Laine cherche débouchés...
« La laine est classée comme un produit d'équarrissage, ce qui limite aujourd'hui les possibilités de valorisation » selon Michèle Boudoin, présidente de la FNO lors d'une table ronde.
La laine fait partie intégrante de l'histoire de l'Homme. Qu'elle soit d'un blanc immaculée ou d'or, la toison est présente depuis l'âge de pierre jusqu'à l'ère moderne. L'avènement du coton, du polyester, de l'acrylique et de l'industrie du textile qui a suivie, ont rangé la laine au placard. Elle représente désormais moins de 1 % de la production des fibres mondiales. Or, le mouton imberbe n'est pas encore né et dans les élevages, les toisons s'entassent faute de filière tricolore voire même de filière tout court. En Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 14 000 tonnes de laine dormiraient ainsi dans les élevages. À l'heure de la sobriété énergétique et de la souveraineté, les professionnels du textile et les éleveurs cherchent à redonner une seconde vie à la laine.
Le textile nécessite des laines aux longues fibres
Réunis autour d'une table ronde à l'occasion du Sommet de l'Élevage, des éleveurs, des artisans, des industriels du textile ainsi que des acteurs locaux ont échangé sur ce sujet.
Les premiers à brandir l'étendard d'un renouveau de la fibre ovine sont les éleveurs pour qui « la laine est une charge sur les exploitations ». Par ses mots, Claude Font, éleveur en Haute-Loire témoigne de toute la difficulté à laquelle il est confronté. Ses moutons doivent être tondus, au moins une fois par an pour « limiter les parasites [...] c'est une question de bien-être pour nos animaux » mais il ne sait que faire de la laine. « Nous l'écoulons, petit à petit, comme on peut. »
Marie-France Dabert également éleveuse ovine et conseillère régionale ajoute un témoignage identique. « Nous avons quatre ans de laine dans la grange ! Nous n'avons aucun moyen de valorisation ne serait-ce que pour payer la tonte ! »
Mais il y a laine et il y a LA laine, celle qui permet véritablement une utilisation textile. En AuRA, l'élevage ovin majoritaire concerne des races à viande. Rava, blanches du Massif central, limousines... n'ont pas été sélectionnées dans le passé pour leurs qualités lainières. « Une bonne laine est faite de « longues fibres », explique Patrice Brun, gérant de l'usine textile Devernois, tout le contraire des races citées plus haut. L'industriel français achète de ce fait son fil de laine en Italie. Nous recherchons une qualité irréprochable. Nos vêtements sont vendus plusieurs centaines d'euros. Ils doivent séduire la cliente. » Toutefois Patrice Brun ne ferme pas la porte à la laine française à condition qu'elle atteigne une qualité similaire voire supérieure et « que les outils de lavage et de filature reviennent en France ».
De nouveaux débouchés ?
La valorisation des laines issues des élevages ovins allaitants pourrait trouver son émergence dans l'isolation ou, plus étonnant, la fertilisation. Lors d'un voyage en Mongolie, Michèle Boudoin, présidente de la FNO a rencontré un industriel fabricant des granulés d'engrais à base de laine de mouton. Là encore dans le contexte économique actuel, cette production « pourrait limiter la dépendance de la France aux importations d'engrais » explique la présidente. Si l'idée est intéressante, elle se heurte cependant à la réglementation européenne. « La laine est classée comme un produit d'équarrissage limitant considérablement les possibilités de transformation. »
Une réglementation également trop contraignante pour Pascal Laffont, gérant des Lavages de laines du Gévaudan à Saugues (dernier outil français du genre) dont l'activité est « très encadrée » et a nécessité « de lourds investissements pour répondre aux normes ». À l'image des éleveurs, le professionnel appelle à rebâtir d'urgence une filière laine en France sous peine « de voir disparaître les derniers outils encore existants » et bien plus préjudiciable « les savoir-faire qui se transmettent par la seule expérience ».