La réalité d’un changement climatique incite à remettre en questions son système
Les prévisions en matière de réchauffement sont assez alarmistes. Il va falloir à la fois que l’agriculture s’adapte et qu’elle réduise ses émissions de gaz à effet de serre.
S’il est un métier totalement dépendant des conditions météorologiques, c’est bien celui d’agriculteur. Or, le contexte climatologique évolue encore davantage avec la mise en évidence du réchauffement climatique, thème de la troisième journée technico-économique préparée conjointement par le CER France et la chambre d’agriculture du Cantal. Celle-ci s’est déroulée jeudi 8 février au lycée agricole d’Aurillac. Les techniciens qui se sont penchés sur le sujet ont évoqué des pistes pour s’adapter. Mathilde Bonestebe, ingénieure au service référence de la Chambre d’agriculture, a rappelé que la température augmente depuis près d’un siècle, avec un record pour les trois dernières, “les plus chaudes jamais enregistrées !” Deux origines : des évolutions naturelles et des activités humaines qui jouent sur l’effet de serre(1). “Dans ce cadre, l’agriculture apporte sa contribution, mais avec 19 %, elle reste loin derrière les transports (27 %) et l’industrie (21 %) et tout juste devant la production énergétique (18 %).” L’agriculture produit plusieurs types de gaz à même de jouer un rôle : le méthane, lié à la fermentation dans le rumen des animaux et présent dans leurs déjections ; le protoxyde d’azote qui s’échappe aussi des déjections mais également du sol quand une prairie est retournée ; du dioxyde de carbone, lié aux énergies directes (gasoil) et indirectes (engrais). “Ces trois rejets sont mesurés en une seule unité, l’équivalent CO2”, précise Mathilde Bonestebe, qui s’empresse de souligner que l’élevage apporte aussi des contributions positives.
Contributions positives
“Par exemple, l’exploitation agricole du lycée d’Aurillac, qui fait partie du projet Life Beef Carbon (NDLR : qui mesure les rejets et expérimente des conduites avec l’objectif de réduire de 15 % l’empreinte carbone) stocke dans les prairies 146 tonnes d’équivalent CO2.” S’ajoute à cet argument celui d’une biodiversité maintenue (insectes...) ainsi que d’une “performance nourricière de l’atelier” (154 personnes potentiellement nourries en protéines animales). Le responsable du service lait de la Chambre d’agriculture, Joël Guillemin, livre la même analyse sur un système laitier, s’appuyant sur les 76 diagnostics du Cantal menés dans le cadre de Cap2ER (un calcul de performances environnementales qui évalue les impacts environnementaux en analysant 150 données sur l’exploitation). “Une exploitation moyenne du Cantal obtient de meilleurs résultats qu’au niveau national grâce à la valorisation des prairies”, précise le spécialiste. Yann Bouchard, technicien au pôle “recherche, innovation et développement”, confirme un bilan carbone qui s’améliore partout, en élevage : -15 % en 20 ans. Voilà pour la lutte contre la poursuite du réchauffement. En attendant, il faut composer avec cet indéniable changement climatique : on prédit en 2050 une moyenne annuelle qui augmentera de 1,86°C par rapport au début des années 2000, avec 14 jours “très chauds” (supérieurs à 30°) et 19 jours de gel en moins à Aurillac (639 m), 34 à Marcenat (1 075 m)...
Ensilage bien plus précoce
Christophe Chabalier, conseiller en agronomie, a insisté sur les dates de redémarrage des cultures plus précoces (herbe, maïs, céréales), donc des changements aussi pour la mise à l’herbe, la fauche... Pour l’herbe, par exemple : même en prenant en compte le “facteur risques”, le fameux cumul de températures, à partir du 1er janvier, fait qu’on ensilait à 750° à Maurs le 11 mai en 1980, le 29 avril en 2015 et vraisemblablement le 20 avril en 2050... De même, on passerait à Marcenat du 13 juin en 1980 au 16 mai en 2050 ! Sur une approche systémique pour s’adapter, la diminution du chargement, la modification des périodes de vêlages, la culture de nouvelles espèces, le développement du pâturage tournant, sont quelques pistes à explorer.
(1) NB : s’il faut rester vigilant quant à son évolution, l’effet de serre demeure nécessaire à la vie. Sans lui, la température moyenne de la Terre serait à -18°C et grâce à lui, autour de +15°C.