Hôteliers-restaurateurs : “Rendez-nous nos préenseignes !”
Depuis qu’on les a contraints à retirer les préenseignes le long de la RN122, les hôteliers-restaurateurs cantaliens enregistrent une chute de leur chiffre d’affaires.
Gérard Roussilhe se souvient parfaitement de ce 20 avril 2017 : en ouvrant son courrier, le patron de l’Hôtel des Voyageurs au Rouget a la mauvaise surprise de découvrir une lettre de mise en demeure des services de l’État l’enjoignant de retirer les deux préenseignes annonçant son établissement depuis la RN122 sous peine d’une astreinte de 205 € par jour et panneau. L’hôtelier également restaurateur s’exécute dès le lendemain mais n’imagine pas l’impact de cette absence de visibilité lui dont l’hôtel-restaurant est situé à 1,5 km de la nationale. “Du jour au lendemain, on a enregistré 20 couverts de moins à midi.” Et depuis, les nuitées ont chuté de 12 %. Si les réservations sont au rendez-vous, c’est bien la clientèle de passage qui a déserté l’établissement.
Visibilité fantôme
Philippe Viton, des Planottes à Polminhac, a plus de chance : son hôtel-restaurant borde la 122. La perte d’activités y est donc moindre depuis que lui aussi a dû retirer ses préenseignes, mais il relève un risque tout autre : “Des automobilistes qui mettent un coup de patin pour s’arrêter en nous voyant au dernier moment.” L’Umih estime qu’entre 80 et 100 entreprises cantaliennes sont aujourd’hui pénalisées par la suppression de cette signalétique le long de la Nationale. Une mesure - issue de la loi Grenelle 2 du 13 juillet 2015(1) - destinée à lutter contre la pollution visuelle qui concerne en effet les préenseignes du secteur CHR (café - hôtels - restaurants) hors agglomérations et dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, soit une grande partie du territoire cantalien. “À l’époque (juillet 2015, NDLR), on n’a pas mesuré la gravité de cette loi sur l’activité économique de nos établissements en zone rurale. Des entreprises qui ont déjà du mal à s’en sortir avec les mises aux normes : dans le département, le taux d’occupation moyen des hôtels est de 30 %, alors quand vous perdez 2, 5 ou 7 %, c’est catastrophique. Ici, on n’a pas des masses de Chinois ou des Américains qui arrivent !”, avance Thierry Perbet, président de l’Umih 15 qui craint pour la pérennité de cette activité pourtant essentielle en zone rurale et qui a donc relayé jeudi dernier l’opération nationale baptisée “S’afficher, c’est exister”. À l’échelle nationale, l’Umih évalue la perte de chiffres d’affaires à 25 % en zone rurale. “Entre capharnaüm des enseignes et le désert informatif, il existe certainement un juste milieu !”, écrit Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) qui juge inacceptable cette discrimination commerciale au détriment des commerces ruraux.
“C’est pire qu’une déviation !”
Et dans le Cantal, l’exaspération est d’autant plus forte que tous les départements ne semblent pas loger à la même enseigne. Comme lui, M. Brugès, de l’Escoundillou à Saint-Jacques-des-Blats, dénonce également l’affichage sauvage, éphémère, des comités des fêtes et autres associations pour annoncer leurs manifestations. “C’est affreux et pourtant personne ne leur dit rien”, peste-t-il. La signalétique alternative préconisée par l’État - la signalisation d’information locale (Sil) censée être implantée par les collectivités locales - est jugée tout à fait inadaptée et insuffisante : peu lisible, pas attractive, trop petite... Et ne parlez pas à ces professionnels d’une localisation digitale sur smartphone : “Tout le monde n’est pas connecté ! Finalement, cette mesure, c’est pire qu’une déviation !”, s’emporte Thierry Perbet, qui a interpellé le préfet et les parlementaires cantaliens en faisant valoir l’effet domino délétère de cette disposition sur l’ensemble du tissu local : boulangers, pompistes...
Proposition de loi Descœur
On apprenait vendredi que le député LR Vincent Descœur avait déposé quelques jours auparavant une proposition de loi “visant à inclure dans le champ des préenseignes dérogatoires les activités de restauration et d’hôtellerie, les commerces alimentaires et les distributeurs de carburant”. En attendant, pour la profession, soutenue par l’AMRF et de la fédération des Logis (Fil), il n’y a donc qu’une solution : revenir sur cette mesure au plus vite. Réunie en assemblée générale lundi à Vézac, l’Umih15 a annoncé son intention de durcir le ton via des actions syndicales déployées d’ici l’été. Un courrier va également être adressé au Président de la République.
(1) Les fermes auberges y sont également soumises, pas la vente de produits de terroir, ni les monuments historiques et le secteur de la culture.
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