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La cocaïne circule sur les routes du Cantal

Quelque 450 conducteurs ont vu leur permis retirer l’an dernier dans le Cantal pour stupéfiants, plus que ceux pour alcool au volant. Un phénomène qui s’accompagne d’une démocratisation de la cocaïne.
 

Pas moins de 8 700 dépistages de stupéfiants ont été réalisés l’an dernier lors de contrôles routiers par les forces de l’ordre, notamment par l’EDSR que commande le chef d’escadron Sébastien Rouby.
© Patricia Olivieri

Dans bien des domaines et phénomènes de mode, le Cantal a souvent des trains de retard, il en est un où le département, pourtant toujours enclavé, n’échappe aujourd’hui pas à la tendance : la consommation exponentielle de drogues et la démocratisation de substances stupéfiantes jusqu’alors réservées à la jeunesse urbaine dorée et aux festivaliers. Cocaïne, MDMA, amphétamines, ecstasy et autres pilules multicolores affublées de smileys... ne sont plus denrées rares au pays vert. En première ligne, “observateurs” privilégiés de ce phénomène inquiétant, les gendarmes de l’EDSR (escadron départemental de Sécurité routière) en mesurent l’étendue au gré de leurs contrôles routiers, partie visible de l’iceberg : ainsi, l’an 
dernier, le nombre d’infractions pour conduite sous l’emprise de stupéfiants (450 au total) a dépassé pour la première fois celui pour alcoolémie (440) sachant  que “souvent les deux sont associés”, relève le chef d’escadron Sébastien Rouby, commandant de l’EDSR. Et dans 30 % des contrôles salivaires ayant viré positif aux stupéfiants, la consommation de cocaïne est avérée, là encore seule ou associée au cannabis ou à d’autres substances illicites. 

 

Cocaïne : démocratisation des tarifs

Comment expliquer de tels chiffres ? D’abord par des moyens de dépistage salivaire beaucoup plus simples et rapides permettant d’identifier la ou les substances consommées. Un test positif étant systématiquement suivi d’un prélèvement de salive analysé dans les 72 heures en vue de la prise d’un arrêt de suspension du permis de conduire. Mieux détectés donc mais surtout beaucoup plus abordables : “L’explosion de la consommation tient beaucoup à la démocratisation du prix d’achat de ces produits, explique l’officier. Avant, le cannabis était monnaie courante dans le département, aujourd’hui la cocaïne, à 50-60 € le gramme, arrive en force.” Sans distinction d’âge, de milieu, de catégorie socioprofessionnelle. “On a de plus en plus de femmes, comme cette automobiliste de 67 ans contrôlée récemment ou cette autre, sur l’A75, qui prenait des stupéfiants parce qu’elle avait peur de conduire”, illustre le chef d’escadron Rouby, qui se souvient aussi de ce jeune contrôlé positif à l’alcool et aux stupéfiants moins d’une semaine après avoir décroché son permis de conduire.

Consommation décomplexée

Cocaïne, amphétamines, cocktails en tout genre aux contenu et dosage souvent hasardeux, sont aujourd’hui associés aux rassemblements festifs interdits (rave-party de Clavières) ou non. “Ces rassemblements attirent une population qui veut faire la fête sur plusieurs jours avec de la coke ou des psychotropes qui vont les “aider” à tenir”, observe le gendarme. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les tests salivaires virent davantage en semaine : beaucoup ignorent que ces produits ont une durée de vie dans le sang bien supérieure à celle de l’alcool, avec des effets sur la perception, l’attention, les réflexes et donc sur la conduite les jours suivants la consommation. L’an dernier, les stupéfiants ont été impliqués dans 6 % des accidents de la route recensés dans le Cantal (contre 4 % en 2023). 
Mais les “teufeurs” ne sont pas les seuls à prendre la route encore sous l’effet de produits. La cocaïne circule aujourd’hui aussi, voire plus, facilement que le cannabis dans les soirées entre jeunes, mais aussi moins jeunes ; chez les cadres, artisans, salariés qui veulent tenir le rythme, les performances, dans une société où tout s’est accéléré, constate Françoise, infirmière à l’APT Cantal, association prévention toxicomanie. 
Aucune zone du département n’est épargnée : certes, les grands axes de transit - A 75 (depuis Clermont-Ferrand mais aussi les zones de trafic du Sud de la France...) - voient passer plus de marchandises et de consommateurs mais le Nord-Cantal aussi de par sa proximité avec Bort-les-Orgues et donc l’A89. En 2023, une opération avait ainsi permis de saisir 500 g de cocaïne dans un véhicule sur la RN122 et 11 kg de résine de cannabis dans le coffre d’un véhicule loué au Luxembourg, arrêté sur la RD921 en provenance de l’Aveyron... Mais Sébastien Rouby, comme sa collègue le capitaine Lala Lahrifi, officier adjoint de Police judiciaire, le répète : la consommation est avant tout locale. 

Menu à la carte sur Snapchat

Avec de nouveaux modes de “commercialisation” et d’acheminement, qui ont évolué depuis le Covid, et bien plus difficiles à identifier et déjouer : le capitaine Lahrifi montre un “menu à la carte” de spécialités au nom attractif, proposé sur les réseaux sociaux (via les messageries Telegram ou encore Snapchat). Quant aux livraisons, elles se font par trottinettes mais aussi sous enveloppes ou colis expédiés par la Poste. Le trafic “classique” se veut lui aussi discret : pas de points de deal sur l’espace public dans le département, mais des transactions qui se font dans les appartements...
Il arrive aussi que lors des contrôles, des faisceaux d’indice conduisent les gendarmes à solliciter une perquisition du domicile. “C’est arrivé qu’on découvre chez des particuliers des plants de cannabis cultivés y compris dans des chambres dédiées et des cultures sous serres”, indiquent les deux gendarmes.
 

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