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Le jour où Rosa, la salers, a été sauvée

Il y a un an, Chloé Parrini, toute jeune vétérinaire formée en Roumanie, était appelée en urgence pour un vêlage critique. Un sauvetage réussi qui lui vaut la reconnaissance de David Matrat.
 

Rosa, aux bons soins de David et Marion Matrat, et de Chloé Parrini, sa sauveteuse.
© Patricia Olivieri

David Matrat se souvient très bien de sa réaction, ce matin-là d’avril 2024, quand il a vu débarquer Chloé Parrini au Mazieux de Lascelles. Une jeune femme, ni très grande ni très charpentée, lui qui attendait un sauveur pour Rosa, sa vache salers de 4 ans, dont le second vêlage se passe mal. Tout sauf misogyne, il appréhende cependant que la jeune Chloé - qui n’a encore jamais mis les pieds dans l’étable entravée de l’éleveur - ne soit pas à la hauteur, elle qui a pris ses marques au sein de la clinique vétérinaire de Saint-Paul-des-Landes moins d’un an auparavant. 

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Rosa, la vache ressuscitée

Mais très vite, l’assurance, le diagnostic et les gestes de la jeune praticienne vont le rassurer quand bien même la situation s’annonce critique pour l’animal. Après une nuit de travail et de souffrance, le col, atrophié par une torsion de matrice un an auparavant, n’est pas dilaté. “Je n’y passais même pas la main”, se souvient Chloé Parrini. Le temps presse, la vache, sans doute contaminée par la FCO, est amaigrie, couchée. La jeune vétérinaire ne tergiverse pas : pour tenter de sauver l’animal et peut-être son veau, une césarienne s’impose. Aidée par David et son épouse Marion, très attachée elle aussi au troupeau, Chloé déplace Rosa au milieu de l’étable sous les néons pour procéder à l’opération. “Soit c’était la césarienne, soit c’était l’euthanasie”, fait part la jeune femme. Après une matinée d’intervention qui permet de délivrer le veau, très affaibli (qui ne survivra pas par la suite), Rosa est recousue et un traitement de choc, à base d’antibiotiques et d’anti-douleur, lui est administré pour éviter une infection dont les risques sont importants. 

Faire ses preuves

David et son épouse prennent alors le relais au chevet de la vache qui, contre toute attente, se relève le soir-même, et s’alimente les jours suivants. “Les semaines passent, Rosa se requinque et à chaque fois que je voyais David, il avait de bonnes nouvelles d’elle”, se souvient Chloé. “Rosa, elle revient d’entre les morts !”, souligne l’éleveur qui voue depuis une véritable reconnaissance à la praticienne dont il loue les compétences. En revenant sur son jugement initial : “Le physique, ça ne veut rien dire...” 

On apprend à travailler différemment car on aura beau tirer comme une brute pour sortir un veau, on ne tiendra pas longtemps" Chloé Parrini, jeune vétérinaire

Un message qu’il diffuse autour de lui et qu’abonde la vétérinaire. “On apprend à travailler différemment car on aura beau tirer comme une brute pour sortir un veau, on ne tiendra pas longtemps, alors on réfléchit, on s’adapte, on sollicite l’aide des éleveurs et sur les vêlages compliqués, j’ai l’habitude de dire que mieux vaut une bonne vieille césarienne qu’un vêlage de m...”
Pour autant Chloé Parrini reconnaît qu’à ses débuts, les réactions de certains agriculteurs à son égard, elle une jeune femme tout juste sortie de l’école et non originaire du département, n’ont pas été toujours tendres : comme cette nuit d’hiver où elle est appelée pour un vêlage qu’elle commence à préparer quand l’éleveur lui demande quand le vétérinaire va arriver. 

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“Le véto, c’est moi !”

“D’autres se demandent encore, alors que je suis en train d’extraire un veau, comment ils vont faire sans vétérinaire homme dans la profession...” Pas de quoi  néanmoins déstabiliser la jeune femme au caractère bien trempé et dont l’un des atouts a été justement de ne jamais se retrancher derrière sa jeunesse ni une expérience encore à parfaire. “J’ai toujours montré que j’avais confiance en moi, on ne fait pas six ans d’études dans le vide, affiche-t-elle. Quand on aborde sereinement les choses, qu’on s’approche des vaches sans en avoir peur tout en sécurisant la situation, les éleveurs sont davantage en confiance et puis au fil des mois, on fait ses preuves.” Ses preuves, épaulées et conseillées les premiers temps par les précieux conseils de ses collègues du cabinet.
Mais pas le temps pour Chloé de s’attarder auprès de Rosa(1) ni de ses propriétaires, chaque heure est comptée pour la jeune vétérinaire qui, avec ses collègues du cabinet de Saint-Paul-des-Landes, Bertrand Ville et Jérôme Lescure, a dû pallier le départ en retraite de deux confrères, avec de nouveaux clients à la clé et un rayon d’intervention qui s’est encore élargi, englobant désormais toute la vallée de la Jordanne, l’Ouest d’Aurillac jusqu’à la bordure corrézienne, le secteur de Laroquebrou... Deux professions, éleveurs et vétérinaires, dont le sort est intimement lié.

(1) Dont ses propriétaires devront se séparer, faute de pouvoir la faire vêler à nouveau. 

Un maillage très fragile
“Ça peut bouger à chaque instant, même une petite blessure d’un associé peut compliquer les choses, voire dans certains cas, déstabiliser un cabinet”, analyse Chloé Parrini qui, avec les trois autres vétérinaires saint-paulois, intervient auprès de quelque 200 éleveurs(1), une clientèle qui s’est encore étoffée avec l’arrêt du docteur Nutz, et une activité densifiée avec les vagues de FCO et la certification export. 
Avaler les kilomètres
Le rythme est donc soutenu avec des journées et semaines qui s’étirent et des astreintes à raison d’une à deux nuits par semaine en plus d’un week-end par mois quand bien même un recrutement a eu lieu en 2023 (un autre est en projet).  Les périodes les plus chargées sont celles des vêlages en plein hiver couplés à la prophylaxie, mais aussi les vêlages d’automne de mi-août à fin septembre, avec des interventions différentes, au milieu des parcelles. “Il m’est arrivé de faire deux pleins dans la semaine, soit près de 1 400 km,  c’est l’une des difficultés qui rend l’activité en rural peu rentable par rapport à la canine : on peut passer 45 minutes sur la route pour se rendre chez un éleveur, pendant ce temps-là on pourrait accueillir deux à trois clients en canine...” Si la médecine vétérinaire rurale reste un sacerdoce, pour cette jeune génération, “le sacerdoce a ses limites”... 
Alors le cabinet compte sur le tutorat pour attirer et convaincre de futurs salariés voire associés et fait aussi appel en renfort, deux mois par an en CDD, à un confrère roumain.
(1) Deux tiers allaitants, un tiers laitiers, plus un peu de canine et quelques équins. 

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