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Chanvre
Le cannabis “bien-être”, une opportunité

Alors que les produits à base de cannabidiol (CBD, cannabis de bien-être) font de plus en plus d’adeptes, des producteurs se saisissent du flou juridique français en matière de production pour cultiver du chanvre afin d’en extraire la molécule de CBD.

Le chanvre est une excellente tête de rotation qui demande peu d’eau  et aucun produit phytosanitaire.
Le chanvre est une excellente tête de rotation qui demande peu d’eau et aucun produit phytosanitaire.
© DR

Elles fleurissent un peu partout, y compris à Privas, ou au Puy-en-Velay. Les boutiques qui vendent des tisanes, cosmétiques, e-cigarettes ou encore chocolats contenant du cannabidiol (CDB), molécule issue de la fleur de chanvre, font un carton. Aujourd’hui plus de 400 sont recensées en France, selon le syndicat professionnel du chanvre (SPC). Mais parmi les produits à l’extrait de CBD, très peu sont Made in France et la grande majorité est importée…

Réglementation floue et contraignante

Troisième producteur mondial de chanvre derrière la Chine et le Canada, premier en Europe, la France maintient toutefois un flou juridique quant à l’autorisation de cultiver la fleur du chanvre pour l’extraction du CBD. L’arrêté de 1990 sur les stupéfiants mentionne que " sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L ", qui doivent contenir moins de 0,2 % de THC (la molécule psychotrope du cannabis). Cet arrêté a donné lieu à des interprétations restrictives quant à la fleur ; pourtant il n’est nulle part mentionné l’interdiction d’exploiter la feuille et la fleur du chanvre.

Une victoire en justice

C’est cette interprétation restrictive de la loi que Karine Denis et Thomas Gret ont contestée devant les tribunaux. Diplômés de l’École supérieure d’agronomie d’Aix-en-Provence, ils créent en 2017 leur entreprise " Sativine ", implantée au Teil (Ardèche), qui transforme et commercialise du chanvre cultivé en Drôme et Ardèche. " Nous travaillons en contrat avec plusieurs producteurs locaux, notamment un agriculteur de Saint-Lager-Bressac ou un autre de Grignan, indique Karine Denis. Nous leur fournissons des semences certifiées par le Gnis, garanties - 0,2 % de THC, en variétés Carmagnola, Dioïca 88, ou encore Férimon. Chaque année, il faut racheter des semences pour ne pas voir grimper le taux de THC. "

500 kg de chanvre saisis… puis rendus

Mais après leur première vente en 2017, Karine Denis et Thomas Gret sont interpellés par la Brigade de gendarmerie du Teil, qui leur saisit 500 kg de " têtes " de chanvre. Après de multiples démarches, ils réussissent toutefois à prouver qu’ils n’ont pas enfreint la loi. " Nous nous sommes -entre autres- notamment appuyés sur la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, ratifiée par la France en 1968, qui stipule clairement que seul le cannabis, à savoir le chanvre indien, est considéré comme un stupéfiant, et non pas les variétés qui sont produites en France. Dans la hiérarchie des normes juridiques, cette convention internationale prévaut sur la réglementation française qui, elle, reste floue ", explique Thomas Gret. Au terme d’une bataille juridique de deux ans, la Justice donne raison aux deux entrepreneurs ardéchois et leur rend leurs 500 kg de chanvre… Un véritable cas d’école qui fait aujourd’hui jurisprudence. Sativine a donc pu reprendre le cours de ses activités, contrairement à certains producteurs qui ont pu être condamnés.

Les ventes explosent

Karine Denis et Thomas Gret accompagnent les agriculteurs dans leurs itinéraires techniques (irrigation, conduite de culture) pour obtenir la meilleure qualité possible. " La récolte a lieu entre juin et octobre puis les plantes sont séchées dans des séchoirs à tabac durant environ 3 semaines, précise Thomas Gret. Nous les vendons en brut dans des sachets, pour diverses utilisations : tisanes, sirops, préparation de cosmétiques, chocolaterie, vapotage, aromathérapie... ". Sativine vend ses produits via son site Internet, des boutiques et bureaux de tabac (Montélimar) et des revendeurs à l’étranger. Cette année, les ventes ont explosé, et la demande devrait poursuivre son essor.

Culture aux nombreux avantages

La culture du chanvre en bio est assez simple, mais pour avoir une bonne qualité, il convient de privilégier les meilleures terres, avec une possibilité d’irrigation ponctuelle ", souligne Karine Denis. Outre le prix (La Sativine rémunère les producteurs de 1 000 à 2 000 € l’hectare en fonction de la qualité), le chanvre est une excellente tête de rotation qui demande peu d’eau et aucun produit phytosanitaire. Seule difficulté : " Certains producteurs ont été dénoncés auprès de la gendarmerie par des voisins : la fleur du chanvre, ressemble beaucoup au cannabis, et les gendarmes ne savent pas toujours faire la différence. Malheureusement, cela peut conduire à des accusations encourant des peines lourdes ", insiste Thomas Gret. Certains producteurs connaissent des problèmes de vols, par des consommateurs peu scrupuleux qui croient trouver là du cannabis à fumer…

Vers une évolution de la réglementation française ?

La réglementation européenne autorise l’utilisation de la plante entière du chanvre (à moins de 0,2 % de THC) et sa commercialisation. Aujourd’hui, 21 pays de l’Union européenne autorisent le cannabis thérapeutique et de bien-être, mais la France reste à l’écart et entretient un flou juridique. Les choses pourraient cependant évoluer(1).

(1) Le 20 juillet dernier, Paris avait notifié à la Commission son projet d’arrêté révisant l’arrêté d’août 1990, qui limite jusqu’ici la culture et l’exploitation du chanvre aux seules fibres et graines. «Durant cette période de trois mois, la Commission et les autres Etats membres avaient ainsi la possibilité d’émettre un avis circonstancié dans le but de faire modifier le projet d’arrêté, ce qu’ils n’ont pas choisi de faire», se félicite l’Uivec. En l’absence d’un avis circonstancié sur le projet d’arrêté français, le texte peut désormais être librement adopté par les autorités françaises.

 

 

CBD, THC, quèsaco ?

Le CBD (cannabidiol) est une molécule extraite de la fleur de chanvre qui aurait des vertus relaxantes. Elle diffère du THC (tétrahydrocannabinol), molécule psychotrope du cannabis, à l’effet " planant ". Dans le droit européen, le CBD n’est pas classé comme stupéfiant, et la fleur de chanvre peut être librement commercialisée à condition de ne pas dépasser 0,2 % de THC.

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