur ait permis d’être collectés.
Le Tribunal de Commerce du Puy a accordé la reprise de Via Lacta par Entremont le 22 juillet dernier. A présent, Etes-vous optimiste pour l’avenir de cette entreprise et celui de la collecte de lait dans notre département ?
Gilbert Bros : «Nous pouvons nous féliciter de ce dénouement positif pour cette affaire car Via Lacta est un maillon essentiel de la filière laitière. Toutefois, en ce qui concerne la collecte, il faut garder en tête que l’URCVL ne jouit pas d’une pérennité trop grande ; c’est pourquoi, il faut rester en alerte pour que dès que la situation du marché laitier s’assainira, on puisse trouver une solution davantage pérenne pour la collecte.
J’espère que l’usine Via Lacta va bien fonctionner sous la direction d’Entremont et que l’URCVL arrivera à tenir le cap durant encore quelques années, ou du moins d’ici le retour d’une amélioration du contexte laitier.
La pression syndicale a payé pour Gilbert Guignand, président de la FDSEA.
Quel a été votre sentiment à l’annonce de la reprise de Via Lacta par Entremont ?
Gilbert Guignand : «C’est un soulagement. On peut se féliciter du dénouement. Je tiens à remercier les personnes qui ont joué un rôle décisif dans l’aboutissement du dossier, en particulier Laurent Wauquiez, Gilbert Bros et Laurent Duplomb.
Néanmoins ce dossier délicat lève de nombreuses questions sur les restructurations à venir des entreprises laitières avec en point d’interrogation l’avenir d’Entremont.
Quel rôle à joué la FDSEA dans l’aboutissement du dossier ?
G. G : La FDSEA a joué, avec les JA et la Chambre d’agriculture, un important rôle d’information auprès des producteurs. On les a accompagnés en leur apportant le message le plus clair possible sur l’avancée du dossier. Nous avons respecté nos engagements en clarifiant la situation.
D’autre part, la FDSEA a fait pression sur Bongrain pour lever les derniers freins à la conclusion du dossier. Mon téléphone sonnait encore le 22 juillet (date du jugement) à 1h30 du matin pour s’assurer que Bongrain signe le contrat permettant de maintenir les volumes.
Quel message voudriez-vous adresser aux 150 producteurs direct de Via Lacta ?
G. G : On vient d’éviter le pire. Mais cette reprise montre que désormais rien n’est acquis à long terme. La filière laitière va connaitre d’autres restructurations dans les prochains mois.
Autrement dit, vous pensez que le rapport entreprise/producteur va changer ?
G. G : Tout à fait, le rapport entre les entreprises et les producteurs est en train de changer. On le voit avec Via Lacta où ça n’avait pas l’air de déranger grand monde de voir 150 producteurs se trouver dans l’impasse.
Le rapport de force est actuellement défavorable aux producteurs car on est en situation de surproduction sur le marché du lait. Ainsi, les entreprises ne se sentent plus obligées de ramasser notre lait. Il va être indispensable d’établir un contrat de confiance entre les entreprises et les producteurs sinon on risque d’avoir de fortes désillusions.