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La bizet de Haute-Auvergne

Aujourd'hui, il reste à peine 6 000 bizet, la brebis que Louis XIV appréciait tant. Rencontre avec Yannick Champaix, un éleveur cantalien passionné par cette race locale.

La bizet, élégante et rustique à la fois, fait le bonheur de Yannick Champaix, conscient aussi de l'enjeu patrimonial d'une race à faible effectif.
La bizet, élégante et rustique à la fois, fait le bonheur de Yannick Champaix, conscient aussi de l'enjeu patrimonial d'une race à faible effectif.
© B. P.

C e jour de décembre, la pluie se déchaîne à l'extérieur. La rivière Allanche noie généreusement la plaine. Au hameau du Bac, dans la bergerie, coque en bois chaleureuse, règne le calme malgré la présence d'environ 700 animaux. Tout juste entend-on le bêlement de quelques agneaux à la recherche de leurs mères. Certains intrépides ont escaladé le tapis roulant d'alimentation et se trompent d'enclos  pour retourner téter. D'autres embrassent le chien patou allongé au milieux d'eux, placide, les laissant même monter sur son dos. Quelques jours après leur naissance, ces petits bouts de laine sont encore tout noirs, de la tête au pied. Leurs grands frères ont déjà la toison qui change de couleur tirant sur le gris. Adultes, leur laine sera alors beige.

Les races locales
En maître des lieux,Yannick Champaix va d'un enclos à l'autre. Avant de nourrir tout le monde, il vérifie l'état des agneaux, notamment les derniers- nés comme celui-ci qui tente de se mettre sur ses pattes quelques minutes après sa naissance. Ici, il faut changer l'eau, là contrôler que le petit tête bien, sinon ce sera pour lui corvée de biberon.
Installé en Gaec avec Nadège, son épouse, le jeune éleveur voue une véritable passion à cette race ovine locale, la bizet, comme il aime aussi la vache salers dont il possède un troupeau d'une quarantaine de mères.
"J'ai découvert la bizet comme race locale à travers les livres et des reportages, fait part cet éleveur ovin, le seul aujourd'hui sur le secteur d'Allanche. Elle est belle à regarder avec ses deux couleurs. Mon intérêt va également à la préservation d'une race locale, presqu'en voie de disparition."
En effet, il en reste un peu moins  de 6 000 brebis en France dont 4 000 inscrites en sélection. Originaire de la Haute-Auvergne, elle était appréciée de Louis XIV,  pour sa viande tendre et son goût moins prononcé. Mais comme toujours, dans la deuxième moitié du XXe siècle, la productivité a pris le dessus. Les agneaux sont plus lents dans leur croissance. La BMC et la lacaune se sont ainsi imposées.
Qualités au pluriel
Revenons à la bizet. Ses origines auvergnates se situent à cheval sur le nord de la Margeride dans un secteur délimité par Saugues, Langeac et Brioude en Haute-Loire, et Allanche, le Lioran pour la partie Cantal. Race rustique, elle valorise bien les terrains à la suite des bovins. Dotée de bons aplombs et d'un gabarit moyen, elle est une bonne marcheuse apte à la transhumance comme cela se pratiquait autrefois dans la Margeride, le Cézallier et sur les pentes du Plomb du Cantal. En hiver, c'est probablement inscrit dans son ADN, elle supporte bien mieux que d'autres les conditions en bergerie durant de longs mois. Sa douceur naturelle n'y est pas pour rien. "En plus de son élégance, elle est vraiment faite pour notre région", argumente Yannick Champaix, qui n'aurait pas contredit le roi Soleil sur les nombreuses qualités de l'animal.

Forcément avec de la bizet
Alors, dès qu'il s'est installé, a-t-il voulu posséder son troupeau de bizet. Encore un peu et la vaste bergerie, construite tout récemment, ne comptera plus que des bizet nourries au foin et aux céréales cultivées sur l'exploitation.
En passionné qu'il est, Yannick a son troupeau inscrit en sélection. Certains spécimens sont d'ailleurs exposés au Sommet de l'élevage de Cournon ou au Salon de l'agriculture de Paris. Pour cela, l'animal doit présenter les parfaites caractéristiques de la race : une tête noire coupée d'une bande blanche régulière depuis le haut du crâne jusqu'aux muqueuses, elles-mêmes noires. Le cou, le ventre, les pattes sont noirs avec impérativement une petite tache banche sur l'une des pattes arrières. Enfin, les onglons sont de couleur sombre. Les premiers standards avaient été fixés dès 1905. Le livre généalogique a été ouvert en 1945. En 1975, un centre d'élevage de jeunes béliers choisis sur les qualités de reproduction des brebis était créé, seulement quelques années avant une forte baisse des effectifs.
"Avec un si faible effectif, il faut vraiment suivre les conseils du technicien et nous procédons à des relevés sanguins pour connaître les ascendants des mâles  afin de conserver une race pure performante", précise Yannick Champaix
Valoriser laine et viande
Le Gaec élevage Champaix compte 700 mères avec environ un millier d'agnelages répartis toute l'année. La saisonnalité est encore un autre atout de la race bizet. 20 à 30 % des brebis sont à trois agnelages sur deux ans.
La viande est commercialisée  sous signe de qualité auprès de bouchers du Cantal, à Allanche, Saint-Flour, Chaudes-Aigues par exemple. Le couple Champaix travaille aussi avec une coopérative.
Depuis peu, la laine, jusqu'alors stockée, est valorisée par Terre Laine en Haute-Loire. Son tarif évolue en fonction de trois niveaux de qualité. "Nous sommes contents de cette valorisation qui permet au moins de financer la tonte", reconnaît Yannick Champaix, qui aimerait un vrai retour de la bizet en Haute-Auvergne. Il y a  une cinquantaine d'années, la région d'Allanche comptait 80 élevages ovins. Et il existait des concours pour les bizet à Saint-Flour.

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