L’adaptation au changement climatique, c’est maintenant
Alors que la sécheresse s’éternise dans bon nombre de départements, les responsables agricoles du Massif central, réunis à Saint-Flour, ont fait un point d’étape sur le projet AP3C.
À l’ordre du jour de la dernière réunion de la Copamac-Sidam, de nombreux sujets : la loi alimentation, l’état d’avancement des recherches sur la lutte contre les campagnols terrestres, le projet Valomac concrétisé par le lancement de la marque alt. 1886 au dernier Sommet de l’Élevage, la PAC post 2020… Mais également, un point d’étape sur l’initiative AP3C, comprenez : adaptation des pratiques culturales au changement climatique. Porté par le Sidam en collaboration avec onze chambres d’agriculture (Allier, Aveyron, Cantal, Corrèze, Creuse, Loire, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy-de-Dôme et Haute-Vienne) et l’Idele, le projet a démarré en 2015. En partenariat avec le climatologue Vincent Caillez, il ambitionne de recueillir des informations localisées permettant une analyse fine des impacts du changement climatique sur le Massif central, en vue d’adapter les systèmes de production agricole du territoire et de sensibiliser les acteurs. « À mi-parcours, les données collectées sont déjà riches d’enseignements », estime le président du Sidam, Tony Cornelissen. À partir des évolutions climatiques observées entre 1980 et 2015, des projections climatiques compatibles avec les trajectoires observées et ceci jusqu’à l’échéance 2050 ont été réalisées. Les températures minimales et maximales, les précipitations et l’évapo-transpiration potentielle, au pas de temps quotidien, ont été les quatre paramètres étudiés directement. « Tous les résultats ont été produits dans l’hypothèse, hélas, très modérée et conservatrice, de non-accélération de l’évolution climatique en cours depuis 1980 », prévient Marie Tissot, coordinatrice du projet.
Ça chauffe plus vite au printemps
Concernant les températures saisonnières, il apparaît que les évolutions ponctuelles les plus fortes sont concentrées en hiver jusque +3,5 °C/50ans soit +0,7 °C par décennie et que c’est en été que ces évolutions ponctuelles sont les plus faibles, presque nulles. Ceci contraste violemment avec le discours ambiant, issu des modèles physiques du climat (du même type que ceux des rapports du GIEC). En moyenne géographique, sur l’ensemble du Massif central, c’est le printemps qui est en évolution la plus rapide (+2,5 °C/50 ans, soit +0,5°C par décennie), alors que ce qui est souvent décrit ailleurs est une élévation maximale en été. Autrement dit, quand en 2000, on ne comptait qu’un jour en avril à +25 °, et bien en 2050, on passera à quatre jours. L’été caniculaire que l’on vient de traverser suivi d’un automne particulièrement sec est-il un phénomène isolé ou sera-t-il amené à se reproduire ? Comme le soutient le dicton, même si le mouvement de fond en faveur de l’élévation des températures est aujourd’hui difficilement contestable, « en agriculture, les années se suivent et ne se ressemblent pas ». En matière de pluviométrie, l’examen détaillé a ainsi mis en lumière une relative stabilité couplée à une saisonnalité en mutation, avec un printemps plus sec et des précipitations plus abondantes en été et à l’automne. Le cumul annuel de l’évapotranspiration est à la hausse. Il est limité à +90 mm/50 ans sur les zones d’altitude mais peut atteindre +160 mm/50 ans en périphérie nord-est et sud-ouest du Massif central. Cette augmentation d’environ 15 % est relative à une valeur moyenne spatiale qui atteignait environ 800 mm en climat-type 2000. « Cette hausse est vigoureuse car l’évapotranspiration dépend beaucoup des températures qui augmentent également rapidement », précise Marie Tissot. En matière de bilan hydrique là aussi, on constate une dégradation de l’ordre de 100 mm en 50 ans sur le nord-ouest du Massif jusqu’à 250 mm/50 ans sur le sud du Massif, notamment sur les mois de printemps et d’été.
Analyser pour agir
Passée l’étape des analyses, le projet AP3C sera en mesure de proposer des pistes d’adaptation à l’échelle de la parcelle, de l’exploitation : modification des assolements, développement de l’irrigation, recours plus fréquent aux cultures dérobées, au pâturage tournant, hausse de la capacité de stockage, isolation des bâtiments… La restitution complète du projet est prévue pour fin 2019.