« La passion ne suffit pas à nous faire vivre de notre métier »

Eric Germain, producteur de lait au Vernet la Varenne, s’est installé en hors cadre familial en 2003, avant de créer un Gaec en 2010 avec un jeune agriculteur de 23 ans. Ils pro-duisent 520 000 l de lait, élèvent 70 vaches laitières sur 140 ha dont 30 ha de cultures de maïs et céréales autoconsommés.
Eric Germain est administrateur de la FDPL du Puy-de-Dôme et trésorier de l’association des producteurs Mont Lait.
Vous étiez présent lors de l’intervention du président de la République à Saint- Genès-Champenelle. Que retenez-vous de ses propos ?
Emmanuel Macron a souvent cité le mot « passion » pour caractériser le métier d’agriculteur. Mais la passion ne suffit pas à faire vivre les professionnels que nous sommes ; ce n’est pas avec des revenus laitiers entre 300 et 800 € que nous pouvons vivre dignement de notre métier. Le président de la République a fait valoir qu’il serait vigilant sur la fixation de prix rémunérateurs et sur l’équilibre des négociations avec la distribution…certes, mais le temps est compté sur ces questions. Le gouvernement doit aller vite dans la promulgation de la loi sinon il n’y aura bientôt plus de producteurs dans nos zones. En 20 ans, 52% des agriculteurs ont disparu dans le Puy-de-Dôme !...
Le plan filière du secteur laitier, France Terre de Lait, présenté dans le cadre des États généraux de l’alimentation, semble abonder au retour d’une dynamique de la production laitière ? Qu’en pensez-vous ?
L’ambition de ce plan- et à travers lui de toute une filière- est effectivement d’aller vers une production plus compétitive et attractive ; une production laitière qui reste aussi fidèle à son modèle de diversité. Les engagements de la filière laitière ont ici le mérite de mettre en avant le quotidien des éleveurs, de montrer que leurs pratiques d’élevage et de production sont proches des attentes de la société et que leurs initiatives pour développer la qualité de leurs produits se multiplient. L’association des producteurs Mont Lait en est un exemple ; nous sommes dans la stratégie de développement d’une filière de qualité locale, identifiée par la provenance de laits issus de nos montagnes du Massif central. La présence la semaine dernière du Président Macron sur les terres proches de la laiterie SLVA, qui assure le conditionnement du lait Mont lait en brick et bientôt en bouteille, donne une envergure à cette démarche initiée et conduite exclusivement par des producteurs…et non par des manageurs comme on peut le voir pour d’autres initiatives phares en France. D’ailleurs à ce propos, lorsque Emmanuel Macron martèle que les éleveurs doivent développer des filières de haute qualité : oui nous le faisons, mais c’est un métier ! un métier différent de celui de producteur, qui prend du temps et de l’énergie. Nous avons donc besoin du soutien de l’État pour l’organisation, le fonctionnement et aussi sur la défense du prix. Car là aussi la passion ne suffit pas ! Nous devons pouvoir vivre des prix issus de la qualité de nos produits !
La communication auprès des consommateurs n’est-elle pas aussi un moyen de revaloriser la production laitière ?
Nous avons effectivement un gros travail de communication à faire aujourd’hui auprès du grand public. Et c’est d’autant plus urgent qu’un sondage, repris dans le plan de filière laitière, montre que 64% des français pensent qu’un produit végétal peut remplacer le lait, et plus de la moitié estiment qu’il apporte les mêmes nutriments. C’est inquiétant, d’où l’intérêt pour nous d’informer le consommateur sur nos savoir-faire et la qualité de nos produits en toute transparence. Mais communiquer est aussi un métier. Encore une fois, lorsque le président de la République évoque sans cesse « des femmes et des hommes engagés et courageux dans l’agriculture », je tiens à lui rappeler que les agriculteurs ne peuvent pas déplacer la moitié d’une montagne pour récolter un seul brin d’herbe !