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« Il faut refondre un projet ! »

Après le coup de massue suite à l’annonce de la fermeture de la sucrerie de Bourdon, des pistes de réflexions ont été développées lundi dernier à l’assemblée générale de CGB Limagnes à Châtel-Guyon.

De gauche à droite : Pierre Rayé (directeur général CGB), Franck Sander (président CGB), Régis Chaucheprat (président CGB Limagnes), Julien Cautier (vice-président CGB Limagnes) et Pierre Pelloux (directeur CGB Limagnes).
De gauche à droite : Pierre Rayé (directeur général CGB), Franck Sander (président CGB), Régis Chaucheprat (président CGB Limagnes), Julien Cautier (vice-président CGB Limagnes) et Pierre Pelloux (directeur CGB Limagnes).
© S. Joly

La sucrerie de Bourdon est la plus ancienne de France encore en activité. Créée  en 1835 par le Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, elle va fermer ses portes d’ici fin janvier 2020. Une fermeture qui traduit le climat dans lequel évolue l’ensemble de la filière française, déstabilisée par de nouvelles règles européennes en conformité avec l’organisation mondiale du commerce. Depuis 2017, c’est un secteur qui n’est plus protégé par des quotas de production européens et de prix garantis et, par conséquent, plus à l’abri des fluctuations du marché mondial comme le confirme Pierre Rayé, directeur général de la CGB : « Depuis la fin des quotas, on est dans une situation qui s’est fortement dégradée, une filière qui est en proie à une crise extrêmement profonde.»

Un marché qui tend à s’assainir

Alors quelle est la situation du marché mondial ? Si le développement de production en Asie (+ 13,2 millions de tonnes rien que pour l’Inde) a été fulgurant grâce à une politique de soutien importante de la part des gouvernements des pays concernés (près de 2 milliards de dollars), on constate pourtant que les excédents sont en train de se résorber et donc un marché qui est en train de s’assainir. Le Brésil, qui a longtemps occupé les premières places de la production sucrière mondiale à plutôt tendance à se stabiliser, voir à reculer.  Pour Franck Sander, le nouveau président de la CGB, la fermeture de la sucrerie est bien évidemment liée à cette situation mondiale mais ce n’est pas la seule raison : « Les prix du sucre ont complètement craqué. Le coût de production du planteur des Limagnes est supérieur et le rendement plus faible. C’est une usine qui ne fonctionne pas 140 jours, plus petite, plus vieille et donc plus de coûts. Après il faut se poser des questions : Y a t-il eu assez d’investissements ? A-t-on fait les efforts nécessaires pour en garantir la pérennité ? A-t-on étudié l’ensemble des modèles possibles ? À ce jour je n’ai pas les réponses. Il faut, à mon sens désormais nous regrouper autour de la table avec les acteurs de l’agroalimentaire, les politiques et se prendre en main pour trouver des solutions et réfléchir à un autre modèle. Donnons-nous du temps pour le réinventer ! ».

Un Plan Ambition Filière Betterave bloqué

La betterave reste pourtant une culture intéressante pour les exploitations avec des atouts agronomiques importants. Lors de la dernière campagne, conscients de devoir faire face à des résultats difficiles, dès l’automne dernier, les planteurs de CGB Limagnes se sont rapprochés du Conseil de section de Bourbon, des élus de la Région Auvergne Rhône-Alpes et de ceux des Conseils départementaux pour leurs proposer un plan ambition filière betterave afin de venir en aide aux producteurs pour passer ce cap difficile. Si le Puy-de-Dôme a accordé un premier soutien à hauteur de 360 000 euros sur deux ans dans le cadre d’une convention avec le syndicat, ce dossier est aujourd’hui malheureusement au point mort suite aux annonces de Cristal Union qui, pour Régis Chaucheprat, président de CGB Limagnes, trahit les fondamentaux de la coopération : « La fusion avec Cristal Union avait pour objectif de préserver la production betteravière en Limagne face la baisse annoncée du prix minimum garanti du sucre et la libéralisation des marchés prévue avec la fin des quotas. Il y a quelques années Cristal Union avait indiqué que la coopérative s’insérait dans son territoire et qu’elle attachait une grande importance à la pérennité de la production dans les régions betteravières excentrées »...

Études et pistes de réflexions…

Régis Chaucheprat regrette le manque de transparence : « Nous souhaitons naturellement que Cristal union nous fournisse la comptabilité analytique de la sucrerie ainsi que des informations industrielles. Début mai, rien ne nous a été transmis. On nous a répondu qu’aucun élément ne serait transmis au syndicalisme ». De ce fait, CGB Limagnes a décidé de lancer une analyse économique à partir des comptes réactualisés de la coopérative de Bourdon avant la fusion via le travail d’experts sucriers pour mettre en perspective ces données.

Parallèlement, a été mandaté un cabinet conseil pour étudier le potentiel de commercialisation et de valorisation du sucre local. Les conclusions attendues mi-juillet devront permettre d’approcher les volumes commercialisables par clients, l’intérêt des acheteurs pour un sucre local et régional, ainsi qu’une éventuelle valorisation supplémentaire. Une opportunité pour les planteurs qui permettra de voir s’il y a possibilité de capter facilement ou non ce marché de circuits courts industriels sur le grand Sud.

Aucune piste n’est écartée, notamment la demande en sucre bio et d’autres valorisations de la betterave. « Nous avons rencontré à deux reprises un industriel qui porte un projet innovant, simplifié et donc moins coûteux en terme de process industriel. Ce dernier pourrait permettre de réduire significativement les coûts de production. Avec le jus de betteraves nous pouvons espérer différentes valorisations en direction de l’élevage, de l’alcool ou de la biochimie » indique Régis Chaucheprat. « Mais à ce stade aucune étude n’a été encore complètement réalisée et aucun engagement n’a été pris ».

Une note d’espoir pour l’avenir

Quelles que soient les études de projets, celles-ci nécessiteront inévitablement une concertation et un travail collectif entre les responsables du syndicalisme et de la coopération. Une notion sur laquelle insiste Régis Chaucheprat : « Face à une situation un peu similaire à celle que nous subissons aujourd’hui, dans les années 70, nos parents ont décidé de se mobiliser, de s’unir pour construire un projet coopératif afin de pérenniser et de développer notre filière. Le contexte a changé : réglementation, libéralisation des marchés, volatilité des prix, nous le savons tous, mais nous n’acceptons pas la fermeture que souhaite nous imposer notre groupe coopératif remettant en cause l’existence de notre bassin betteravier. Comme nos aînés, nous devons nous unir activement par une large mobilisation avec tous les acteurs concernés. C’est sur ces bases d’ailleurs que l’histoire des coopératives s’est construite ». La betterave jour un rôle essentiel dans les assolements en favorisant l’isolement des productions de semences et c’est un excellent précédent pour les blés de filière sans oublier l’intérêt des pulpes pour les filières d’élevage.

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